ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 356 - 15/11/1998

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Ghana

Des pauvres parmi les riches


by Mawutodzi K. Abissath, Ghana, septembre 1998

THEME = VIE SOCIALE

INTRODUCTION

Les compagnies minières étrangères
en conflit avec les habitants locaux

Le Ghana est le pays de l'or! Quand les premiers Européens posèrent le pied au Ghana, ils furent tout étonnés de voir que les gens ordinaires portaient des ornements en or sur différentes parties de leur corps: cou, oreilles, taille, genoux, chevilles, poignets, doigts, orteils... Cela explique pourquoi les premiers Européens à s'établir dans cette partie de l'Afrique, l'appelèrent "Côte-de-l'or". Quand le pays devint enfin indépendant de la Grande-Bretagne, il fut renommé "Ghana" par son premier président, Kwame Nkrumah.

Bien que le Ghana soit encore aujourd'hui un important producteur d'or (après l'Afrique du Sud), on ne voit plus les gens ordinaires s'orner d'or. C'est du passé. Maintenant, bien que dotés de ressources minérales précieuses, les gens doivent se battre avec des exploiteurs étrangers pour gagner leur vie. Il y a plusieurs villes et villages miniers au Ghana, mais j'ai choisi un endroit pour caractériser une situation qui prévaut non seulement au Ghana, mais aussi dans d'autres pays africains.

L'histoire de Tarkwa

Tarkwa est une petite ville minière avec des collines aurifères, à environ 165 km à l'ouest d'Accra, la capitale du Ghana. L'or a été extrait à Tarkwa depuis des temps immémoriaux. Aujourd'hui on compte huit compagnies minières étrangères à Tarkwa qui utilisent des techniques sophistiquées d'extraction; mais il y a aussi un nombre de petites exploitations minières traditionnelles, que les gens appellent "Galamsey", ce qui signifie en pidgin- english: "trouve-le et vend-le", en d'autres mots: trouver de l'or et le vendre immédiatement.

Normalement, les citoyens d'une telle ville, avec cette abondance de ressources minérales naturelles, devraient être fabuleusement riches. Mais ce n'est pas le cas. Les gens de Tarkwa ont réalisé, peut-être un peu tard, que plus les exploiteurs étrangers deviennent riches, plus les locaux deviennent pauvres.

Le gâchis de l'environnement

En juin 1998, les chefs traditionnels de Tarkwa et des régions environnantes organisèrent une manifestation pacifique dans les rues principales de la ville. Ils voulaient protester symboliquement contre la gestion des compagnies minières dans la région. Les gens du pays sont très inquiets du gâchis de l'environnement causé par ces compagnies minières. Selon les responsables de communautés, toutes les rivières et ruisseaux seraient pollués par ces extractions. Ils en appelaient poliment aux autorités responsables de la protection de l'environnement, pour qu'elles expriment immédiatement leur préoccupation, sinon ils le feraient eux-mêmes.

Les chefs locaux entrent en action

Quatre mois plus tard, le 26 septembre 1998, l'hebdomadaire "Weekly spectator" publiait un article de fond, avec en-tête: "Communautés en guerre avec les compagnies minières". Selon le rapport, Adu- Amankwas, un chef important, (donnons-lui son titre local complet: Omanhene Nana Kwandon Brempong II, de la région traditionnelle de Wassa Fiase), organisa un forum publique, non seulement pour les gens de Tarkwa, mais aussi pour les autres communautés de sa juridiction. Le but était de leur donner l'opportunité d'exprimer ce qu'ils pensaient et, si nécessaire, de faire connaître leur dégoût pour ces activités dévastatrices des compagnies minières. Le chef lui- même se plaignit amèrement que, depuis de longues années, les compagnies minières se soient accaparées de leurs terres. Ce coin, produisant jadis une quantité importante de nourriture pour toute la région, ne parvient même plus à nourrir ses propres habitants. Le prix de la nourriture de base est devenu si exorbitant, qu'un citoyen moyen ne peut se permettre de l'acheter. Le chef Brempong ajouta: "Notre or les a rendus riches. Mais regardez-nous! Regardez notre ville, voyez le mauvais état de nos routes; voyez dans quel état misérable est notre hôpital et, pire que tout, allez sur la place du marché, voir combien coûte la nourriture. Ces compagnies minières étrangères ont fait de nous des pauvres sur notre propre terre. Pourquoi?"

D'autres participants à ce forum public dirent aussi ce qu'ils en pensaient. L'un après l'autre, les orateurs dressèrent un sombre tableau des misérables conditions dans lesquelles les pauvres de ce riche pays sont forcés de vivre.

Les témoins de ces épreuves

Paa Kwesi, un quadragénaire de Akontasi, une des communautés affectées, raconta la triste histoire d'une femme enceinte qui perdit la vie (et celle de son enfant), parce qu'elle ne pouvait faire à pied les 15 km qui séparent son village natal de la ville, pour y accoucher à l'hôpital. La compagnie minière avait coupé la route, sous prétexte que cette partie de la terre était une concession de la compagnie: aucun véhicule n'avait la permission de l'emprunter.

Un autre villageois de Budu Wangana parla durement de la situation économique insupportable dans laquelle les compagnies minières les avaient plongés: "Nous payons 10.000 cédis (environ 5 dollars US) pour aller à Tarkwa y acheter juste 4 litres d'essence, parce que les mines d'or de Tarkwa ont détourné la route. Nous n'avons ni école ni cimetière, et le pire, ils nous ont même enlevé notre terre. Nous ne pouvons plus travailler la terre. Et pas une seule personne de notre village n'a trouvé du travail dans les mines".

Les mines se défendent

Deux semaines plus tard, la Chambre ghanéenne des mines, une organisation responsable de la coordination des compagnies minières du Ghana, organisa à son tour un forum pour réagir contre les accusations de la population de Tarkwa. Ce forum fut parrainé par des fonctionnaires haut placés du gouvernement, les mêmes qui, bien qu'ayant été invités, ne s'étaient pas montrés au "forum du peuple".

Les compagnies minières étrangères réfutèrent le gros des accusations, disant qu'elles étaient "injustifiées et sans fondements". M. Glyn Lewis, le directeur général des mines d'or du Ghana, a affirmé qu'ils avaient satisfait à toutes les exigences des lois du pays et qu'ils n'avaient fait rien de mal contre la population: "Nous avons dépensé plus de 2 millions de dollars US pour dédommager et reloger les gens, et, en plus de cela, 12 millions de dollars pour un nouveau site d'habitations à Atoaho pour y loger les personnes déplacées à cause des mines".

Réactions

Les résidents dans les communautés minières, nullement impressionnés par ces chiffres, répondirent que la façon de déterminer les dédommagements était tout à fait injuste et ils se plaignirent que le relogement dans une nouvelle région avait désorganisé leur vie culturelle et sociale. Mme Akosus, par exemple, une femme de 47 ans, souligna que, d'après le plan de dédommagement, ceux qui avaient opté pour un relogement, reçurent de l'argent pour quitter leur communauté; et ceux qui avaient opté pour aller vivre ailleurs, reçurent une habitation dans d'autres communautés: "Après avoir reçu leur argent, les jeunes ont quitté la région pour ne plus revenir. Seuls les malades et les vieillards sont restés au village, et ils n'ont plus personne pour les soigner", ajouta-t-elle.

C'est un fait, la politique de leurs dirigeants a condamné les Africains ordinaires à vivre comme des indigents au milieu d'une abondance de ressources minérales et autres. Quand donc leurs vrais droits leur seront-ils restitués?

END

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