ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 352 - 15/09/1998

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Kenya

Une tragédie comme on n'en a jamais connue


by Joe M'Bandakhai, Kenya, août 1998

THEME = VIOLENCE

INTRODUCTION

On espère que les Kényans seront éternellement reconnaissants aux Israéliens,
dont l'équipe de secours a atteint le lieu de l'attentat terroriste de Nairobi
environ 30 heures après l'explosion du véhicule piégé au matin du 7 août 1998
et qui a fait 250 morts et des milliers de blessés

Dès leur arrivée, les Israéliens se sont mis au travail avec leurs chiens renifleurs portant l'étoile de David. Ils n'ont sauvé que trois personnes, mais s'ils étaient arrivés plus tôt, il en eut été autrement.

Des Kényans mal préparés

Les services de secours kényans étaient si mal préparés, en particulier les organisations de sécurité, qu'aux premières heures de l'opération, ils semblaient complètement paralysés par l'ampleur de la tragédie. A vrai dire, la police est arrivée sur place avec son seul équipement anti-émeute pour trouver une armée de gens courageux qui déblayaient les décombres à mains nues et guidaient ou mettaient les victimes ensanglantées hors de danger.

D'autres membres des services de sécurité se tordaient les mains de désespoir, attendant que les machines adéquates soient mises en action - machines qui, à la longue, surtout à ces premiers moments de l'opération de sauvetage, n'ont servi qu'à compliquer l'ensemble. Certains disaient même qu'elles mettaient en danger ceux qui étaient bloqués. Finalement, l'unité d'élite des services généraux s'est amenée, croyant que sa priorité était la surveillance des banques...

Un des responsables de l'unité de secours israélienne n'était pas très content de ce qu'il voyait, et un parlementaire kényan se plaignait: "C'est une honte - il n'y a absolument aucune coordination". D'autres, moins critiques, parlaient du manque d'expérience des Kényans devant un tel désastre.

Selon certaines critiques, les marines américains en service à l'ambassade des Etats-Unis se sont aussi conduits lamentablement. Des Kényans innocents auraient payé un lourd tribut dans une affaire qui ne les concernait en rien. Les marines, qui avaient entouré l'ambassade de fil de fer barbelé, ne voulaient se mêler de rien et ont refusé aux sauveteurs la permission de creuser à partir de leur terrain pour atteindre des personnes bloquées dans Ufundi House, l'immeuble voisin (Ndlr: La bombe a explosé dans un parking situé entre l'ambassade des USA et la Cooperative Bank House. Ufundi House, immeuble de cinq étages situé devant le parking, pris en sandwich entre l'ambassade et Cooperative House, a été complètement détruit).

Plus tard, l'ambassadeur des USA, Prudence Bushnell, blessée par des débris de verre à Cooperative Bank House, a fait tout son possible pour désamorcer la colère exprimée dans les journaux locaux. Le ministre kényan du Commerce, Joseph Kamotho, a également été blessé dans cet immeuble et présentait de vilaines coupures à la tête.

La scène à Cooperative Bank House

Cooperative Bank House est une construction moderne de 21 étages, solidement bâtie; mais les coûteuses fenêtres de verre ont causé la mort de ceux qui travaillaient dans ce building. Beaucoup de ceux qui ont péri là étaient banquiers, enseignants et employés de l'institution coopérative, en visite à leur quartier général.

Mme Bushnell se trouvait au 14ème étage. Avec d'autres rescapés, elle a dû descendre par un escalier sans lumière, trébuchant sur des cadavres, des débris de maçonnerie et des ordinateurs projetés çà et là par l'explosion.

En attendant des nouvelles de Rose

Rose Wanjiku a livré un courageux combat pour sa vie. Elle était ensevelie sous les décombres des quatre étages de Ufundi Cooperative House, un immeuble qui a pris de plein fouet le souffle d'explosion et le souffle en retour renvoyé par la massive construction de l'ambassade des Etats-Unis. Pendant qu'elle était ensevelie, elle a maintenu la communication avec un marchand de ferraille, nommé Nganga, que les Israéliens avaient pu sauver. Au fil des jours, les sauveteurs retardés par l'instabilité des décombres l'entendaient appeler à l'aide. On a lui a fait parvenir de l'oxygène mais elle est morte, peut-être par manque d'eau ou à cause des brûlures au visage produites par le souffle de la bombe. Son corps fut retrouvé le 12 août à 3h du matin.

Son calvaire est devenu le symbole de l'espoir et a détourné l'attention du fait qu'une trentaine de jeunes filles, de l'école de secrétariat du 2ème étage du building écroulé, ont péri dans cette attaque insensée.

Des suspects

Une personne a fait une révélation stupéfiante: trois jours avant l'attaque, des "hommes paraissant des Arabes" filmaient l'ambassade. Cette personne dit avoir prévenu un garde de la sécurité de l'ambassade qui a ignoré les trois hommes, "probablement des touristes". L'informateur n'a pas insisté bien, qu'il fût certain que le plus grand des trois utilisait une caméra vidéo dans le creux de la main, habilement couvert par les deux autres.

Il est apparu aussi qu'il n'y avait pas de caméra de surveillance à l'arrière de l'ambassade où on gare les véhicules. C'est un endroit qui donne sur le parking souterrain situé sous l'immeuble de l'ambassade.

Avec le temps, on apprendra le nom de beaucoup de héros méconnus. Joseph Okindo est un agent de sécurité privé engagé par l'ambassade. Le jour funeste, un car avec un groupe d'"Arabes", qui demandait à entrer dans l'aire principale de parking, a été envoyé à l'arrière de l'immeuble. Certains de ces Arabes ont sauté hors du car et lancé une grenade contre l'agent de sécurité; sur ces entrefaites, un marine américain a ouvert le feu et une fusillade a éclaté.

C'est le même marine sans doute qui, quelques instants avant l'explosion, cria instinctivement aux jeunes gens, surtout kényans, qui assiégeaient l'ambassade pour obtenir un visa, de s'enfuir pour sauver leur vie. Si ce véhicule avait pénétré dans le parking principal, il y aurait eu probablement plus de victimes américaines que les 12 tués, avec leurs 30 collègues kényans dont plusieurs avaient leur bureau à l'arrière de l'immeuble. La violence des 133 kg. d'explosif semtex a arraché les fenêtres à l'épreuve des balles, laissant pénétrer la puissance du souffle.

"Quittez la ville"

La poussière n'était pas encore retombée, qu'il y eut des appels aux Américains pour qu'ils déménagent leur ambassade en dehors de la ville, loin des quartiers habités. On a fait remarquer qu'en Tanzanie, où une bombe similaire visant aussi les Américains a explosé presque au même moment, il y a eu moins de victimes parce que l'ambassade était située dans le quartier résidentiel d'Oyster Bay.

Le président Daniel arap Moi a visité les lieux cinq fois en cinq jours. A sa dernière visite, avant qu'on ait décidé de mettre fin aux recherches, il était accompagné par l'archevêque anglican David Gitari, l'archevêque catholique Ndingi Mwana Nzeki et le cardinal à la retraite Maurice Otunga.

Réactions

Moi a annoncé que le Kenya et la Tanzanie travaillent ensemble très étroitement pour trouver les responsables. Les musulmans kényans, par la voix du Conseil suprême des musulmans du Kenya, ont adressé un message de condoléances à leurs concitoyens kényans - un message qui disait: "On ne peut condamner pas les musulmans en bloc".

D'importantes donations arrivent, sous forme de médicaments et de vivres venant du monde entier. Elles s'ajoutent aux premières réponses à la catastrophe venant des Kényans eux-mêmes. C'est ainsi qu'à peine deux heures après l'explosion, des centaines de personnes faisaient la file pour donner leur sang à l'hôpital de la ville. L'opération fut suspendue parce que l'hôpital manquait de poches pour le sang. Des gens sont alors partis chercher des poches ailleurs, en les payant avec leur propre argent.

END

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