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TRE_1 = Afrique
by Justin Mendy, Sénégal, mai 1998
THEME = SPORT
Les 3èmes "Jeux de l'avenir des personnes handicapées
d'Afrique francophone" (JAPHAF) de Dakar
ont battu tous les records et confèrent désormais à cette institution
un rôle de premier plan dans la lutte des handicapés d'Afrique contre l'exclusion.
(cf. ANB-BIA, nr 341, page II)
Ils étaient plus de cent cinquante athlètes et encadreurs africains de quatorze pays, auxquels s'étaient joints 7 Français et 2 Suisses, à communier ensemble cinq jours durant (du 23 au 27 avril 1998) et "à confronter dans une saine émulation leurs talents, adresses et endurances, pour faire avancer la cause des personnes handicapées", selon le mot du président du Comité international de ces Jeux, le Burkinabè Djibril Ouédraogo.
Le Burkina Faso, avec dix athlètes, s'est octroyé la première place avec 14 médailles (8 d'or, 4 d'argent et 2 de bronze), dont cinq sont revenues aux trois filles de la délégation. Il est suivi de la Côte d'Ivoire avec 6 médailles (3 d'or, 2 d'argent et 1 de bronze) et du Sénégal avec 12 médailles (2 d'or, 6 d'argent et 4 de bronze). Puis viennent dans l'ordre: le Mali (8 médailles), la Mauritanie (2 médailles), la République centrafricaine (4), le Bénin (3), le Cap Vert (1), la Guinée Conakry (3). (Ndlr.: le classement se fait par nombre de médailles d'or, ensuite d'argent, etc.). Le Cameroun, le Tchad et le Togo, qui n'avaient envoyé qu'un seul athlète, n'ont pas obtenu de médaille. La Guinée-Bissau et le Niger n'avaient envoyé que des techniciens.
Ces Jeux de Dakar marquent un vrai tournant dans l'évolution de ces compétitions. Elles avaient débuté en 1994 à Ouagadougou avec 6 pays; deux ans plus tard à Cotonou elles en rassemblaient 7. Cette année, le nombre de pays a doublé.
Ce bond quantitatif a été accompagné d'un bond qualitatif: pour symbole, le record de levée en haltérophilie de 135 kg, réalisé par le Burkinabè Issaka Kaboré, déjà médaillé aux Jeux parolympiques d'Atlanta. Et des résultats encore plus performants auraient pu être obtenus dans d'autres disciplines si les athlètes avaient disposé de matériel adéquat comme des fauteuils roulants et des tricycles de compétition.
Cette double performance a attiré l'attention des membres de la communauté internationale, au premier rang desquels l'ONG Handicap International qui a d'ailleurs apporté son soutien à ces Jeux depuis leur début. Mais, pour avoir constaté de visu l'ampleur grandissante de ces compétitions, les autres partenaires ne sont pas restés insensibles. La France, déjà présente par le biais de FAC/SPORT, s'impliquera davantage dans le futur; le délégué interministériel, M. Patrick Ségal, l'a annoncé de manière formelle. La coopération suisse, avec une contribution financière de 4 millions de fcfa, et celle de la Communauté française de Belgique, avec notamment un lot de matériel aux athlètes les plus méritants, semblent désormais acquises.
La Conférence des ministres francophones de la Jeunesse et des Sports (CONFEJES) a contribué largement à l'acheminement de certaines délégations à Dakar et a mis à la disposition de cette 3ème édition des Jeux deux experts, un de la Belgique et un du Canada. De plus, elle s'est engagée à former les cadres qui animent le sport pour personnes handicapées en Afrique francophone.
Au plan local, plusieurs entreprises privées, notamment françaises, installées à Dakar, ont apporté leur contribution financière à cette rencontre. Il en va de même de la commune de Dakar et de deux autres de l'arrondissement de cette ville.
Tous ces appuis, même s'ils restent encore insuffisants, ont permis aux Jeux de Dakar d'être une véritable "fête de la jeunesse handicapée d'Afrique". A ce titre, a dit M. Djibril Ouédraogo, ils ont répondu à l'objectif principal des JAPHAF, qui est de "permettre aux personnes handicapées d'utiliser le sport comme moyen thérapeutique, afin de renforcer leur équilibre psychologique, réaliser leur intégration sociale et acquérir une plus grande autonomie".
Au-delà des résultats sportifs, il y a eu des moments de pleine fraternité vécus d'une manière ou d'une autre par tous les participants. Ils ont fait naître ou confirmer l'idéal d'égalité entre personnes handicapées et valides.
A défaut de statistiques spécifiques pour l'Afrique, on se réfère généralement à celles de l'ONU qui estime à environ 10% de la population le nombre de handicapés par pays; mais plusieurs experts pensent que ce pourcentage se situe plus haut en Afrique. Aussi, les JAPHAF interpellent les gouvernements.
"La décision de la plupart des gouvernements africains de placer le troisième millénaire sous le signe de la lutte contre l'exclusion et la pauvreté ne doit plus se limiter à de simples déclarations d'intention ou d'oeuvres de charité". Un tel engagement doit se traduire par "l'intégration de la problématique des personnes handicapées dans les priorités nationales, notamment concernant l'égalisation des chances et la convention relative aux droits des enfants". Il s'agit, en d'autres termes, de "rendre aux personnes handicapées leur dignité d'hommes et de leur permettre, comme à leurs concitoyens, de jouir de tous leurs droits et de participer, à égalité, à tous les aspects de la vie de la société".
Ces paroles fortes du président du Comité international des Jeux, M. Ouédraogo, prononcées à l'issue des compétitions le 27 avril dernier, donnent la vraie justification d'une telle manifestation. Les JAPHAF expriment la volonté des membres des différentes fédérations de faire connaître leurs réalités spécifiques dans un environnement physique, sociologique et culturel, qui n'a que peu ou pas de considération pour les aptitudes et les besoins des handicapés. Mais les vertus du sport, tout en demeurant un moyen de rééducation fonctionnelle pour les personnes handicapées, constituent en sus "un facteur de valorisation de la personne humaine et d'accélération du processus d'intégration sociale", martèle M. Ouédraogo. C'est pourquoi les Nations unies ont ciblé le sport comme un des domaines dans lesquels le processus d'égalisation doit être appliqué.
L'édition dakaroise des Jeux vient encore de révéler au grand jour la marginalisation dont sont l'objet les personnes handicapées. Aucune des 80 sociétés nationales sénégalaises, contactées pour soutenir cette compétition, ne s'est manifestée, alors que certaines doivent une bonne partie de leur succès à leur appui au sport. Les médias également, à part quelques individualités, ne se sont pas mobilisés pour l'événement et ne lui ont réservé qu'une place fort modeste. Le public présent était surtout constitué d'enfants, en dehors des officiels conviés aux cérémonies d'ouverture et de clôture, quand ils ne s'y sont pas fait représenter...
Cependant, certaines autorités locales ont apporté un appui conséquent. C'est le cas d'abord de la municipalité de Dakar et en particulier de son maire, M. Mamadou Diop, dont la sollicitude à l'égard de Handisport et des personnes handicapées est fortement appréciée.
Le gouvernement vient de lui emboîter le pas par un soutien généreux aux Jeux de Dakar. C'est la conséquence logique du discours positif en faveur des personnes handicapées du président de la République, M. Abdou Diouf, le 31 décembre dernier. Il a été suivi d'un engagement du ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Ousmane Paye, qui "a donné à Handisport Sénégal ses titres de noblesse en lui donnant la place qu'il mérite dans le mouvement sportif sénégalais", a témoigné publiquement le président de cette structure, M. Sani Hagne. Celui-ci occupe, depuis le début du mois d'avril dernier, le poste de secrétaire général adjoint au bureau du Comité national olympique du sport sénégalais. C'est la première fois qu'une place est ainsi faite au sport handicapé au sein de la structure dirigeante du mouvement olympique sénégalais.
Le président Djibril Ouédraogo a lancé un appel aux gouvernements et à la société civile d'Afrique pour "qu'ils apportent leur appui à l'action de ces Jeux par un soutien constant aux fédérations nationales des personnes handicapées".
Si Dakar a drainé un nombre si important d'athlètes et d'encadreurs de tant de pays, les Jeux d'Abidjan, en l'an 2000, risquent de dépasser les 30 pays participants, toutes zones linguistiques confondues. En effet, après les lusophones du Cap Vert et de la Guinée-Bissau déjà présents à Dakar, le Libéria, le Ghana et le Nigeria ont sollicité leur participation aux JAPHAF et ont vu leur requête agréée. Et l'assemblée générale du Comité international, le 26 avril, a décidé d'accueillir tous les pays du continent à ses compétitions, tout en restant une institution francophone.
Cette assemblée a également décidé d'envoyer une mission auprès du secrétariat général de la Confédération africaine des sports pour handicapés, au Caire, afin d'examiner l'ouverture de cette Confédération à l'ensemble du continent et de briser sa monopolisation par quelques pays d'Afrique du Nord.
En tous cas, aujourd'hui, les JAPHAF sont devenus incontournables dans le développement du sport pour handicapés en Afrique et dans le monde.
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