ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 355 - 01/11/1998

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Congo Brazza

L'université de Brazzaville perd de sa valeur


by Solange Kibelolo, Congo-Brazzaville, août 1998

THEME = UNIVERSITE

INTRODUCTION

Les cours dispensés et le déroulement des examens
laissent transparaître un sombre décor.
Zoom au coeur de l'université Marien Ngouabi de Brazzaville.

Réputée un lieu sûr de formation des futurs cadres, l'université Marien Ngouabi se trouve confrontée à d'énormes difficultés, au point de devenir le fer de lance du désordre et de la désillusion. La plus grande tare reste le manque criard d'infrastructures adéquates. Les équipements, en effet, datent de l'époque de sa naissance, dans les années 60.

C'est le cas du complexe Bayardelle qui offre au regard des vieux bâtiments manquant de peinture depuis des années. Les deux amphithéâtres regorgent de vieux tables-bancs. La faculté des sciences économiques ne dispose que de 600 places alors qu'elle accueille plus de 3. 000 étudiants, tandis qu'ailleurs 300 étudiants s'entassent dans une pièce prévue pour 100.Les chiffres parlent d'eux- mêmes et découragent. "Je ne puis étudier dans ces conditions misérables. Je préfère sacrifier une année pour attendre mon inscription au Canada en 1999", lâche Ella, étudiante en première année en sciences économiques.

L'université Marien Ngouabi n'a pas de bibliothèques dignes de ce nom. Enseignants et étudiants vivent la "sous-alimentation documentaire". Les bibliothèques ne reçoivent plus de nouveaux ouvrages: le plus récent numéro d'une revue spécialisée à la faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) est vieux de 10 ans. Et à l'heure où le monde est branché sur Internet, l'université de Brazzaville vit encore les réalités moyenâgeuses sur le plan technologique: elle ne dispose même pas d'un fax. Comme plusieurs services administratifs du pays, d'ailleurs.

Des enseignants occupés ailleurs

On souligne le manque d'enseignants qualifiés. D'où l'intervention d'enseignants-vacataires dans presque toutes les facultés. Ceux-ci sont si mal rémunérés que leur souci est très souvent ailleurs. Ils sont prompts à occuper des postes politiques plutôt que d'assumer leur devoir d'enseignant. L'un d'entre eux, préoccupé par le retour du général Sassou Nguesso dans la capitale, fin janvier 1997, avait presque abandonné ses étudiants. "Je suis mieux payé ailleurs", avait-il déclaré pour justifier ses absences chroniques.

Ainsi, le gouvernement actuel utilise à foison des cadres universitaires, hissés au rang de ministres et de conseillers. Accomplir valablement sa tâche devient alors incompatible. En plus, certains enseignants se transforment en véritable commerçants, et les étudiants sont leur proie. Un professeur d'anglais à la FLSH, ayant produit un document de 20 pages sur ordinateur, l'impose aux étudiants à un prix exagéré: "Celui qui n'achète pas ma polycopie n'assistera plus jamais à mes cours durant toute l'année, je vous le dis", martèle-t-il d'un ton tranchant, avant d'ajouter: "Je n'accepterai pas un document photocopié".

A cause de la guerre qu'a connue le Congo de juin à octobre 1997, les programmes académiques n'ont pu être achevés et le passage d'une année à une autre est devenu un vrai "Rubicon à franchir". Une certaine catégorie de professeurs conditionne le passage des filles par le "droit de cuissage", une pratique très courante qui pousse les étudiantes à la débauche. Les hommes, par contre, doivent "glisser" des sommes allant de 25. 000 à 30.000 fcfa.

Après la licence, les étudiants abandonnent souvent leurs études. En sciences et techniques de la communication par exemple, la plupart des licenciés en journalisme font du bénévolat dans l'unique chaîne de télévision congolaise et à la radio. Les quelques rares têtes qui se retrouvent dans les journaux privés n'ont pas de salaire. Pour éviter le chômage, d'autres préfèrent enseigner dans des écoles privées.

Des examens à problème

Depuis la reprise des cours après la guerre, une rumeur a gagné le milieu estudiantin. Elle fait état de la non-validité des examens universitaires, session de juin 96-97, ramenée en début 98 pour cause de guerre, et de la non-reconnaissance par l'Unesco de l'année académique 97-98. Ce qui a fait réagir François Lumwamu, ministre de l'enseignement supérieur, dans une interview à l'hebdomadaire catholique "La Semaine Africaine" de Brazzaville: "La validité des examens, dépend de la souveraineté des Etats. Et chaque Etat a un système organisé d'éducation et peut également créer des diplômes en fonction des besoins de la communauté nationale. L'Unesco est un instrument, si vous voulez, qui cautionne les systèmes éducatifs dans le monde. Mais elle ne peut se substituer à la souveraineté des Etats. Il y a des critères pour valider une année universitaire. Ce sont le critère de durée de l'année universitaire, généralement de 25 à 27 semaines, et les critères de qualification des enseignements et des programmes. A ma connaissance, l'Unesco ne peut pas invalider ou refuser de reconnaître une année qui s'organise normalement. Les examens à l'université Marien Ngouabi ont eu lieu. Et bientôt les cours vont commencer. Nous allons respecter les normes internationales en matière de déroulement de l'année universitaire, en matière d'organisation des examens et de validation des diplômes".

La bourse, centre névralgique

Le gouvernement déchu a accumulé 44 mois de bourse impayée. Les boursiers des facultés perçoivent 30.000 fcfa et ceux des instituts 35. 000, et ces montants étaient versés au compte-gouttes. La bourse ne permet pas aux étudiants de bien mener des recherches comme il se doit. Marvel Obaka, étudiant en maîtrise de droit public confie: "Ma bourse est dérisoire pour couvrir les dépenses d'une recherche. Le vieillissement des ouvrages, leur mauvaise conservation, le vol, leur destruction partielle ou totale ne m'avantagent guère".

Après les affres de la guerre, le gouvernement a payé trois mois de bourse, baptisée "bourse d'équipement". Geste surprenant qui ne laisse pas indifférent Yvon Bonda, un des dirigeants des syndicats des étudiants: "Maintenant nous sommes, peut-être, devant des autorités qui nous comprennent".

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