ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 352 - 15/09/1998

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Malawi

Délinquance juvénile


by Patrick Mawaya, Malawi, juillet 1998

THEME = JEUNESSE

INTRODUCTION

Les jeunes sont particulièrement en danger actuellement.
Mais qu'arrive-t-il quand ils transgressent les normes de la société?

Zala, (nom d'emprunt), un jeune de Mulanje, âgé de 18 ans, a été arrêté en juin 1996 à Ntcheu Boma. Lors de son arrestation, Zala travaillait comme domestique après avoir abandonné l'école. Un groupe de citoyens l'ont accusé d'avoir volé et ont procédé à son arrestation. Ils l'ont alors emmené au poste de police de Ntcheu, après l'avoir battu. Plus tard, il fut transféré à la prison Maula à Lilongwe où il se trouve toujours. Aucune accusation n'a été formulée contre lui et on ne lui a pas non plus donné l'occasion d'être libéré sous caution. Zala affirme que s'il n'y a pas d'accusation contre lui c'est parce qu'il n'y a pas de témoins. Zala est en détention provisoire depuis plus de 400 jours sans savoir quel sera son sort!

Enquête

Zala n'est qu'un des jeunes qui sont dans les prisons et les centres de rééducation du Malawi. Vers la fin de 1997, le Centre pour l'enfance et la jeunesse a lancé une enquête sur les jeunes délinquants dans les prisons et les centres d'éducation surveillée. Cette enquête, qui a reçu l'aide financière du Centre danois pour les droits de l'homme, avait pour but de fournir des données précises et des informations sur l'état actuel de la criminalité juvénile, et notamment: rechercher les causes menant à la criminalité juvénile; enquêter sur l'administration de la justice de la jeunesse afin de relever ses points forts et ses faiblesses; et faire des recommandations en vue d'améliorations futures du traitement des jeunes prisonniers au Malawi.

L'équipe d'enquête a interviewé 170 jeunes prisonniers dans les prisons de Mzuzu, Maula et Chichiri, la prison centrale de Zomba et le Home pour garçons de Mpemba.

Qui est considéré comme jeune?

Selon la loi sur l'enfance et la jeunesse, un jeune est une personne de moins de 18 ans. Toutefois, le projet de rapport de 33 pages signale des cas inquiétants. D'après des rapports officiels, il y a des enfants très jeunes qui sont classés comme "criminels" et soumis au système carcéral. D'autres, actuellement en prison, étaient adolescents à l'époque de leur arrestation et de leur condamnation; mais, pendant qu'ils purgeaient leur peine, ils sont devenus adultes et ils ont donc dû être transférés dans des prisons ordinaires. Il semble que la majorité des délits de jeunes soient commis pendant l'adolescence.

Situation des jeunes délinquants

La situation familiale est préoccupante. Sur les 170 jeunes interviewés, 56 (32,2%) seulement, au moment de leur arrestation, provenaient d'une famille comptant deux parents, 65 (38,2%) venaient de familles mono-parentales, 22,4% avaient des tuteurs autres que leurs parents, et 6% vivaient seuls. Le rapport signale encore qu'au moment du délit, la plupart des jeunes délinquants étaient vendeurs de rue, quelques-uns étaient domestiques ou jardiniers. La plupart ont un niveau d'instruction très bas et il est difficile de leur donner une formation.

Les délits commis par les jeunes comprennent le vol à la tire, le vol, le cambriolage et les agressions. Le vol sous toutes ses formes est le délit le plus fréquent. D'autres infractions comprennent le fait de fumer du cannabis et de troubler la paix dans des endroits publics.

Causes de la criminalité juvénile

Parmi les raisons de la criminalité juvénile, le rapport cite: la pauvreté, la désunion des familles, les foyers uniparentaux, le fait d'être sans domicile fixe, le bas niveau d'instruction, l'exode des campagnes vers la ville, l'influence des compagnons et les mauvais traitements infligés aux enfants. En commentaire de certains de ces cas, on lit: "Le facteur commun à toutes ces situations est que la prise en charge par la famille est déficiente ou inadéquate. Des données et informations fournies, la pauvreté ressort clairement comme cause de la criminalité juvénile. La pauvreté de la vie familiale est due au travail du parent ou tuteur - culture de subsistance, vente au marché et une série de petits travaux peu rémunérés. Il ne faut pas s'étonner si cette pauvreté, surtout dans les régions rurales, a causé un important exode de jeunes vers les régions urbaines, où ils rencontrent toutes sortes de difficultés et d'ennuis. Sont aussi des facteurs menant à la délinquance: l'influence des compagnons (un plus plus âgé "encourageant" ou contraignant un plus jeune à commettre des délits) et la maltraitance des enfants sous toutes ses formes, y compris l'exploitation du travail des enfants. Les pires maltraitances viennent des parents ou des tuteurs, sous forme de coups, privation de nourriture, insultes et, en général, manque de soins. Tout cela pousse les enfants à s'enfuir de la maison et, finalement, à commettre des délits pour se débrouiller".

Maltraitance dans les prisons

Le rapport révèle de nombreux cas de maltraitance des jeunes au moment de l'arrestation, allant des coups à la torture et aux insultes. La majorité des jeunes (jusqu'à 64,4%) ont été battus au cours de l'arrestation. On refuse la libération sous caution, sans motif, à un nombre important de jeunes en attente de leur procès. Cela va à l'encontre de l'article 42,2-b de la Constitution du de la République Malawi de 1994, qui stipule: "Toute personne arrêtée ou accusée pour avoir prétendument commis une infraction aura, outre les droits qu'elle a en tant que détenue, le droit - dès qu'il est raisonnablement possible, mais pas plus tard que 48 heures après l'arrestation [...] - de comparaître devant un tribunal indépendant et impartial et être accusé ou informé du motif de son maintien en détention. Faute de quoi, elle sera remise en liberté". Néanmoins, le rapport signale qu'à 33% des détenus interviewés on avait refusé la mise en liberté sous caution.

Au Malawi, il n'y a pas de tribunaux spéciaux pour les mineurs. Les parents ou les tuteurs ne sont pas présents au procès, les jeunes ne bénéficient pas d'une représentation légale et, avant d'être envoyés dans des centres de rééducation, ils doivent rester longtemps en prison.

Conditions de détention

Les conditions de vie et le traitement dans les prisons et les centres de rééducation prévus pour les jeunes délinquants sont très loin de répondre à des normes acceptables.

Surpopulation: La prison Chichiri a 6 cellules pour 30 jeunes délinquants (cela fait 5 par cellule). En fait, au moment de l'enquête, il y avait 47 jeunes (donc 8 par cellule). La prison centrale Zemba a 7 cellules destinées à loger chacune 20 jeunes. En fait, au moment de l'enquête, ils étaient 26 par cellule (au total 176 prisonniers).

Dans ces conditions d'entassement et d'exiguïté, on se bat fréquemment pour conquérir un petit espace pour dormir et quelques couvertures. L'aération insuffisante entraîne de nombreux cas de gale, maladie contagieuse. Il n'y a pas de toilettes à l'intérieur; on utilise des seaux qui doivent être vidés tous les matins. Et certains de ces récipients sont utilisés pour se laver, ce qui représente un sérieux risque pour la santé.

Installations sanitaires: c.à.d. toilettes, salles de bain et robinets. Ceux-ci sont soit cassés, bloqués ou dans un état dégoûtant, dû surtout à la fourniture insuffisante d'eau, de détergents et de savon.

Alimentation: On pourrait en rire, si ce n'était pas si sérieux! Il n'y a qu'un repas par jour et la nourriture est mal préparée et manque de variété. La médiocre situation générale de l'alimentation est attribuée à l'insuffisance de l'allocation budgétaire du gouvernement, à laquelle s'ajoutent quelques maigres dons irréguliers. "Etant donné l'état actuel du budget et le fait que les prisons ne sont pas une priorité, il n'y a guère de chances que la situation s'améliore", note le rapport.

Santé: Des maladies comme la diarrhée, la gale, la malaria et la tuberculose sont courantes. Les prisons et les centres de rééducation manquent des médicaments essentiels à cause de l'insuffisance des subsides.

Recommandations

Le rapport contient un certain nombre de recommandations en vue d'améliorer l'administration de la justice pour les jeunes au Malawi.

1. La responsabilité première de l'éducation des enfants repose sur les parents biologiques; cependant, on devrait encourager les membres adultes de nos communautés à partager cette responsabilité, où et quand c'est possible, conformément à nos coutumes et traditions, car la criminalité juvénile n'atteint pas seulement la famille proche du coupable, mais toute la communauté.

2. L'assistance socio-psychologique des jeunes ne devrait pas être limitée aux Centres d'éducation surveillée, mais devrait fonctionner activement dans les écoles primaires pour prévenir la délinquance juvénile.

3. Le gouvernement, avec l'aide de la communauté, devrait veiller à ce que tous les enfants en âge scolaire soient inscrits dans une école. Il faudrait promulguer des lois pour contraindre les parents à envoyer leurs enfants à l'école.

4. Il faut, de manière urgente, renforcer et développer la formation professionnelle dans divers métiers pour ceux qui quittent l'école primaire.

5. Les ONG et autres organismes compétents devraient être activement associés à l'introduction de programmes appropriés, ayant pour but de sensibiliser les gens aux problèmes des jeunes délinquants. On devrait aussi préciser les droits, les craintes et les besoins spécifiques des jeunes délinquants.

6. Il est urgent d'organiser une formation systématique et adaptée des policiers, des responsables des prisons, des magistrats, des assistants sociaux et des responsables des centres d'éducation surveillée, dans le but d'améliorer leur compréhension des jeunes délinquants et de leur responsabilité dans la manière de les traiter.

7. Il faudrait créer à l'intérieur de la police un mécanisme adéquat, y compris des mesures punitives, pour vérifier ce qu'il advient aux jeunes accusés pendant qu'ils sont en détention préventive.

8. Il faudrait accélérer les procès des jeunes accusés. Ceux-ci devraient être représentés au tribunal par des juristes spécialement formés à s'occuper de jeunes et de leurs problèmes.

9. Les responsables sociaux devraient veiller à ce qu'il n'y ait pas de délai excessif avant que le cas du jeune passe au tribunal.

10. La vie carcérale devrait être organisée de telle sorte que les détenus puissent gagner leur nourriture et leur logement, plutôt que d'être totalement dépendants du gouvernement et de rares donateurs.

11. L'enseignement informel offert dans les prisons devrait devenir obligatoire pour les jeunes, conformément aux normes des Nations unies concernant les règles minimales à appliquer pour le traitement des prisonniers.

Le Centre pour l'enfance et la jeunesse a étalé au grand jour le problème de la délinquance juvénile, dans son ensemble, - ses raisons, sa nature, la question des punitions et de la réintégration dans la société. Il reste à voir si le bien-être des enfants et des adolescents représente beaucoup au Malawi aujourd'hui, alors que les gens ne pensent qu'à la politique.

END

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