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by Tendai Madinah, Zimbabwe, février 1998
THEME = ARMEE
Société civile et opposition ont prévenu le président Mugabe,
qui se débat dans des difficultés économiques et politiques,
que l'emploi de l'armée pour réprimer les émeutes de la faim de janvier
se répercutera sur son gouvernement
L'armée pourrait être utilisée à de meilleures fonctions que celle de la répression de manifestations.
Au mois de janvier, dans les faubourgs très peuplés de Harare et de la ville proche de Chitungwiza, il y eut des émeutes provoquées par la famine. L'armée fut alors envoyée dans les rues pour mater la foule et pour prévenir d'autres désordres.
Aloïs Masepe, secrétaire général du Front populaire pour la démocratie (FPD), dans l'opposition, déclare: "Si vous faites intervenir l'armée, vous faites croire aux militaires qu'ils sont les seuls à pouvoir résoudre les problèmes politiques. Les soldats seront évidemment enchantés d'être invités à entrer dans l'arène politique. Et cela risque de mener tout droit à l'anarchie! L'armée a toujours cru que son rôle était celui de défendre la patrie et le peuple. Maintenant, on les appelle pour affronter des citoyens sans armes, dans les rues de Harare et de Chitungwiza".
Au lieu de résoudre un problème, on en a créé un autre. L'armée a peut-être réussi à faire rentrer les gens chez eux par crainte; mais les gens, toujours affamés, sont maintenant furieux parce que l'armée a joué un rôle qui n'est pas le sien: celui de "défenseur de la loi". C'est là, à leur avis, le meilleur moyen de préparer un coup d'Etat. Mais qu'arrivera-t-il si les soldats refusent de réintégrer leurs casernes, ou si, dans un second temps, ils descendent dans les rues sans y être invités, et s'y installent de manière permanente?
Masepe dit encore: "En Afrique, on a tendance à critiquer l'armée quand elle fomente des coups d'Etat. Mais la faute est aux politiciens, qui la sollicitent chaque fois qu'ils se sentent menacés. Le danger est que, après avoir goûté au pouvoir, les militaires ne veuillent plus le lâcher".
Lupi Mushayakarara, commentateur politique et membre de l'Initiative pour une société ouverte en Afrique australe, basée à Johannesbourg, affirme qu'utiliser l'armée, comme le gouvernement l'a fait en janvier, est caractéristique d'une organisation qui a perdu le nord. Ce n'est pas le rôle de l'armée de soutenir le programme politique personnel de Mugabe, un programme qui est en lambeaux.
Il est évident que l'armée doit rester dans les casernes. Voici ce qu'écrit un chroniqueur de la "Financial Gazette": "L'Afrique a devant elle trop d'exemples d'armées qui ont goûté au pouvoir et qui refusent de réintégrer leurs casernes". Selon Wurayayi Zembe, secrétaire général du Parti démocratique, l'armée doit rester dans les casernes, et il faut cesser de l'utiliser pour supprimer les libertés économiques et sociales de la population. Il ajoute que tout chef qui s'appuie sur l'armée ne dirige pas un gouvernement élu. L'armée est là pour être au service de la population et non pas des intérêts des privés.
Un spécialiste en sciences politiques de l'université du Zimbabwe, John Makumbe est moins que délicat quand il dit que tout le problème se résume à ce que: "Le parti ZANU-PF croit plus à l'utilisation des muscles que de la tête, parce que c'est un parti issu de la violence et qui ne s'est pas encore transformé de mouvement de guerre de libération en parti politique civil. Quand il est mis en cause, il recourt toujours à des méthodes violentes".
Welshman Ncube, professeur à la faculté de droit de l'université du Zimbabwe, remarque que les femmes et les jeunes très nombreux impliqués dans les pillages actuels sont ceux qui ont grandi sous le régime ZANU-PF et qui, d'une façon ou l'autre, se sont ralliés à ce mouvement politique.
Il faudrait noter que c'est précisément le type de personnes qu'on avait utilisées pour déchaîner la violence des années 1983-1987. A l'époque, les victimes étaient membres du défunt parti d'opposition, l'Union du peuple africain du Zimbabwe (ZAPU), du vice-président Joshua Nkomo. Les "suspects" étaient chassés de leur maison et leur propriété détruite, surtout après les élections générales de 1986 (programmées pour 1985 mais ajournées par le gouvernement).
Pourquoi emploie-t-on l'armée pour réprimer les troubles de civils? Selon le ministre de l'Intérieur, Dumiso Dabengwa, l'unité de soutien de police de la République du Zimbabwe (la section anti-émeute) n'a pas suffisamment d'équipement et d'officiers pour contrôler de grandes manifestations. Il n'y a que 3.000 officiers disponibles pour tout le pays. La police n'a pas de balles en caoutchouc; il faut donc utiliser des munitions de tir réel. Néanmoins, le ministre ne peut dire en vertu de quelle loi ou de quelle clause de la Constitution on appelle l'armée à descendre dans les rues.
Des groupes de citoyens sont persuadés qu'employer l'armée pour combattre ce qu'on nomme des "troubles civils" est incompatible avec la loi et la Constitution. Et, utiliser des armes à tir réel ne peut se justifier que si des vies sont en danger. En janvier, seuls des bâtiments étaient visés et non des personnes.
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