ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 353 - 01/10/1998

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Guinée- Bissau

Des incertitudes à l'horizon


by Alexis Gnonlonfoun, Bénin, août 1998

THEME = TENSIONS

INTRODUCTION

Depuis le 7 juin 1998, date de la mutinerie dirigée par l'ancien chef d'état-major,
le général Ansumane Mané, les choses vont de mal en pis.
La situation socio-politique s'est dégradée
et on se trouve dans une impasse.

La signature d'un cessez-le-feu, le 26 juillet 1998, et sa violation, 48 heures plus tard, laissent apparaître une évolution en demi-teinte. La volonté des parlementaires bissau-guinéens en session extraordinaire est encourageante; mais, devant les incertitudes administratives, les personnes et les entreprises réagissent avec la plus grande prudence. Quand la peur vous étreint, le meilleur moyen de se défendre est de la communiquer à ceux que l'on redoute. Pour conjurer la rébellion, il aurait fallu y faire face par la menace. Mais le président Vieira ne pouvait avoir recours qu'à la ruse, sous ses formes les plus diverses. Alors, depuis deux mois, la rébellion perdure.

Avec l'appui de l'OUA

Evidemment, le président Bernardo "Nino" Vieira ne veut pas remettre en cause sa légitimité. D'ailleurs, une certaine dynamique panafricaine a entraîné la majorité des pays membres de l'OUA vers ce qu'il est convenu d'appeler un "processus démocratique irréversible". Depuis que la Guinée-Bissau est entrée dans la zone franc, la plupart des Etats africains reconnaissent l'ouverture de Nino Vieira en faveur du panafricanisme. Et cette ouverture est ressentie comme un résultat concret.

Il faut reconnaître aussi que le président semble avoir choisi l'apprentissage de la démocratie: il y a seulement quelques années, quel est le Bissau-Guinéen qui pouvait s'enorgueillir d'un pluralisme politique ou syndical? Quant à l'intégration africaine, Vieira est convaincu de sa nécessité, mais cela se prépare sérieusement. Il parle donc d'un Parlement africain pour créer un cadre de dialogue et de concertation.

Dans ce contexte de mutations intérieures et environnantes, le président Vieira, assuré du soutien de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et de l'Union européenne, peut continuer à exercer ses fonctions.

Il est peut-être inutile de rappeler l'état d'essoufflement dans lequel est tombée la junte militaire rebelle; mais il est bon, en revanche, de souligner qu'en deux mois d'affrontements le paysage de la Guinée-Bissau s'est transformé, avec son cortège de souffrances et de dégâts causés par cette tempête. Au début de la mutinerie, les travailleurs étaient engagés dans une lutte difficile pour améliorer leurs conditions de vie. Le gouvernement, uniquement préoccupé par la mutinerie, n'a accordé aucun intérêt à ces revendications pourtant légitimes, qui avaient déjà fait l'objet d'un accord. Dès lors, les travailleurs restent en dissidence ouverte contre le régime, passé maître dans l'art de faire des promesses sans les tenir.

De toute évidence, 1998 n'est pas pour Nino Vieira une année de tout repos, d'autant que ses engagements vis- à-vis de l'opinion publique et des partis politiques tardent à se concrétiser. Si le chef de l'Etat veut trouver une solution durable à la crise actuelle, il doit s'engager sérieusement sur la voie de l'ordre républicain. Il est temps, pour Vieira, de comprendre que rien ne peut plus être comme avant et que des réaménagements superficiels de l'appareil de l'Etat ne suffisent plus pour rétablir la stabilité du pays.

Le jeu du Portugal

Quant au gouvernement de Lisbonne (Portugal), il semble nourrir des idées singulières, puisque ses sympathies iraient plus vers le général rebelle que vers le gouvernement légal. Ce n'est pas innocent, bien sûr. Depuis que Bissau a commencé à flirter avec le monde francophone (notamment le Sénégal et la Guinée-Conakry), il n'est plus en odeur de fidélité à Lisbonne. Serait-ce le début du divorce?

Devant les initiatives de la CEDEAO pour le respect des institutions démocratiques, le rôle du Portugal dans le processus de paix n'est guère négligeable. Mieux que quiconque, le Portugal connaît les problèmes posés par la mutinerie du 7 juin dernier. D'abord parce que, en tant que puissance administrative, il a eu à gérer des conflits de ce genre pendant des décennies, notamment pendant la période post-coloniale. Et il a toujours su gérer cette situation conflictuelle au mieux de ses intérêts. Il est important à présent de connaître la politique africaine du Portugal. Cependant, force est de constater que, depuis l'indépendance de Bissau, nous assistons à des fluctuations dont le seul but est de conserver au Portugal le pré-carré de ses anciennes colonies.

Les changements actuels dans le monde et la position officielle des dirigeants portugais, qui se sont succédé depuis l'indépendance de nos pays, pour la défense des droits de l'homme et du respect des souverainetés nationales, devraient permettre de lever certaines ambiguïtés qu'on déplore de nos jours. Dans la pratique, d'énormes efforts restent encore à faire.

Le Portugal, aux côtés de la CEDEAO, peut certainement jouer un grand rôle de clarification, afin d'aboutir à une solution correcte de la présente rébellion qui embrase la sous-région. Maintenant que les rebelles ont reconnu la légitimité du président Vieira, toute solution durable doit aussi prendre en compte les intérêts du Sénégal, dont les éléments séparatistes de Casamance (sud du Sénégal) trouvent refuge en Guinée-Bissau. Il y a lieu ici de trouver de nouveaux arrangements, des ajustements, d'évoquer les nouveaux défis et les dangers potentiels auxquels "le sursaut patriotique" devra faire face. Car la nouvelle donne ne saurait être une manne céleste. En tout cas, si l'on ne voit pas encore le bout du tunnel, une lumière commence à percer.

END

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