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by Dossier ANB-BIA, Bruxelles, septembre 1998
THEME = DOSSIER ANB-BIA
Les électeurs au Sahara occidental devront choisir
entre l'indépendance et le rattachement au Maroc,
lors d'un référendum sous les auspices des Nations unies,
fixé d'abord au 7 décembre 1998, mais reporté aux premiers mois de 1999.
Le Maroc et le Polisario (qui se bat pour l'indépendance sahraouie)
se disputent depuis 1975 la souveraineté de cette ancienne colonie espagnole.
Le Sahara occidental est un territoire d'environ 266.000 kmý, le long de la côte atlantique entre le Maroc et la Mauritanie. C'est un territoire désertique, mais qui est riche en phosphates et possède des côtes très poissonneuses. Il a connu la colonisation espagnole à partir de 1884, bien que l'occupation effective ne se soit réalisée qu'une cinquantaine d'années plus tard. L'Espagne renonça à sa présence en février 1976.
Les trois pays voisins, le Maroc, la Mauritanie et l'Algérie, prétendaient avoir des droits sur le pays. Le Maroc en particulier avait développé, peu avant son indépendance, la théorie du "Grand Maroc", qui fut reprise par le roi Hassan II. Par cette doctrine, le Maroc revendiquait le Sahara occidental (et même la Mauritanie, qu'il a d'ailleurs refusé de reconnaître durant les 9 premières années de l'indépendance de ce pays).
Dès 1964, les Nations unies se prononcèrent sur le principe de l'autodétermination. A partir de 1969, les trois pays voisins paraissaient s'être engagés sur le chemin de l'entente, et en juillet 1973, ils affirmèrent leur attachement à l'autodétermination du Sahara occidental.
Mais, jouant sur la crise en Espagne après la mort de Franco, Hassan II amena ce pays à signer l'accord de Madrid, signé le 14 novembre 1975, selon lequel l'Espagne transférerait le Sahara occidental au Maroc et à la Mauritanie. Cette victoire, qui avait été précédée au Maroc par une atmosphère de guerre sainte, culminant dans la fameuse marche verte de 350.000 personnes, rendit au régime d'Hassan II sa popularité dans son pays. Déjà en 1975, le Maroc occupa la partie nord du Sahara occidental et, depuis lors, il est en guerre contre la guérilla sahraouie du Front Polisario.
Le lendemain du départ des Espagnols, le 26 février 1976, le Front populaire pour la libération du Saguia et du Rio del Oro (Polisario), créé en mai 1973, proclama la République arabe sahrouie démocratique (RASD). L'Algérie vint à son secours, arma généreusement la guérilla et donna aux réfugiés sahraouis des facilités dans la région de Tindouf, dans l'extrême ouest de l'Algérie. Cette guérilla contraignit la Mauritanie, qui avait occupé la région sud du pays, à s'en retirer en 1979 et à la transmettre au Maroc. Durant de longues années, le Polisario constitua, avec des hauts et des bas, une menace constante pour les troupes marocaines. Toutefois, le Maroc assura la sécurité d'une bonne partie du territoire en construisant une ligne de défense, qui permit de continuer sans encombres l'extraction du phosphate dans la région de Bou-Craa, le transport se faisant par la mer. Il y ajouta des mesures administratives destinées à intégrer les populations locales dans la vie publique marocaine, et entreprit d'importants projets de développement. Au cours des années, des dizaines de milliers de Marocains ont été incités à s'établir dans la région.
Au plan diplomatique, le Polisario eut d'abord plus de succès. En octobre 1979, trente-quatre Etats avaient reconnu la République sahraouie, dont vingt africains. En février 1982, 26 des 50 Etats membres de l'OUA avaient reconnu la RASD et celle-ci fut admise au sein de l'organisation. Sur quoi, le Maroc claqua la porte et quitta l'OUA. Mais le conflit s'enlisant, les sympathies s'estompèrent également. Ces dernières années, diplomatiquement, le Maroc a incontestablement marqué des points. Au cours des années 1996 et 1997, neuf pays africains suspendirent l'un après l'autre leur reconnaissance de la République sahraouie: le Bénin, le Burkina Faso, le Congo, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Tchad, le Togo, Sao Tome e Principe et le Swaziland.
Déjà à son sommet de Monrovia, en juillet 1979, l'OUA s'était fait l'avocat d'un référendum au Sahara occidental, à défaut de solution bilatérale ou régionale. Le principe de cette procédure fut même accepté par le roi Hassan II au sommet de Nairobi en 1981. Mais il fut toujours remis, la composition du corps électoral constituant l'obstacle majeur.
Dans la dernière décennie la pression augmenta pour trouver une issue au conflit. Le 29 avril 1991, le conseil de sécurité des Nations unies vota une résolution visant à établir une force, la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO), pour superviser un cessez-le-feu et tenir un référendum, mais peu de progrès furent faits. En 1992, le Maroc parla déjà de sa "province saharienne", ce qui provoqua une protestation énergique du Polisario, accusant le Maroc de préjuger des résultats du référendum. Pendant ce temps, plusieurs membres du Polisario firent défection et rejoignirent le Maroc, las des batailles qui semblaient sans issue et arguant qu'un pays avec si peu d'habitants n'est pas viable.
La dispute continua. En juillet 1995, les Etats-Unis menacèrent de retirer leur support à l'opération des Nations unies, si le référendum n'avait pas lieu, et le Polisario, qui avait maintenu la paix durant cinq ans, menaça de reprendre les hostilités. Mais les Nations unies décidèrent de prolonger leur opération.
Le 17 mars 1997, le secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, nomma James Baker, ancien secrétaire d'Etat américain, comme son représentant personnel dans la région, avec l'objectif d'aboutir à un accord global. M. Baker se rendit compte que tant le Maroc que le Polisario désirait finalement mettre fin au conflit: pour le Polisario, les conditions dans les camps de réfugiés devenaient de plus en plus dures; pour Rabat, le prix de ses efforts militaires devenait toujours plus pesant. Des négociations directes entre les deux parties aboutirent à des accords, signés à l'automne 1997 à Houston, qui rapprochaient les points de vue et devaient aboutir à un référendum d'autodétermination fin 1998. Restait le difficile problème de l'identification des électeurs.
Qui est habilité à participer à ce référendum? Comment définir un Sahraoui? Une fois l'accord de principe du référendum acquis, la grande difficulté résidait dans l'identification du corps électoral, les deux parties divergeant sur les critères à employer pour définir qui pourrait participer à cette consultation.
Avant de se retirer de leur colonie, les Espagnols avaient organisé en 1974 un recensement de la population. 25 ans après, ce document reste, malgré ses lacunes, le seul document disponible. Le Polisario voulait restreindre l'électorat aux 73.500 personnes recensées à ce moment et à leurs familles immédiates, dont une bonne partie vit en exil dans les camps de réfugiés en Algérie et en Mauritanie. Il avait donné son accord pour y ajouter quelques tribus oubliées, mais contestait les chiffres avancés par le Maroc.
Le Maroc, lui, avait poursuivi au cours des années une politique d'intégration dans ses "provinces sahariennes". Il défendait la thèse que tout Sahraoui âgé de dix-huit ans, recensé ou pas en 1974, a le droit de participer à la consultation.
Finalement, la MINURSO a pu faire accepter aux deux parties cinq critères d'identification possibles. Certains sont irrécusables; d'autres plus fragiles et sources de contestation. Chaque personne susceptible d'être inscrite sur les listes électorales doit pouvoir justifier son appartenance à l'un ou l'autre des groupes suivants: avoir été recensé par l'autorité espagnole en 1974; avoir résidé à cette époque au Sahara sans avoir été recensé; être ascendant ou descendant de l'un ou l'autre des deux premiers groupes; être descendant d'un père sahraoui né sur le territoire; ou enfin, y avoir résidé six ans d'affilée ou douze ans par intermittence.
A partir de fin 1997, la MINURSO a installé des bureaux d'identification. Leur nombre a lentement augmenté, jusqu'à cinq au Sahara occidental, sept au Maroc, quatre à Tindouf en Algérie, et deux en Mauritanie. A côté des gens de la MINURSO, y siègent des chefs de tribu, les uns de tendance marocaine, les autres défendant le Polisario. Ce sont eux qui donnent leur avis sur le lignage des candidats. Une commission mixte surveille le déroulement. Mais le processus est lent. La fin de ces opérations a dû être reportée à plusieurs reprises.
En date du 29 mai 1998, selon la MINURSO, 121.221 Sahraouis avaient été identifiés. Mais selon un rapport du secrétaire général des Nations unies, il restait un peu moins de 50.000 personnes à identifier issues de "tribus non contestées" et environ 65.000 membres venant de tribus "contestées" par le Polisario.
Il ne fait pas de doute que de nombreux appels seront interjetés par les deux parties lorsque ces listes, élaborées dans le plus grand secret, seront officiellement publiées. La MINURSO publie de temps à autre le nombre d'électeurs qu'elle a retenus parmi les candidats interrogés. En mai dernier, ce chiffre avait provoqué un vif mécontentement marocain, Rabat accusant la MINURSO de ne pas tenir compte de tous les critères d'identification retenus.
La tension monte évidemment chez les deux adversaires. Leur survie dépend du vote de moins de 200.000 personnes. Selon une déclaration d'un responsable marocain au journal Le Monde, en février 1998, "si l'indépendance est votée, la monarchie sera balayée. Le régime a trop investi, que ce soit du point de vue politique, économique ou militaire, sur le rattachement des provinces sahariennes. Il ne peut se permettre d'être battu". D'autre part, si le rattachement est voté, le Polisario perdra sa raison d'être et la culture sahraouie sa terre natale. Sans patrie, nombre de réfugiés sahraouis seront sans doute tentés de rejoindre la Mauritanie, au risque de la déstabiliser.
Juin 1998. Au 34e sommet de l'OUA, qui s'est tenu à Ouagadougou du 8 au 10 juin, le dossier du Sahara occidental a constitué une des pierres d'achoppement des discussions. On avait espéré un retour du Maroc dans l'organisation, dans l'hypothèse d'une exclusion de la RASD, reconnue aujourd'hui par une minorité d'Etats. Mais certains pays (en particulier l'Algérie, Madagascar et les pays d'Afrique australe) se sont opposés à ce retrait. La question n'a même pas pu faire l'objet de vote, car aucun article de la charte de l'OUA ne prévoit l'exclusion d'un membre. Les chefs d'Etat ont finalement décidé de renvoyer la question, "pour une réflexion plus approfondie", à la réunion des ministres des Affaires étrangères en février 1999.
Septembre 1998. Au 12e sommet des pays non-alignés à Durban en Afrique du Sud, une résolution a été adoptée, dans laquelle les Etats membres se réjouissent des progrès réalisés pour arriver à une solution du problème du Sahara occidental et expriment à nouveau leur soutien aux efforts des Nations unies pour un référendum libre et impartial en conformité avec les accords de Houston.
Fin de l'identification? - Le 4 septembre, la MINURSO a annoncé la fin de l'opération des futurs électeurs au référendum d'autodétermination, à l'exception de trois groupes tribaux contestés. La MINURSO a interviewé plus de 200.000 personnes, dont 147.000 ont été enregistrées pour prendre part au référendum (61.000 dans le territoire du Sahara occidental, 34.800 dans les camps de réfugiés de la région de Tindouf, 5.400 en Mauritanie et 45.800 au Maroc).
Mais il reste donc toujours à résoudre le problème des trois tribus (environ 65.000 personnes) dont le Maroc veut qu'ils puissent participer au référendum, alors que le Polisario le conteste. M. James Baker devrait se rendre dans la région au cours du mois de septembre, mais sans qu'une date soit spécifiée, pour régler ce problème...
Nouvelles négociations. Le 24 septembre, le ministre marocain de l'Intérieur, Driss Basri, a déclaré que M. Baker réunira à Lisbonne vers la mi-octobre des représentants du Maroc et du Front Polisario pour tenter de régler les problèmes qui subsistent. Le référendum pourrait donc être une nouvelle fois retardé. "Nous nous attendons à ce que le référendum ait lieu au plus tard en avril 1999", a déclaré M. Basri.
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