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by Martin Luther Mbita, Cameroun, juin 1998
THEME = MEDIAS
Une rencontre entre l'Union des journalistes camerounais et le
Premier ministre
fait espérer un meilleur avenir pour "le plus beau métier du monde"
Le 8 mai 1998 restera peut-être une journée historique pour les journalistes camerounais. Cinq jours après la journée mondiale de la liberté de la presse, quelques membres de l'Union des journalistes camerounais (UJC), conduits par leur président Ahmadou Vamoulké, ont remis au Premier ministre camerounais, Peter Mafany Musonge, un mémorandum sur les problèmes de la presse camerounaise. Jusqu'à présent, jamais journalistes et pouvoir camerounais ne s'étaient rencontrés pour parler de ces problèmes. Un certain nombre de demandes lui ont été transmises.
Au premier chef des revendications, on peut noter les délits de presse. Le Cameroun figure encore parmi les rares pays au monde où les journalistes sont pourchassés et jetés en prison comme de vulgaires criminels. Plus grave, le journaliste n'a qu'un délai de cinq jours pour fournir des preuves au plaignant qui l'accuse de diffamation, alors que ce dernier dispose de trois ans avant qu'il n'y ait prescription pour le poursuivre.
L'UJC demande donc au pouvoir:
- 1. de pénaliser les délits de presse et d'établir la primauté du juge en la matière;
- 2. d'instaurer des chambres spéciales pour connaître les délits de presse;
- 3. de supprimer les peines privatives de liberté à l'encontre des journalistes pris en défaut dans l'exercice de leur métier;
- 4. de changer la loi, de sorte que ce soit au plaignant d'établir la preuve de la culpabilité du journaliste, et non plus à celui-ci de porter la preuve de sa non- culpabilité;
- 5. de veiller à l'application de la loi 90/052, du 19 décembre 1990, sur la communication sociale au Cameroun, garantissant l'inviolabilité des rédactions.
Au Cameroun, l'audiovisuel reste encore une chasse gardée de l'Etat. Alors que partout ailleurs l'heure est à sa libéralisation, le Cameroun fait du sur place. En pourtant, la loi 90/052 ouvrait une voie à la libéralisation de l'audiovisuel. Mais huit ans après, on attend toujours l'application du texte. Dans un sixième point, l'UJC a donc demandé au gouvernement de libéraliser immédiatement les médias.
Le journalisme au Cameroun est l'un des rares métiers qui n'a ni statut ni convention collective. C'est un métier qui mène à tout, car n'importe qui peut se lever un matin et écrire un papier. Dès qu'il est publié par une rédaction, on s'estime désormais en droit d'exercer cette profession. C'est ainsi que le journalisme et les journalistes ne rencontrent que mépris auprès des autorités du pays. Ce manque de statut amène également les patrons des organes de presse à abuser des journalistes qu'ils emploient.
La fourchette salariale varie ainsi de 30.000 à 50.000 fcfa, suivant les organes de presse. Ne pouvant pas subvenir de manière convenable aux besoins de sa famille, le journaliste est donc obligé d'user de tous les moyens pour se procurer de l'argent. Il se lance ainsi dans le "gombo", qui en jargon camerounais veut dire "percevoir une somme d'argent pour encenser une personnalité ou une institution". Le communicateur se transforme alors en hagiographe qui embellit même ce qui est mauvais.
Au Cameroun, il existe d'un côté la presse privée et de l'autre la presse publique ou d'Etat. Mais il faut souligner que tous les journalistes, dans les deux camps, rencontrent les mêmes problèmes. Si les premiers sont taxés de journalistes de l'opposition, les seconds sont obligés de faire la propagande du parti au pouvoir, faute de quoi ils seront sanctionnés.
Pour n'avoir pas voulu céder aux pressions du pouvoir, plusieurs journalistes ont dû quitter la "Cameroon Radio and Television" (CRTV), un office appartenant à l'Etat, pour s'installer à leur propre compte ou pour s'exiler en Europe et aux Etats Unis. Il faut donc soutenir le parti au pouvoir, si on veut évoluer "librement" et avoir facilement accès aux informations.
En définitive, la presse camerounaise dans son ensemble connaît d'énormes difficultés. Pour mieux affronter ces difficultés, les journalistes, tant de la presse privée que publique, au lieu de se tirer dessus à boulets de canons, devraient se serrer les coudes. Faute de quoi s'évanouira le rêve de mettre fin au chemin de croix de la presse au Cameroun.
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