ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 354 - 15/10/1998

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Malawi

Une liberté troublante


by Patrick Mawaya, Malawi, juin 1998

THEME = DEMOCRATIE

INTRODUCTION

Quatre années de démocratie multipartite
ont-elles appris aux Malawiens la nécessité de vivre ensemble dans la diversité?
Ou bien nos différences grandissent- elles de jour en jour,
à cause de nos idéologies politiques?

Le peuple du Malawi est entré dans l'histoire, mais il n'en semble pas très heureux. Les électeurs ont enfin réussi à élire leur premier parlement à partis multiples, après trois décennies d'un régime de parti unique.

D'abord, le 14 juin 1993, il y eut le référendum dans lequel la plupart des Malawiens votèrent pour le multipartisme. Certaines sections de la Constitution devaient alors être abrogées, spécialement celles déclarant qu'il ne pourrait y avoir qu'un seul parti et que le président restait en charge à vie (le Dr Banda devint président à vie en 1971).

Le 17 mai 1994 eurent lieu les élections générales dans lesquelles Bakili Muluzi du Front démocratique uni (UDF, actuellement au pouvoir), sortit vainqueur. Le Dr Banda accepta sa défaite avec humilité et lui souhaita bonne chance.

Le président Muluzi déclara le 17 juin jour férié, sous le nom de "Jour de la liberté". La liberté était enfin venue après trente années de gouvernement autocratique. Malheureusement, quatre années plus tard, il ne semble pas y avoir beaucoup plus de liberté. La Constitution a été violée ouvertement, la démocratie n'est qu'un recueil de litanies qu'on chante lors des grands meetings politiques, et l'insécurité ne fait que s'aggraver.

L'économie est virtuellement détruite. Les victimes en sont surtout les femmes et les enfants, pris au piège entre les besoins vitaux de survie et les exigences du Programme d'ajustement structurel (PAS), appuyé par la Banque mondiale et le FMI.

Un pays en crise

Le Malawi n'est pas encore à l'abri de la misère. La santé et l'éducation laissent à désirer, et l'infrastructure du pays se désagrège. Les institutions de santé fonctionnent sans fonds ou médicaments suffisants, et les hôpitaux manquent de personnel. L'éducation est en plein marasme. L'université du Malawi doit fonctionner avec des budgets insuffisants; le niveau intellectuel est très bas, et l'éducation universitaire reste un luxe, au lieu de contribuer au développement intégral du pays. L'accent a été mis sur l'éducation primaire, devenue gratuite mais pas obligatoire. Les écoles n'ont pas assez d'instituteurs diplômés pour répondre au nombre d'élèves qui est en augmentation.

On n'a pas prêté grande attention aux infrastructures du Malawi. Les routes ne sont pas entretenues. Les entrepreneurs sont prêts à faire du travail à bon marché, mais avec quelles conséquences? Après quelques jours, les routes sont à nouveau complètement impraticables. Il y de fréquentes coupures d'électricité, ce qui rend les opérations commerciales encore plus difficiles. Aux télécommunications on trouve le même désordre, surtout quand il faut faire une demande de ligne téléphonique, qui n'est accordée qu'après avoir graissé la patte aux techniciens. Si vous êtes pingre, vous serez longtemps sans téléphone.

Participer à la prise des décisions

Le droit de participer aux prises de décisions était considéré comme une grande priorité, surtout au niveau local. Cependant, les rêves des gens ne se sont pas réalisés. Quand il prit le pouvoir en 1944, l'UDF décida de dissoudre les conseils locaux. Depuis lors, le pays fonctionne sans conseils municipaux. Conséquence: les services sociaux dans les régions urbaines et rurales sont en plein déclin.

La société civile, représentée par les organisations non gouvernementales en faveur des droits de l'homme, a fait de vains efforts pour forcer le gouvernement à tenir des élections locales. Le gouvernement lambine, remettant à plus tard la législation nécessaire. Il semble qu'un projet de loi sur le gouvernement local existe maintenant sous forme de projet, mais il n'a pas encore été présenté au Parlement et reste un document secret.

Bien sûr, les Malawiens sont libres de dire ce qu'ils veulent, mais ils ne sont pas encore libres de prendre part aux décisions qui concernent leur pays.

Une économie en ruine

Entre-temps, l'économie est en ruine. Le prix des produits de base augmente de jour en jour, si bien qu'il est difficile de tenir un budget. L'inflation s'ajoute à une forte dévaluation du kwacha malawien (KM) par rapport au dollar américain. Le dollar, qui avait été fixé à 15KM en juillet 1997, est maintenant à 25KM. Le chômage augmente et réduire les dépenses est à l'ordre du jour. A l'administration, plus de 3.000 employés ont été licenciés avant fin juin de cette année.

Le président Muluzi déclarait à l'Assemblée nationale le 22 mai 1998: "En 1994, nous arrivions au pouvoir avec une promesse et un engagement d'améliorer le niveau de vie de chaque Malawien. Notre engagement reste total et inflexible. Pour le réaliser, nous avons instauré notre Programme de réduction de la pauvreté, la pièce maîtresse de notre programme de développement".

Alléger la pauvreté

Malheureusement, l'allégement de la pauvreté n'est pas pour les Malawiens pauvres, mais pour ceux qui sont déjà riches. Il n'y a que ceux qui ont des liens avec des personnes haut placées qui profitent de ce programme d'allégement de la pauvreté! Plus de 60% des Malawiens (population du Malawi: 12 millions) attendent encore pour bénéficier de ce programme.

L'inflation est galopante. Le président Muluzi disait: "L'inflation est l'ennemi numéro un de notre programme d'allégement de la pauvreté; le surenchérissement continuel des produits de base est, sans aucun doute, une rude épreuve pour la majorité des gens". En 1995, l'inflation atteignait 80%. Les raisons en sont diverses: le haut niveau des emprunts du gouvernement, les dépenses qui sont de loin supérieures aux revenus, l'incapacité du gouvernement de contrôler les dépenses.

Libéralisation de l'économie

Le gouvernement a été aux premiers rangs pour libéraliser massivement l'économie. Résultats? Les industries locales doivent fermer boutique, avec le chômage comme conséquence.

Callisto Madavo, vice-président de la Banque mondiale (région d'Afrique) a mis en garde contre une telle pratique: "Lorsqu'on veut libéraliser une économie, il faut faire très attention à ne pas le faire d'une façon trop brusque. Il faut s'assurer que les industries locales soient compétitives et qu'elles tournent d'une façon efficiente".

Madavo montre du doigt les défis-clefs de l'économie malawienne. "Ceux-ci englobent la mise en ordre de la situation macro-économique et spécialement du système fiscal: aborder les issues structurelles fondamentales, c'est-à-dire accorder la priorité aux dépenses, la réforme de l'administration, la privatisation et le développement infrastructurel, et aborder les besoins de développement à long terme, tels que l'éducation, la santé et l'augmentation du pouvoir d'achat de la population à la base".

Sans opposition

Il semble bien que le gouvernement de l'UDF soit déterminé à gouverner le pays sans aucune opposition, - une situation qui pourrait devenir un gouvernement de parti unique dans une ère de multipartisme. L'UDF est accusé d'acheter les membres du Parlement, surtout ceux du parti du Congrès malawien (MCP) et de l'Alliance pour la démocratie (AFORD). Dans ses meetings, le président Muluzi a souvent dit qu'aucun membre de l'opposition ne peut apporter de développement. Donc, si les gens désirent développer leur région, ils doivent voter pour l'UDF lors des prochaines élections...

Le Mahatma Gandhi disait un jour: "Cela ne vaut pas la peine d'avoir la liberté, si cela n'inclut pas la liberté de faire des erreurs". La liberté du Malawi étant loin de la réalité, on peut dire que les Malawiens en rêvent encore.

END

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