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by Jean-Marie Vianney Assani, Paris, octobre 1998
THEME = POLITIQUE
Les clivages politiques sénégalais s'étalent sur les bords de la Seine
La démocratie sénégalaise s'est exportée durant quelques jours sur les rives de la Seine. Le 21 octobre, Abdou Diouf, président de la République du Sénégal, est accueilli sous les lambris dorés du Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale française. C'est la première fois qu'un chef d'Etat d'Afrique noire reçoit cet honneur.
Mais le président sénégalais et ses collaborateurs ne sont pas les seuls hommes politiques du pays de Senghor a avoir fait le voyage automnal sur Paris. Les leaders de l'opposition ont aussi pris l'avion pour gagner Paris, avec parfois un trajet de 24 heures.
Parmi les plus connus, il y a Abdoulaye Wade, secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (PDS), Amath Dansokho, secrétaire général du Parti de l'indépendance et du travail (PIT), Abdoulaye Bathily, secrétaire général de la Ligue démocratique-Mouvement pour le parti du travail (LD/MPT), et Landing Savané, président de And Jof (Agir ensemble, en wolof)/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS). Présent aussi, un opposant de la dernière heure: Djibo Ka, ancien dignitaire du parti socialiste et dauphin raté du président Abdou Diouf, qui lui a préféré Ousmane Tanor Dieng, premier secrétaire actuel du parti socialiste.
A l'intérieur du Palais Bourbon, face aux dignitaires de la République française, le président sénégalais rend hommage aux députés de son pays: Blaise Diagne, Galandou Diouf, Lamine Guèye, Léopold Sédar Senghor, Abbas Guèye et Mamadou Dia, qui ont siégé au sein de l'honorable institution de 1914 à 1959. Ils ont "représenté dignement et intelligemment le Sénégal, l'Afrique et la France". L'homme d'Etat célèbre aussi l'amitié entre la France et le Sénégal, la francophonie, puis vante les valeurs de démocratie, de respect des droits de l'homme, la stabilité politique, la prévention des conflits et le maintien de la paix, avant d'ajouter que "le Sénégal construit sans relâche l'Etat de droit à l'intérieur de ses frontières..."
C'est loin d'être l'avis de l'autre frange de la classe politique. Car, au même moment, derrière le Palais une manifestation se déroule.
Cernés par des hommes de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), vingt-sept parlementaires de l'opposition sénégalaise et environ deux cents militants et sympathisants dénoncent une manipulation constitutionnelle et une confiscation du pouvoir par Abdou Diouf, président depuis dix-huit ans, candidat plus que probable à l'élection présidentielle de février 2000, et candidat virtuel à celle de 2007. C'est justement la goutte d'eau qui a fait déborder la calebasse...
L'opposition lui reproche d'avoir fait voter par sa majorité une réforme constitutionnelle qui abroge la limitation des mandats présidentiels à deux septennats, et supprime la disposition selon laquelle, lors de l'élection présidentielle, un second tour est organisé si au premier le candidat arrivé en tête obtient moins de 25% des suffrages.
A la conférence de presse qui suit son allocution devant les députés français, Abdou Diouf affirme que, même s'il n'y avait pas eu cette modification de la Constitution, il aurait le droit de se présenter à l'élection présidentielle de l'an 2000.
L'opposition lui reconnaît volontiers cette faculté. Puisqu'en 1992 la classe politique était parvenue à un consensus sur la question du mandat présidentiel afin de garantir l'alternance: "un mandat de sept ans renouvelable une seule fois". La Constitution avait été amendée dans ce sens. Précédemment, le mandat présidentiel était de cinq ans renouvelable. Un premier projet de réforme initié par le parti socialiste avait préconisé le septennat renouvelable. C'est pourquoi il a fallu trouver un consensus.
Pourquoi alors cette réforme, quand l'élection de 2000 n'est pas arrivée et que le président Diouf a le droit de s'y présenter? De sources concordantes, l'intérêt immédiat du nouveau changement provoqué par Abdou Diouf, serait lié à un règlement de comptes interne à son parti. Le chef de l'Etat a voulu exercer une forte pression et mettre au pas certains membres de sa famille politique et autres émules de Djibo Ka qui voudraient le pousser d'ores et déjà vers la sortie, ou le lâcher politiquement, en se convaincant que sa carrière présidentielle était en sursis, sinon dès maintenant, du moins dans quinze mois, au terme de la prochaine élection présidentielle.
Selon la plupart des opposants, il est allé couronner ce "signal fort" en cherchant à se payer une honorabilité démocratique en France et lancer par anticipation sa campagne électorale depuis Paris. Ils n'ont pas voulu lui laisser le terrain libre. "Même s'il va au pôle Nord, nous le suivrons jusque là-bas", a affirmé Me Abdoulaye Wade. Pendant plusieurs jours les députés de l'opposition ont multiplié les "contre- offensives" en rencontrant les différents groupes parlementaires de l'Assemblée nationale française, y compris le groupe socialiste majoritaire, ainsi que le président du groupe d'"Amitié France- Sénégal". Des meetings ont été organisés avec la communauté sénégalaise à Paris et en banlieue.
L'actualité politique a été aussi exploitée. Les ténors de l'opposition sénégalaise ont coudoyé, fin octobre à Paris, leurs homologues de Guinée-Bissau. A la demande de ces derniers, les opposants sénégalais se sont déclarés prêts à effectuer une médiation en Guinée-Bissau. Il leur a été également suggéré "de faire pression sur le président Diouf pour le retrait des troupes sénégalaises de Guinée- Bissau".
En ce mois de novembre, le président Diouf comme ses opposants sont de retour à Dakar. Le combat continue sur place. En attendant la prochaine destination, ou la prochaine échéance, et les nombreux tours que chacun des protagonistes a dans son sac.
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