ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 348 - 15/06/1998

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Afrique du Sud

La situation sociale et économique


by Ashley Green-Thompson, Afrique du Sud, avril 1998

THEME = VIE SOCIALE

INTRODUCTION

Ce qui se passe dans le pays

48 ans de régime du Parti national (NP) et de politique prônant la ségrégation raciale, pendant lesquels les mouvements de libération rendaient le pays ingouvernable et cherchaient à détruire la base du gouvernement des Blancs, ont coûté cher à l'Afrique du Sud. Le nouveau gouvernement a hérité d'un pays qui connaît une plus grande inégalité dans la distribution des richesses qu'au Brésil, longtemps considéré comme la référence dans les traités d'économie. Les riches sont très riches et les pauvres sont nombreux et dans la misère à cause de dizaines d'années d'abandon.

Régime constitutionnel - Et pourtant le nouveau régime sorti des élections historiques de 1994 a réalisé beaucoup de choses, au cours de sa brève exis-tence. La Constitution sud-africaine et sa déclaration des droits sont parmi les meilleures au monde, prévoyant un certain nombre d'organismes destinés à protéger les droits de l'homme et à les sauvegarder contre tout abus de pouvoir. Il y a un Protecteur officiel, une Commission des droits de l'homme et une Commission sur l'égalité des sexes. La Cour constitutionnelle peut annuler les décisions du Parlement, si elles sont jugées inconstitutionnelles. La Constitution est au dessus de tout. En plus, tous ces organismes sont des corps indépendants, responsables devant le Parlement et ne peuvent être destitués.

L'héritage économique - Pendant 48 ans, les Sud- Africains blancs ont bénéficié de tous les profits provenant de l'économie la plus importante d'Afrique. Les Noirs, majoritaires dans le pays, fournissaient du travail à bon marché. Le nouveau gouvernement, pour des motifs évidents, a placé en tête de son programme le développement social des Noirs et la redistribution des énormes richesses du pays.

La vedette de ce processus était le Programme de reconstruction et de développement (RDP), un plan destiné à traiter l'héritage de l'apartheid. Ce plan recueillait la faveur de plusieurs secteurs de la société, dont la Conférence des évêques qui l'ont approuvé comme "un programme juste et admirable". Mais les pressions de la communauté mondiale et des institutions financières internationales ont entraîné la suppression du RDP et l'adoption d'un plan macro-économique néo- libéral portant le nom de "Croissance, Emploi et Redistribution" (GEAR ).

Le GEAR rencontre beaucoup d'opposition surtout de la part des organisations non gouvernementales et de développement; mais les responsables du gouvernement affirment n'avoir pas le choix dans un marché mondial hostile.

Politiques des partis - Politiquement, le Congrès national africain (ANC ) est le parti le plus puissant avec 60% des représentants. Après lui, vient le Parti national avec environ 20%. Les autres partis d'opposition comprennent le Parti de la liberté Inkatha de Mangosuthu Buthelezi (resté au gouvernement après le départ du NP), le Front de la liberté, le Parti démocratique, le Congrès panafricain et, le plus petit, le Parti démocrate chrétien africain.

L'ANC a tenu récemment son 80ème Congrès national, au cours duquel Nelson Mandela a passé les rênes du parti au vice-président Thabo Mbeki. Cela assure à Mbeki d'être le prochain président. C'est pendant ce congrès que le président Mandela a lancé le défi aux Blancs d'Afrique du Sud d'accepter la nécessité de la transformation du pouvoir et des relations économiques. Son message se résume le mieux dans sa citation du discours de Lyndon Johnson en 1965 à l'université d'Howard: "Nous ne voulons pas simplement la liberté, mais aussi des perspectives; non seulement la justice légale mais la reconnaissance en tant qu'hommes; non seulement l'égalité en droit et en théorie mais l'égalité de fait et dans les résultats". Mandela insista sur le fait que la réconciliation nationale ne peut se faire sans une transformation sociale.

Les contestations du gouvernement - Alors que l'ANC est sorti politiquement renforcé d'un Congrès qui a montré la cohésion du mouvement en face d'une opposition parfois rude, il sera difficile de traiter les problèmes de corruption au sein du gouvernement et la criminalité en hausse. Beaucoup disent que la corruption n'est pas pire que sous l'apartheid. Cet argument ne tient plus et l'incapacité du gouvernement de la province du Cap oriental à payer les pensions de vieillesse a provoqué des réponses furieuses de la part de toute une série d'organisations. Des millions se perdent par la corruption, la mauvaise administration et l'inefficacité. Cela provient en grande partie d'un accord négocié au début des années '90, garantissant leur poste pendant cinq ans aux anciens fonctionnaires de l'apartheid. Beaucoup peut être attribué à l'héritage destructeur de l'apartheid.

Quelle qu'en soit la cause, pour sa propre survie et pour éviter que l'Afrique du Sud devienne un pays de voleurs, la direction de l'ANC doit mettre fin à tout cela.

La criminalité - La corruption se révèle clairement dans le taux croissant de la criminalité. Alors que les efforts de la police gravement sous-équipée et de la justice criminelle ont enregistré des succès dans certaines régions, le niveau moyen de la criminalité, particulièrement les crimes de violence, reste élevé.

De janvier à septembre 1997, on compte 40 homicides pour 100.000 habitants; 47 tentatives de meurtre et 116,6 vols avec circonstances aggravantes. Ces statistiques (comme pour toute étude de ce type, il faut tenir compte de la méthodologie et de la tendance politique du chercheur) sont en grande partie considérées comme une conséquence directe de la lutte violente contre l'apartheid qui s'est déroulée dans les townships et au-delà. Le gouvernement a commencé des stratégies et des plans pour combattre le crime, et lancé quelques idées novatrices. Le succès de ces efforts ne pourra se mesurer qu'au cours de cette année.

La Commission Vérité et Réconciliation - Une noble tentative de traiter les souffrances et les traumatismes du passé est la Commission Vérité et Réconciliation (TRC). Présidée par l'archevêque anglican Tutu, la Commission a passé les deux dernières années à enquêter sur les violations des droits de l'homme. Dans quelle mesure elle aura réussi comme agent de guérison et de réconciliation, l'avenir seul pourra l'évaluer. Actuellement, il y a toujours d'abondantes critiques sur la partialité de la TRC: les coupables obtiennent l'amnistie s'ils racontent leur histoire, tandis que les victimes n'ont encore obtenu aucune compensation ou restitution. C'est une expérience unique au monde et elle montre que les Noirs sont prêts à pardonner à leurs anciens oppresseurs. En même temps, cela montre à l'évidence que beaucoup de Blancs refusent de se repentir d'avoir accepté l'apartheid parce qu'ils en tiraient profit. Peut-être les générations futures, dans un lointain avenir, apprécieront-elles pleinement l'impact de la Commission Vérité et Réconciliation.

Economie et Emplois - Selon un recensement récent, le pays compte 37,9 millions d'habitants. Ce chiffre semble très bas aux observateurs et on se pose des questions sur les techniques et la fiabilité du recensement. La plupart situent les chiffres au-delà de 40 millions. Dont plus de 30% sont officiellement sans emploi. Comme beaucoup de ces gens ont une activité dans le secteur non officiel - commerces de toutes sortes au coin des rues, allant des fruits aux caméras Fuji - il est difficile si pas impossible d'évaluer exactement leur situation. Il suffit de dire que dans les centres urbains le secteur informel est un marché dur et compétitif où les nouveaux arrivants, surtout les immigrés, ne sont pas les bienvenus.

Le GEAR a promis de créer 126.000 emplois en 1996 et encore 252.000 en 1997. Mais en fait, entre juin 1996 et juin 1997, on a perdu 79.800 emplois. 450.000 jeunes sortent de l'école chaque année pour entrer sur le marché de l'emploi.

Une récente enquête établit que 20% des ménages en Afrique du Sud s'en sortent (ou ne s'en sortent pas) avec un revenu de 100 US$ par mois. Et cela dans un pays qui a un produit national brut par tête de 1.430$.

Une phrase qui actuellement fait fureur en Afrique du Sud, c'est "Pleins pouvoirs aux Noirs". Cela signifie que la population noire doit avoir non seulement le pouvoir politique mais aussi le contrôle sur l'économie. Ce qui se passe maintenant c'est que des consortiums appartenant à des Noirs ont acquis d'énormes participations dans des compagnies appartenant à des Blancs, permettant ainsi à des hommes d'affaires noirs d'avoir accès aux échelons supérieurs de l'économie.

Aujourd'hui, 3% de la Bourse de Johannesburg sont entre les mains de compagnies noires. Cependant, selon des critiques, le pouvoir des Noirs doit se mesurer non pas au nombre de millionnaires noirs, mais à l'augmentation du nombre de ceux qui ont obtenu un emploi.

Santé - Ajoutons quelques chiffres sur le front de la santé, où le ministre est arrivé à fournir la gratuité des soins aux enfants et aux femmes enceintes; on peut se procurer les médicaments de base moins chers et les étudiants en médecine doivent accomplir un service au profit de la communauté avant de pouvoir entreprendre la pratique privée. Ces progrès controversés mais révolutionnaires ont été une des plus importantes réalisations du nouveau gouvernement. A la fin de 1996, le nombre d'adultes séropositifs était estimé à 2,4 millions et celui des bébés séropositifs à 58.000. Pour 1997, le département de la Santé estimait que 70.000 adultes et 20.000 enfants développeraient le SIDA. La tuberculose reste cependant la maladie évitable la plus répandue avec 151 cas de maladie signalés par 100.000 habitants.

Habitat - Entre mars 1994 et septembre 1997, 360.000 maisons, sur un million constituant l'objectif du gouvernement pour 1999, ont été bâties ou sont en construction. Ici aussi on a fait des progrès, mais quand la pénurie de logement atteint les 2 millions d'unités, ce n'est qu'un début.

Eau et éclairage - Deux domaines fort améliorés depuis 1994 sont la fourniture d'eau courante et l'électricité. En 1997, 1,7 million de personnes ont reçu pour la première fois de l'eau courante potable, tandis que 18 millions de personnes n'ont pas encore la fourniture d'eau indispensable. Au début de 1997, 20 millions d'habitants n'avaient pas encore l'électricité, mais on a atteint une cadence de 80.000 nouveaux raccordements par an.

Conclusion

Les statistiques ne prouvent généralement pas grand- chose. Nos chiffres proviennent pour la plupart de l'Institut pour les relations raciales, un organisme qui a une tendance idéologique bien définie. Cependant, les chiffres donnent une indication sur les progrès faits par le pays. Il existe des problèmes sociaux fondamentaux dont certains vont de pair avec la situation d'un pays nouvellement libéré en voie de développement. D'autres sont des séquelles spécifiques du cauchemar de l'apartheid.

Néanmoins, deux choses permettent de fonder les espoirs de réussite du pays dans ce monde difficile. La première, c'est la maturité et la compétence des dirigeants politiques. La seconde, c'est une société civile pleine de vie dans laquelle l'Eglise et d'autres organisations communautaires jouent un rôle clé en maintenant le processus de transformation sur les rails. C'est l'enfance de la démocratie et l'enfant doit encore apprendre comment se conduire pour être considéré comme un adulte.

END

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