ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 351 - 01/09/1998

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS



Afrique

La dette des pays pauvres


by Préparé par ANB-BIA, Bruxelles, mai 1998

THEME = DOSSIER

INTRODUCTION

Doit-on, peut-on annuler la dette internationale des pays pauvres?
Un courant mondial, qui ne fait que s'amplifier ces dernières années,
demande la remise de cette dette à l'approche du 3e millénaire.

Depuis bien des années déjà, le monde se rend de plus en plus compte que le problème de la dette des pays pauvres est pour ceux-ci un handicap insurmontable dans leurs tentatives de sortir de leur situation, et des mouvements d'opinion se sont mobilisés pour y porter remède. De nombreuses ONG, dont Oxfam est parmi les plus actives, plaident pour une remise totale de la dette. La plus connue est sans doute l'initiative "Jubilee 2000", une coalition qui représente des institutions religieuses et des organismes d'aide, et qui, sous l'impulsion de la Britannique Ann Pettifor, rassemble à cet effet des signatures dans le monde entier.

L'Eglise catholique s'est également prononcée dans le même sens. Déjà dans sa lettre Tertio millennio adveniente du 10 novembre 1994, le pape Jean-Paul II a lancé un appel pour une remise de la dette. Et le 17 avril dernier, deux organismes catholiques, Cidse et Caritas Internationalis ont publié un document, intitulé Faire passer la vie avant la dette, où, dans une étude fouillée, ils étudient le problème et demandent que la dette, que la plupart des pays pauvres ne sont plus en mesure de rembourser, soit annulée d'ici l'an 2000.

Les créanciers eux-mêmes sont conscients du problème et recherchent des solutions. Au début de 1996, les organisations internationales, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), ont mis sur pied un mécanisme d'allégement de cette dette. Et à plusieurs reprises déjà, notamment lors de leur dernière réunion à Birmingham du 7 au 10 mai 1998, même les membres du G8 (la rencontre des pays les plus riches du monde) se sont penchés sur le problème.

Esquissons brièvement l'état de la question et les solutions envisagées. Nous nous baserons plus particulièrement sur le document Cidse/Caritas Internationalis.

**** La genèse de la dette ****

Toute entreprise emprunte de l'argent pour se développer. Les pays du tiers monde ont dû faire de même. Ceci est normal et positif si les taux d'intérêts sont relativement bas et surtout stables, et si les sommes empruntées sont bien utilisées. Mais plusieurs éléments ont déstabilisé le processus.

On attribue généralement le point de départ de la dette au choc pétrolier des années 70. En 1973, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) quadrupla le prix du brut et l'augmenta encore en 1979. Les sommes énormes qui en résultèrent furent en bonne partie investies dans des banques commerciales, qui à leur tour cherchèrent des acquéreurs. Comme ces pétrodollars ont afflué à un moment où le monde développé était en récession, les banques se sont adressées particulièrement, et de façon souvent agressive, aux pays en développement, auxquels elles prêtèrent le plus souvent sans évaluer les demandes ni contrôler leur façon de dépenser, et sans s'embarrasser de préoccupations économiques et sociales. L'argent afflua vers le Sud.

Mais cet argent fut souvent mal utilisé par des responsables, corrompus ou non. Il servit à des achats d'armes, des projets mal étudiés et mal gérés, ou des projets ne profitant qu'à une petite élite, s'il ne disparaissait pas sur des comptes privés. Il ne produisit aucune vraie richesse pour ces pays. Or, les banques pouvaient prêter à ces gouvernements avec l'assurance que les dettes passeraient aux gouvernements suivants, car il n'existe pas de procédure internationale en cas d'insolvabilité.

Le fait qu'en 1971 les Etats-Unis aient décidé que le dollar, monnaie de référence, n'était plus conver-tible en or, provoqua une instabilité monétaire dans le monde entier. Les taux d'intérêts montèrent de façon désordonnée: des emprunts faits à 7 ou 9% devaient être remboursés jusqu'à 15 ou 19%.

De plus, l'augmentation du prix du pétrole et la hausse des taux d'intérêt provoquèrent une récession à l'échelle mondiale. Les pays en développement furent les plus durement touchés. Le prix des matières premières chuta. Ces pays devinrent des débiteurs insolvables, qui durent emprunter toujours plus pour rembourser leurs dettes. Déjà en 1982, le Mexique fut le premier pays à annoncer qu'il ne pouvait plus rembourser sa dette extérieure et la crise devint manifeste. Depuis, elle n'a fait que s'aggraver.

Pour donner quelques chiffres: l'ensemble de la dette des pays en développement est monté, en 1995, à 2.068 milliards de dollars (elle était de 647 milliards en 1980; de 991 milliards en 1985; de 1.510 milliards en 1990). L'endettement de l'Afrique subsaharienne était, en 1995, de 223 milliards de dollars, ce qui représente 270% de ses exportations.

Ce qu'on ne peut oublier

Face à cette situation désastreuse, il ne faudrait pas oublier certains faits.

Le remboursement. - Notons d'abord que la plupart des pays endettés ont déjà remboursé le montant principal, c'est-à-dire le premier montant emprunté. Leur dette actuelle consiste avant tout, sinon entièrement, dans les intérêts à payer. Ce qui signifie que, attirés dans une spirale, les pays pauvres doivent financer les spéculations financières des pays riches.

D'ailleurs, les créances commerciales impayées des pays en développement s'échangent comme n'importe quelle marchandise entre organismes spécialisés et sont cotées selon le risque couru. L'acheteur mise sur le redressement du pays débiteur, la créance achetée lui donnant un droit d'entrée dans les futures privatisations...

Faillite impossible. - Lorsqu'une entreprise ou un particulier ne parvient plus à honorer ses obligations financières, il finit par se retrouver en faillite. En revanche, un pays ne peut se déclarer en faillite. Il n'y a ni procédure pour ce faire, ni système d'arbitrage. Au niveau international, ce sont les créanciers, et non un tribunal, qui décident d'exiger ou non du pays débiteur le remboursement de sa dette et, le cas échéant, en définissent les conditions.

Le coût social. - Rappelons avant tout le coût social de la dette. Le remboursement de la dette absorbe en grande partie des ressources qui pourraient être affectées à la lutte contre la pauvreté ou à la création d'infrastructures telles que des routes, des écoles ou des hôpitaux. Les gouvernements d'Afrique sub-saharienne versent aux créanciers du Nord le quadruple de ce qu'ils dépensent pour la santé de leurs propres populations. Six des sept pays les plus endettés d'Afrique paient un service de la dette (c'est-à-dire des intérêts) supérieur au montant nécessaire à la réalisation de progrès majeurs dans la lutte contre la malnutrition, les maladies, l'analphabétisme et la mortalité infantile.

De plus, les remèdes apportés, les politiques de stabilisation et d'ajustement structurel promues par les institutions financières internationales qui cherchent à améliorer la gestion des deniers publics, conduisent souvent, elles aussi, à une limitation des dépenses sociales. Les mesures d'austérité qui les accompagnent ont souvent des effets désastreux pour les pauvres, tant dans l'immédiat que dans le long terme: les dépenses sociales sont réduites, les employés du secteur public sont licenciés, les entreprises locales ferment à cause de la concurrence étrangère et les nouveaux investissements tardent.

Tentatives de réduction de la dette

Face à la situation catastrophique des pays endettés, les créanciers eux-mêmes ont commencé à chercher des moyens d'y porter remède.

Les divers créanciers

Parmi les créanciers, il faut distinguer trois catégories: les banques commerciales, les gouvernements ou "créanciers bilatéraux", et les institutions financières internationales (le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de développement). Parmi les créanciers bilatéraux on distingue encore le Club de Paris (essentiellement les nations riches qui font partie de l'Organisation de coopération de développement économique -OCDE) et les autres (l'Europe de l'Est, l'ancien bloc soviétique à l'exception de la Russie, et les Etats arabes).

L'annonce par le Mexique, en 1982, d'un moratoire unilatéral sur le remboursement de la dette a eu un retentissement énorme. A partir de là, au cours des années, les trois catégories ont commencé à définir de nouvelles approches du règlement de la dette.

Banques commerciales. - A ce niveau existe le "Plan Brady", une initiative due à l'ancien secrétaire américain au Trésor, Nicholas Brady, et réservée aux "pays à revenus intermédiaires" (p.ex. Mexique, Brésil, Maroc, Philippines). Par ce biais, après avoir obtenu l'aval des gouvernements et des institutions financières internationales, les banques ont réduit la créance commerciale de ces pays de 20%, voire de 35%, en reportant donc le risque vers les créanciers bilatéraux.

Créanciers bilatéraux. - Le Club de Paris (et parfois d'autres pays) propose aujourd'hui des réductions ou un rééchelonnement de la dette, mais sous des critères très stricts. Un de ces critères est que la part de la dette pouvant être réduite (la dette dite "éligible") est celle qui a été contractée avant que le pays en question ait pour la première fois sollicité l'assistance. Mais, comme pour la plupart des pays cette date se situe au début des années '80, l'allégement de la dette reste bien souvent insignifiant.

Institutions financières internationales. - Ces institutions, dont les emprunts sont garantis par l'ensemble des pays membres, prêtent généralement à des conditions très favorables. Par contre, insistant sur leur statut de "créancier privilégié", elles exigent la préséance dans les remboursements. Si le pays débiteur ne rembourse pas ses échéances à temps, il ne recevra plus, en principe, de prêts des autres créanciers. Elles n'autorisent ni annulation, ni rééchelonnement de leurs prêts, mais, en pratique, elles permettent presque toujours aux pays d'apurer leurs dettes en souscrivant de nouveaux emprunts à des taux d'intérêts plus faibles et de plus longue durée.

Les "pays pauvres très endettés"

En octobre 1996, le FMI et la Banque mondiale ont lancé une nouvelle initiative de désendettement des "Pays pauvres très endettés" (PPTE, ou HIPC pour "Higly Indebted Poor Countries"). Un pays est ainsi considéré si sa dette représente plus de 200 à 250 % de son produit intérieur brut (PIB), ou si le service (remboursements) dû sur cette dette dépasse les 25% des exportations. En avril 1997, on y ajouta encore un autre critère: un pays est considéré comme surendetté si sa dette dépasse les 280% de ses recettes fiscales.

Pour ces pays, et pour la première fois, on acceptait le principe de prendre en compte l'ensemble de la dette publique extérieure d'un pays en difficulté, c'est-à- dire les dettes commerciales, bilatérales et multilatérales. Le Club de Paris accepterait de porter à 80% son effort d'allégement des dettes dites "éligibles" (voir plus haut), contre 67% antérieurement. Mais la grande innovation est qu'une partie des dettes multilatérales pourra être effacée si cela s'avère nécessaire, l'opération étant financée par des dons de pays membres de l'OCDE et par une partie des bénéfices nets de la Banque mondiale.

Pour bénéficier de ces avantages, un pays doit démontrer, sur une période de temps significative, la volonté de ses dirigeants d'éviter les erreurs passées et de gérer son économie de manière rigoureuse. Le pays est tenu de mettre en oeuvre des programmes d'ajustement structurel (PAS) approuvés par le FMI et la Banque mondiale. Un délai de six ans est en principe exigé: trois ans d'abord afin d'établir l'éligibilité au désendettement, puis trois années supplémentaires de mise en observation avant que l'allégement proposé soit définitivement acquis. Au total, la Banque mondiale et le FMI anticipent que, d'ici juillet 2002, treize pays, dont dix pays africains, en auront bénéficié.

Lacunes de l'initiative PPTE

Le document Cidse/Caritas Internationalis (CCI) souligne un certain nombre de lacunes dans cette initiative, et en propose des améliorations. Nous le résumons.

- 1. Trop peu de pays éligibles þ Alors que 41 pays sont classés comme PPTE, seule une poignée d'entre eux pourront bénéficier de l'initiative sous sa forme actuelle. Selon CCI, ils devraient être tous éligibles.

- 2. Conditions très dures þ Les conditions imposées sont dures et les effets de la mesure sans doute fort limités. Les restrictions imposées peuvent être dévastatrices pour les populations, pires que les avantages procurés par un léger allégement de la dette. Les politiques d'ajustement structurel peuvent réformer l'économie de manière positive, mais aussi être un facteur de paupérisation.

- 3. Allégement insuffisant þ Les créanciers collectent des fonds pour financer la réduction de la dette, mais certaines grandes puissances du G8 n'ont pas affecté suffisamment de ressources à cet allégement. La Banque mondiale a réservé une enveloppe de deux milliards de dollars, mais elle ne l'ouvrira pas tant que les créanciers bilatéraux n'auront pas montré leur propre engagement financier par une contribution à fonds distinct. CCI plaide pour que les Etats de l'OCDE portent leur aide publique au développement à 0,7% de leur PIB, comme réaffirmé en 1995, et que l'allégement de la dette s'ajoute à cette aide et n'en soit pas déduit.

- 4. Viabilité de la dette þ L'initiative PPTE veut seulement permettre au pays débiteur de retrouver sa capacité de remboursement des emprunts. Et pour déterminer le montant "viable" de la dette, on s'est basé sur des pays latino-américains qui remboursaient leur créance aux dépens de leurs populations. Selon CCI, ces critères ne tiennent pas compte des sacrifices consentis par les pays extrêmement pauvres. Si l'objectif de la viabilité était le développement humain, plutôt que la solvabilité, le remboursement ne pourrait se faire qu'à partir de ressources publiques excédentaires par rapport aux besoins de base et aux activités de production.

- 5. Délais d'attente trop longs þ Les pays doivent attendre six ans avant de recevoir un allégement multilatéral. CCI note que les pays endettés ont besoin d'un allégement immédiat. D'ailleurs, chaque année de retard se traduit par un allégement moindre, étant donné que les indicateurs sont recalculés et réajustés. L'Ouganda par ex., qui devra attendre une année en plus, verra de ce fait son allégement diminué de 200 millions de dollars.

- 6. Date butoir þ Comme dit plus haut, le Club de Paris avait fixé une "date butoir": les dettes à alléger ne peuvent être contractées après la date où le pays concerné a pour la première fois sollicité leur assistance. Cette date reste valable pour l'initiative PPTE. Selon CCI, cette date devrait être fixée au cas par cas, en tenant compte d'autres facteurs.

Même si on peut donc se réjouir d'une telle initiative en faveur de l'allégement de la dette des PPTE, qui peut aider un certain nombre de pays, ses lacunes démontrent amplement qu'elle n'est pas suffisante et n'apporte pas de solution satisfaisante.

**** Faire passer la vie avant la dette ****

Le document CCI souligne que, pour solutionner la crise, une analyse éthique, basée sur la dignité humaine, est aussi nécessaire qu'une analyse économique.

Les principes éthiques

La dignité de l'être humain est le critère à partir duquel doivent être jugés tous les systèmes politiques, économiques et sociaux, et donc aussi les solutions qu'on veut apporter au problème de la dette. Si les individus ont des droits et des devoirs mutuels pour assurer ensemble le bien commun, il en est de même pour les Etats.

Le bien commun ne s'arrête pas aux frontières. Mais il n'existe pas d'entité mandatée à promouvoir ce bien commun international. Ce sont donc les Etats et les institutions internationales qui doivent en accepter la charge. La dette internationale des pays pauvres constitue pour eux un immense défi moral. A travers les pays endettés, cette dette affecte en réalité la dignité humaine, les droits et le bien-être d'hommes, de femmes et d'enfants parmi les plus vulnérables de la communauté internationale. Lorsqu'on fixe les conditions de remboursement, il faut tenir compte de leur incidence sur les populations. La justice sociale demande qu'on soit attentif à la situation de ceux qui, dans les pays débiteurs, n'ont pas eu voix au chapitre lorsque les dettes ont été contractées, mais qui seront profondément affectés par les choix qui seront faits pour résoudre les problèmes de la dette.

Déjà en 1987, le cardinal Etchegaray écrivait que le service de la dette ne peut se faire au prix de l'asphyxie économique d'un pays et qu'aucun gouvernement ne peut moralement exiger de sa population des privations incompatibles avec la dignité humaine. Il ajoutait que les pays industrialisés doivent reconnaître et accepter qu'ils ont d'autant plus de responsabilités que leur pouvoir économique est grand.

L'année du jubilé

Le jubilé de l'an 2000, pour l'Eglise un temps de réparation des injustices et une amorce symbolique d'une nouvelle ère, devrait marquer pour les nations pauvres un nouveau départ et apporter une solution au problème de la dette internationale.

Aussi, se joignant à d'autres campagnes qui se multiplient dans le monde, Cidse et Caritas Internationalis demandent que la dette, que les pays pauvres ne sont plus en mesure de rembourser, soit annulée d'ici l'an 2000. Ils reconnaissent cependant qu'une annulation totale reste une option "politiquement difficile" et ajoutent des propositions à court et à plus long terme.

Ils rappellent toutefois qu'il y a eu des précédents en matière d'annulation de la dette. Ainsi, après la deuxième guerre mondiale, il y a eu le plan Marshall, et les créanciers de l'Allemagne ont ramené sa dette à un rapport service de la dette/exportations à moins de 5% (alors que maintenant les créanciers ne réduisent la dette des pays pauvres qu'à partir du moment où ce rapport se situe entre 20 et 25%). En 1990, les Etats-Unis ont annulé près de la moitié de la créance polonaise.

A court terme, CCI demande des améliorations significatives à l'initiative PPTE. Nous en avons fait mention plus haut. Ils y ajoutent d'autres propositions:

* Le développement humain. - Etant donné que la dette est une des causes principales de la pauvreté dans les pays concernés, il faudrait que les ressources dégagées par l'annulation soient investies dans le développement humain et la capacité de production, et qu'un lien de subordination entre les deux soit établi. Pour éviter les risques d'une déviation, on suggère que ce lien soit déterminé de manière adéquate pour chaque pays et cela après concertation entre les gouvernements et la société civile, dont le rôle est essentiel.

* La transparence. - Il faudrait veiller à ce que les décisions relatives à l'allégement de la dette soient prises dans la transparence. Généralement, les institutions financières internationales oeuvrent dans le secret. Les organisations de la société civile ont rarement accès aux documents concernant ces tractations, même si ce sont elles qui en subissent les effets. On demande donc que le FMI et la Banque mondiale consultent plus largement les ministères, les Eglises locales, les syndicats et les ONG opérationnelles, afin que les accords reflètent mieux la réalité du terrain. On demande également aux gouvernements d'afficher davantage de transparence et de dialoguer avec des groupes de citoyens.

* La structure des relations. - Selon CCI, à plus long terme, il faut revoir fondamentalement le système des relations financières internationales et instaurer un processus équitable entre créanciers et débiteurs. Aujourd'hui, les créanciers sont à la fois juge et partie. Or, la responsabilité de la dette actuelle est partagée entre débiteurs et créanciers. Il faudrait une procédure équitable et un cadre de relations loyales entre les deux. Une des solutions proposées est d'introduire une procédure internationale de faillite, d'insolvabilité, calquée p.ex. sur le modèle américain où une loi protège les collectivités locales. U

3 - Utopie ou réalisme?

Une remise de la dette des pays pauvres appartient-elle au domaine de l'utopie? Les actions d'organisations qui la demandent sont- elles le fait d'illuminés? Ce serait oublier le poids que peut avoir l'opinion publique sur nos gouvernants.

Le poids de l'opinion publique

Prenons l'exemple de la campagne "Jubilee 2000". Ce mouvement a pris naissance dans les Eglises protestantes anglophones et est devenu une large coalition faisant campagne à travers le monde. Le but est simple: exercer une pression assez forte pour obtenir que des procédures transparentes et sérieusement étudiées annulent en l'an 2000 une dette qui écrase les pauvres. La campagne pousse aussi à reconnaître la responsabilité de tous, créditeurs et débiteurs, et appelle les leaders des pays créditeurs à faire les pas nécessaires pour prévenir le retour de niveaux d'endettement aussi élevés.

Coalition 2000 veut réunir le plus grand nombre de personnes autour du projet d'annulation pure et simple de 100 milliards de dollars pour 52 pays les plus pénalisés par la dette. Des copies de la pétition circulent dans le monde. Elles seront présentées au Sommet du G8 en 1999. Les millions de signatures soutiendront une action mondiale qui sera un signe très fort de la volonté de la majorité des peuples de voir l'humanité prendre un nouveau départ en l'an 2000.

Déjà au mois de mai de cette année, ils ont pu rassembler près de 50.000 personnes qui ont formé une chaîne de solidarité entourant la réunion du G8 en Grande-Bretagne, où les responsables des pays les plus riches du monde ont effectivement discuté du problème de la dette et décidé de certaines mesures.

Il y a d'autres actions. Le journal britannique The Guardian a publié toute une série d'articles sur la dette au cours du mois de mai, analysant le problème et notant des actions. Nous n'en reprendrons qu'un exemple (The Guardian, 13 mai 1998): Oxfam veut introduire une action auprès des Nations unies, accusant trois pays, l'Allemagne, le Japon et l'Italie, de suivre une politique dure de remboursement de la dette, au détriment des enfants dans les pays les plus pauvres. Ils seraient ainsi en contravention avec la convention des Nations unies sur les droits des enfants. Oxfam demande que ces pays donnent une justification publique de leur politique. Il accuse le FMI d'une même attitude, ce qui est incompatible avec son statut d'agence spécialisée des Nations unies.

Où trouver l'argent?

Où trouver l'argent pour alléger ou annuler la dette des pays pauvres? Il s'agit évidemment de sommes énormes, ou du moins elles nous semblent telles. Mais elles se relativisent quand on les compare avec celles qui se brassent dans le monde des affaires. Il suffit de se rappeler que des estimations citent parfois le chiffre de 1.200 milliards de dollars, comme volume total des transactions financières journalières! Et que Microsoft Corporation fait un bénéfice journalier de $34 millions, ce qui correspond à ce que l'Afrique subsaharienne paie comme service de sa dette.

Des voies peuvent être trouvées pour financer une remise de la dette. Encore faut-il le vouloir.

La taxe Tobin. - Dans le fascicule "Dette du tiers monde et jubilé" (éd. fidélité), les auteurs rappellent une piste souvent évoquée, à savoir la taxe dite Tobin, du nom d'un économiste américain. Ce prix Nobel d'économie proposait déjà en 1972 une taxe de 0,01% sur les spéculations financières internationales, dont l'objectif serait de freiner les mouvements de capitaux spéculatifs. La France et l'Australie se sont prononcées en faveur d'une taxe sur les échanges de devises. Le Canada et les pays de la Coopération Asie- Pacifique examineront bientôt cette proposition. Une simple taxe de 0,2% pourrait générer annuellement 150 milliards de dollars. Un véritable ballon d'oxygène pour le tiers monde et pour tous.

D'autres pistes sont étudiées par des économistes de renom. Il s'agit avant tout d'arriver à une prise de décision commune, ce qui ne peut se faire sans une volonté mondiale de changement.

***************************************

P.P.T.E. en Afrique

    Parmi les pays considérés comme très endettés, on compte 28 pays africains: Angola, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazza, Congo-Kinshasa, Côte d'Ivoire, Ethiopie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Nigeria, Ouganda, Rwanda, São Tome et Principe, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tanzanie et Zambie. Neuf autres sont considérés comme moyennement endettés.
    Fin avril 1998, quatre pays africains avaient déjà été agréés pour bénéficier de l'initiative en faveur des PPTE auprès du FMI et de la Banque mondiale: l'Ouganda, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire et le Mozambique.   Deux autres devaient y entrer incessamment: la Guinée- Bissau et le Mali.
    Le cas de trois autres pays (Mauritanie, Togo, Ethiopie) sera examiné d'ici à la fin de l'année. Deux autres pays africains, le Sénégal et le Bénin, ont été écartés après examen, leur endettement ayant été considéré comme "viable".

***********************************************

Aujourd'hui, tout Africain, homme, femme, enfant, même un nouveau-né, a une dette extérieure de plus de 440 dollars US. En Ouganda, le gouvernement dépense annuellement 3 $ par personne pour sa santé, mais entre 20 et 30 $ par personne en remboursement de la dette. Au Mozambique, 33% des dépenses publiques vont au service de la dette, 7,9% à l'éducation et 3,3% à la santé.  Entre 1990 et 1993, la Zambie a dépensé au remboursement de sa dette 35 fois plus d'argent qu'à l'éducation.

*********************************************

END

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 1998 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement