ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 353 - 01/10/1998

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Ghana

Développer les aptitudes indigènes


by Samuel Sarpong, Ghana, juillet 1998

THEME = ACTION SOCIALE

INTRODUCTION

Dans un faubourg au nord-est de Kumasi, la seconde grande cité du Ghana,
M. Suame a créé une entreprise: "Le Magasin Suame".
C'est là qu'environ 5.000 artisans gagnent leur vie dans le ramassage,
le tri et le travail de la ferraille et des pièces de rechange provenant de vieilles voitures.

L'air qui monte du sol est mêlé de fumée venant du fer chauffé à blanc et d'odeur de monoxyde de carbone. Pourtant, il y a un certain ordre dans tout ce chaos. Des tas de ferraille deviennent des pièces de rechange pour les autos ou pour d'autres usages. Un visiteur au magasin Suame sera surpris par le crissement du métal sur le métal. Les mécaniciens dans les petits garages et ateliers de Kumasi n'ont jamais fait d'études, mais ils réparent et remettent en état de vieux véhicules ou de vieilles machines et transforment ces tas de ferraille au moyen d'outils rudimentaires.

Créer du neuf avec du vieux

C'est monnaie courante de rencontrer des gens qui viennent chez Suame pour acheter des vieilles carcasses de voitures abandonnées, dans l'espoir de les réparer avec des pièces de rechange achetées aussi chez Suame. Le prix élevé des voitures neuves a poussé à la fabrication des pièces pour retaper des véhicules souvent abandonnés. Certains travailleurs qui faisaient la navette en transport public pour aller à leur travail, ont remonté méticuleusement ces autos abandonnées et sont maintenant les fiers propriétaires d'une voiture familiale.

Kwame Aguda avait dû abandonner sa Ford, âgée de 15 ans parce qu'il ne trouvait plus des pièces de rechange. Maintenant, il roule dans une voiture quasiment silencieuse. Il a retrouvé sa joie de vivre grâce au marché florissant de pièces de rechange et de moteurs d'occasion produits par les artisans de Suame.

Beaucoup de véhicules, abandonnés ou laissés définitivement au garage, sont maintenant en assez bon état pour se mêler à la circulation. L'ingéniosité de ces mécaniciens a forcé les compagnies d'assurance de vérifier que le véhicule assuré par eux est bien le même que celui qui est en circulation. Plus personne n'ignore qu'on peut trouver aujourd'hui une Renault 20GTL équipée d'un moteur de Datsun 200 !

De vrais artisans

Ces mécaniciens méconnus font l'entretien, répa-rent ou recréent jusqu'à 80% du parc des véhicules usagés du Ghana. Ils font tout le travail, de mécanique, de carrosserie, d'électricité et tout le reste pour qu'on puisse se déplacer en voiture au Ghana. Ils ont appris à fabriquer les pièces de rechange qui n'étaient plus disponibles durant la crise économique, vers la fin des années 70 et début 80. A cause du manque de devises étrangères, il était impossible d'en importer. C'est alors que ces hommes très adroits et autodidactes montrèrent de quoi ils étaient capables.

Leur grand atout était leur ingéniosité. "Au début nous étions méprisés", dit Osei Kwaddwo, qui s'était associé au magasin Suame depuis plus de 20 ans. "Mais cela a changé maintenant". Malgré le mépris du gouvernement pendant toutes ces années, ce secteur informel de l'industrie a joué un rôle dynamique en procurant aux gens l'opportunité de gagner leur pain, et en aidant la population à faible revenu à se procurer des produits à bon marché.

Le support du gouvernement

Aujourd'hui, la longue histoire des batailles de ces ouvriers a porté des fruits. Ils ont gagné l'approbation de l'Etat. Le gouvernement de Rawlings a aidé ces "ingénieurs indigènes" en leur procurant la technologie, l'apprentissage et le crédit nécessaire. Il a étendu son plan de service de formation professionnelle à tout le pays, par le truchement d'une nouvelle orga-nisation intermédiaire innovatrice: le service régional approprié de technologie industrielle du Ghana (GRATIS ) Il fournit sur place un apprentissage pour améliorer la production.

Le cabinet d'experts-conseils en technologie de l'université des sciences et de technologie de Kumasi, associé au magasin Suame depuis l2 ans par l'intermédiaire de son Service technologique (ITTU ), assure l'apprentissage pour améliorer le savoir-faire des mécaniciens dans les ateliers informels, et leur enseigne les méthodes de base de comptabilité et de gestion.

En fournissant du crédit

Le gouvernement a soutenu aussi la création d'un programme pilote, pour fournir du crédit aux patrons des petites entreprises, comme celle du magasin Suame. Parmi les bénéficiaires, la coopérative mécanique, dont le but est d'acheter et de partager l'équipement, tels que les tours et les rémouleurs de vilebrequins.

L'Association nationale des propriétaires de garage, qui englobe ces "ingénieurs indigènes", est ga-rante des prêts que leur fait la banque SSB, une institution financière de l'Etat pour le commerce.

La moyenne est d'environ $3.000 par projet et cet argent a déjà aidé les mécaniciens à améliorer la qualité du travail et la compétence. Yaw Mensah, lui-même mécanicien, dit que l'apprentissage qui lui a été offert par le biais de l'ITTU, lui a permis d'améliorer la qualité des services qu'il rend à ses clients.

Au vu du succès obtenu par le magasin Suame, le gouvernement s'efforce de regrouper les artisans d'un peu partout dans certaines localités, où ils pourraient jouir d'une aide similaire.

Extension

Entre-temps, à cause de l'encombrement au magasin Suame, le gouvernement a acquis un terrain pour y former d'autres mécaniciens qui désireraient eux aussi profiter des perfectionnements techniques qui leur sont offerts par ce plan d'apprentissage et de crédit. Il a aussi intensifié les programmes de l'ITTU à travers le pays pour faire progresser la technologie, en enseignant aux apprentis le développement technologique approprié.

Atta Poku, un des bénéficiaires du programme d'apprentissage du gouvernement, est convaincu que le gouvernement est de leur côté. "Le gouvernement a raison d'avoir confiance en nous. Pourquoi? Parce qu'il voit ce qui se passe. Les ingénieurs ghanéens qui ont reçu une formation conventionnelle et qui ont des tas de titres, se délectent dans toute une série de connaissances théoriques. Mais quand il s'agit de choses pratiques, ils sont perdus".

Quand le président Rawlings visita le magasin Suame, il y a quelques années, il fut visiblement impressionné par ce qu'il voyait là. Les artisans dans ce magasin et dans les petits garages ont réalisé du neuf dans le développement du pays.

Pour Osei Kwaddwo et ses collègues, le fait d'avoir pu faire de leur vie quelque chose de constructif est un rêve qui s'est matérialisé

END

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