ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 353 - 01/10/1998

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS



Tchad

N'Djamena: misère rime avec mystère


by Missé Nanando, N'Djamena, Tchad, juin 1998

THEME = VIE SOCIALE

INTRODUCTION

Arracheurs d'organes humains, voleurs d'enfants,
disparitions mystérieuses, faux monnayeurs, la tomate qui pleure, etc.
Depuis la fin du mois de janvier 1998,
la capitale tchadienne vit sous le coup de l'irrationnel.

@08_HELV_NORM =

Le 30 janvier 1998, un communiqué de presse du gouvernement informait la nation tchadienne de la disparition mystérieuse de Yaya Batit Ali, président du Parti pour l'unité nationale, le dialogue et la démocratie (PUNDD), l'une des 67 formations politiques qui peu-plent le paysage national.

L'affaire souleva beaucoup de questions. Selon le PUNDD, il avait été enlevé et torturé par des éléments de l'Agence nationale de sécurité (ANS), la police politique du régime. La presse nationale et internationale y ont fait largement écho. Mais deux semaines plus tard, on apprenait que l'ANS n'y était pour rien. Les autres partis politiques d'opposition, qui dénonçaient l'affaire à coup de communiqués de presse, ont dû se rendre compte qu'ils avaient été dupés.

En fait, il s'est agi d'un groupe de malfaiteurs, qui font disparaître les gens pour aller les vendre aux planteurs de tabac du Nigeria voisin. Mais aujourd'hui, malgré le brouillard qui enveloppe l'affaire, Yaya Batit Ali se trouve en prison, sans jugement. Les autorités accusent le président du PUNDD de semer le trouble dans le pays.

Crédulité

Ce n'est pas uniquement cette affaire qui frise l'irrationnel à N'Djamena. Au mois d'avril, durant toute une semaine, des curieux ont défilé dans les locaux de la télévision nationale pour voir "la tomate qui pleure". Des personnes à l'esprit cartésien qui ont fait le déplacement, ont vu simplement une tomate qui avait été déformée, piétinée par un cabri ou n'ayant pas eu assez de place pour se développer. Mais beaucoup d'autres, disposés à croire au mystère et à la magie, ont accrédité la thèse de la tomate qui pleure parce qu'il y a trop de souffrances dans le pays.

Magie criminelle

Une autre nouvelle mystérieuse a vraiment semé la panique dans la ville et a obligé les mamans à retenir leurs enfants à la maison, en se passant des consignes.

On dénonçait la présence de gens qui arrachent les organes génitaux pour s'enrichir par la magie. On donnait des consignes aux enfants qui allaient à l'école de ne pas parler à quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas, de ne pas accepter de don d'un inconnu, de ne pas saluer n'importe qui, etc. L'exemple le plus illustratif est celui d'une femme qui a égorgé sa petite soeur pour posséder ses yeux et sa cervelle. Prise en flagrant délit par la police, elle a avoué qu'un marabout avait exigé cela pour qu'elle devienne très riche. De même, on a trouvé les corps d'un fou et de deux enfants, dépourvus d'organes génitaux, gisant dans un caniveau, non loin de la mairie de N'Djamena. La brigade criminelle n'a jamais pu découvrir les auteurs de ces meurtres.

Ces faits ont obligé les autorités à accroître leur vigilance. Le 26 mai dernier, le tribunal de première instance de N'Djamena a condamné deux chercheurs d'organes humains. A l'origine de l'affaire, un homme est allé consulter un marabout pour qu'il l'aide à devenir invisible, afin de pouvoir voler sans être vu. En réponse, celui-ci a exigé deux yeux. Alors, Ahmat Abdelkérim, 18 ans, et son ami Idriss ont tué un certain Abdelkader et lui ont pris ses yeux. Au tribunal, les deux criminels ont affirmé qu'ils n'avaient plus mangé depuis deux jours et avaient agi sous l'emprise de la faim...

Faussaires

La justice a aussi poursuivi des faussaires. La chasse à l'argent a même frappé à la porte des plus hautes autorités de l'Etat. Alors qu'un ministre s'est fait voler tout son traitement mensuel par des faux-monnayeurs, un scandale vient de secouer la présidence de la République.

En mai dernier, Djamal Aganaye, un Tchadien, est arrêté en Allemagne par la police avec une quantité non négligeable de cocaïne et un passeport diplomatique. Il a déclaré à la police qu'il était conseiller à la présidence de la République du Tchad. Depuis lors, des enquêtes ont révélé que la plupart des documents diplomatiques détenus par des Tchadiens sont faux. Dans le cas de Djamal, malgré un démenti catégorique de la présidence, il s'est avéré que le passeport diplomatique avait bel et bien été délivré par les autorités tchadiennes.

Aujourd'hui, le faux tend à devenir endémique à N'Djamena avec la prolifération de fabricants de faux billets de banque. La capitale tchadienne devient un lieu de prédilection où viennent se terrer des faussaires de tout acabit. La plupart viennent des pays anglophones d'Afrique de l'Ouest. Le nombre de coups de filet quotidiens opérés par la police autorise à croire que la pauvreté est à la base de ce fait social nouveau. Pour appâter les victimes, on propose à manger, à boire, à devenir riche, etc.

En ce temps de dévaluation du franc cfa, d'épidémies, de disette endémique dans les campagnes, d'arriérés de salaires et de clochardisation des cadres, le faux risque de gagner tout le territoire. Le terrain lui est favorable, de même que le mensonge, la délation et les compromissions de tout genre, même au niveau des cadres sensés diriger honnêtement le pays.

END

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 1998 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement