ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 348 - 15/06/1998

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Nigeria

Profession "mendiant"


by Kenneth Dareng, Nigeria, avril 1998

THEME = VIE SOCIALE

INTRODUCTION

Depuis l'indépendance,
le nord du Nigeria a produit la plupart des dirigeants du pays,
et aussi... la plupart des mendiants,
qui errent par-ci, par-là dans les Etats du nord

Les visiteurs qui viennent pour la première fois dans cette zone surnommée "le pays des mendiants", ne peuvent échapper aux mendiants et estropiés qui envahissent les aéroports, les gares et les parcs à camion. Certains ont même accaparé des rues entières; d'autres ont fait leur demeure permanente dans les abribus fraîchement construits. Pour la plupart, il s'agit de jeunes qui chantent des hymnes islamiques; d'autres, des adultes, tendent leurs bols et assiettes sales aux passants. Plusieurs sont aveugles ou estropiés; mais il y a aussi des bien portants, hommes et femmes, qui pourraient faire quelque chose de plus productif de leur vie. Même dans les régions du sud et de l'ouest du pays, on rencontre un grand nombre de mendiants venus du nord, accroître la population des grandes villes déjà surpeuplées.

Une conférence sur la mendicité

Alarmé par cette progression, le Conseil des ulémas (docteurs, diplômés, enseignants religieux) du Nigeria, avec d'autres organisations gouvernementales, ont organisé récemment une conférence nationale, pour aborder cette image embarrassante qui provoque des tollés partout.

Le Nigeria du nord, largement musulman, a une longue relation avec le "métier de mendiant". Il s'agit souvent de mendiants qui sont en général des étudiants coraniques, connus comme des "almajiris"; mais il y en a d'autres qui, tout en n'étant pas des almajiris, sont d'ordinaire aussi des musulmans. La conférence a discuté du "concept de mendicité" dans l'islam, ainsi que les autres raisons qui poussent à mendier, comme la pauvreté, les handicaps physiques et mentaux, etc. Le juge Abdulkadir Orire fit la remarque suivante: "Nous avons exporté la profession de mendier dans beaucoup de parties du monde, telles que l'Arabie Saoudite, l'Italie et dans d'autres contrées de l'Afrique de l'Ouest".

L'islam encourage-t-il la mendicité? - L'islam, religion dominante dans le nord, encourage-t-il réellement la mendicité? Le professeur Sule Galadanci, ancien ambassadeur nigérian en Arabie Saoudite, nous suggère une réponse dans son discours introductif, en précisant ce que dit l'islam sur la mendicité et l'indigence. Pour M. Galadanci, en aucun cas l'islam n'encourage la mendicité. Bien que le christianisme et l'islam incitent à donner des aumônes aux pauvres et aux nécessiteux, la plupart des Nigérians comprennent bien que les deux religions ne favorisent pas un "métier" de mendiant.

Les victimes - Des petits enfants de 5 à 10 ans, qui devraient être à l'école, guident les mendiants "aveugles" et en même temps font leur apprentissage de mendiants. Dans les années pré- coloniales, les autorités locales donnaient aux mendiants un logis et de la nourriture gratuitement, et elles essayaient même de leur donner une éducation islamique. Ce programme avait généralement du succès, chaque centre pour les mendiants étant supporté par les taxes et les aumônes des riches.

Mais avec l'arrivée des Anglais, les programmes d'éducation islamique furent supprimés et remplacés par une éducation de style occidental dans tout le pays. Le professeur Galadanci remarqua: "Ce genre d'éducation était complètement différent de celui qui existait. Le contenu, les concepts, le but, les objectifs étaient tout différents. Dans le nouvel exercice, le système de l'école coranique était déconseillé, méprisé, marginalisé et presqu'entièrement abandonné."

Le nouveau système de taxation introduit par le gouvernement britannique mina le zakat (aumône ou dîme) qui avait tant aidé à l'entretien des écoles coraniques. D'où l'apparition de malams, quasi analphabètes et niais, qui ont fait de la mendicité une profession lucrative, trompent le public et asservissent les enfants dont ils ont la charge. (Ndlr - Un "malam" est un érudit qui a étudié le Coran. Au nord du Nigeria, on utilise ce terme pour s'adresser à un intellectuel). Le professeur Galadanci n'a pas hésité à blâmer les riches de la société, pour avoir délaissé les pauvres. Il s'en est aussi pris au gouvernement pour n'avoir rien fait pour alléger les souffrances des Nigérians qui vivent dans la pauvreté, causant ainsi l'émergence de la mendicité et de l'indigence dans toutes les parties du pays. La grande majorité des gens blâment le gouvernement de laisser ce travail à des institutions caritatives et non gouvernementales.

Un appel à l'attention - Dans son communiqué final, la Conférence nationale sur la mendicité et la misère, a approuvé la création d'un Conseil qui s'occuperait de ce problème de façon permanente et complète; et d'ajouter que les conditions socio-économiques dans le pays, contribuent largement à l'ampleur de la mendicité parmi les pauvres.

La conférence a insisté pour que la mendicité, qu'elle décrit comme "malicieuse", soit prohibée, et elle a demandé qu'on fasse quelque chose pour éviter que les pauvres s'attroupent dans les rues pour mendier. Elle a pris note de ce qui se passe dans les régions urbaines, spécialement dans les cités du sud, comme Lagos. Ici, il y a une nouvelle classe de mendiants qu'on ne peut pas comparer aux mendiants traditionnels, sales et estropiés qu'on trouve dans les cités du nord. Ceux du sud sont bien plus sophistiqués: ce sont des jeunes bien portants, hommes et femmes. Ils sont bien habillés, parlent un bon anglais et expliquent leurs malheurs en larmoyant pour apitoyer le public et recevoir de l'argent.

Nouveau chez-soi, vieilles habitudes. - Le gouvernement, ennuyé par cette situation embarrassante, a fait un effort pour ouvrir des centres de réhabilitation pour mendiants et dépourvus, dans plusieurs grandes cités. Car, avec son "Vision 2010 Program", le gouvernement s'efforce de lancer une campagne pour faire du pays un havre touristique en Afrique. Mais les mendiants sont peu enclins à s'enfermer dans ces centres, alors qu'en dehors ils ont un métier lucratif, gagnant bien plus qu'un fonctionnaire diplômé. Ils se plaignent aussi d'être maltraités dans ces centres de réhabilitation.

Beaucoup de gens sont convaincus que ces efforts du gouvernement sont du temps et de l'argent perdus, car, après avoir été hébergés dans ces centres, les mendiants reviennent souvent à leurs anciennes places et habitudes.

Pour d'autres, le gouvernement ferait bien mieux de fournir à ses fonctionnaires un logement décent et assez d'argent à ses citoyens, obligés de dormir sous les ponts parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de louer une chambre: "Laissez les mendiants se débrouiller", disent-ils, "ils n'apprécient pas ce que le gouvernement fait pour eux".

Conclusion

Il y a beaucoup de pauvres au Nigeria, désespérément pauvres, et le gouvernement en est en bonne partie responsable. Un observateur politique disait: "Le Nigeria est gouverné par un groupe de gens incapables de faire face aux problèmes sociaux, tels que les personnes âgées, les malades, les jeunes avec tous leurs problèmes, et les infirmes. L'assurance maladie n'existe pas. Il faut des services sociaux spécialement destinés aux pauvres.". Si le gouvernement ne fait pas quelque chose pur améliorer l'assistance sociale, la mendicité continuera et même elle augmentera.

END

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