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by Lucile Boya, CRP, Congo-Brazza, août 1998
THEME = MEDIAS
Au sortir de la guerre, les nouvelles autorités congolaises
lancent un appel
aux journalistes qui ont fui Brazzaville pour qu'ils regagnent leurs postes.
Certains, craignant pour leur vie, sont réticents.
D'autres qui sont revenus restent sur la touche.
La guerre finie, le paysage médiatique congolais ressemble à celui de la scène politique. La victoire des Forces démocratiques et patriotiques (FDP) de Denis Sassou Nguesso sur les partisans de Pascal Lissouba favorise la montée des vainqueurs. A la radio et la télévision nationales, les hauts postes sont occupés par les journalistes des FDP. Ils laissent bien entendre que "nous avons gagné la guerre". Par contre, beaucoup de ceux qui ont soutenu l'ancien président Lissouba vivent cachés dans leurs villages ou se promènent à Pointe-Noire et à Dolisie; certains ont même pris la voie de l'exil.
Ce n'est pas nouveau. Au Congo, chaque pouvoir a ses journalistes. Lorsqu'en 1992 Sassou Nguesso avait été battu aux élections, les journalistes qui lui étaient proches se sont vus marginalisés dans les médias de l'Etat, occupés désormais par les partisans de Lissouba. Ces derniers, pendant cinq ans, ont régné sans partage à la radio, à la télévision et à l'agence congolaise d'information, où, comme leurs prédécesseurs, ils s'illustraient dans la propagande du pouvoir.
Aujourd'hui, la situation s'est à nouveau retournée contre eux. Depuis la reprise des émissions sur les ondes nationales en janvier 1998, beaucoup de journalistes de l'ancien régime se montrent hésitants à regagner Brazzaville. Terrés dans leurs villages, sans salaire, ayant tout perdu pendant la guerre, ils craignent pour leur sécurité. "Nous vivons dans un pays où les amis deviennent brusquement des ennemis", s'inquiète l'un d'eux.
Pourtant, les nouvelles autorités du Congo se veulent plus démocratiques que leurs prédécesseurs. Elles prônent l'ouverture, la paix et la réconciliation. Aussi, on assiste à un retour encore timide de ceux qui sont qualifiés de "gros poissons". L'un d'eux, qui a occupé de hautes fonctions et requiert l'anonymat, ne cache pas ses sentiments: "Je suis revenu à Brazzaville huit mois après la guerre. Je craignais pour ma sécurité, mais les responsables nous ont donné des garanties. Alors, je suis revenu. Je ne voulais pas pécher par naïveté en revenant trop rapidement. Il fallait s'assurer que la sécurité s'installe dans la ville".
C'est la descente à Pointe-Noire du ministre des Communications, François Ibovi, en avril 1998, qui a rassuré ce journaliste. "Il demandait aux journalistes de reprendre le travail à Brazzaville, assurant qu'il n'y avait pas de chasse aux sorcières. Et le directeur de la télévision, M. Ekiaye Akoli, m'a fait rechercher."
Mais ces retours progressifs sont-ils bien acceptés par les nouvelles autorités? "Personnellement, j'ai reçu un accueil chaleureux. Il m'a même été demandé par la tutelle administrative de la télévision de proposer un plan d'action pour celle-ci. Mais par rapport à mon ancien statut de responsable, il m'est difficile de retrouver ma place, même si je participe au conseil de rédaction", raconte un autre journaliste de l'ancienne mouvance présidentielle.
Certains de ceux qui ont regagné leur poste sont mis au placard. C'est le cas du meilleur présentateur de la télévision, Jean-Claude Kakou. Deux femmes par contre, Solange Samba Royo et Lucienne Tsoumou, ont repris la présentation du journal de 20 heures. Mais à la radio, l'ancien directeur de la presse présidentielle, Edmond Philippe Gali, et l'animateur Touadikissa Massanga restent sur la touche. D'autres "grosses têtes" de la presse du président déchu restent aussi remarquablement absents...
Comme le disait Joachim Mbanza, rédacteur en chef de l'hebdomadaire catholique La Semaine Africaine, au cours d'un séminaire: "Les journalistes d'Etat sont des enfants du pouvoir. Ils n'obéissent qu'à la voix de leur maître. Conséquence: ils n'ont pas de liberté d'expression".
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