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by Mawutodzi K. Abissath, Ghana, octobre 1998
THEME = VIE SOCIALE
Le 16 septembre, un jeune journaliste ghanéen, Mr. Vincent
Azumah,
était un des 24 journalistes lauréats qui reçurent un prix international
au Congrès mondial de l'Union internationale de la presse catholique (UCIP),
tenu à Paris au siège de l'UNESCO, du 11 au 20 septembre 1998.
Mr. Azumah reçut le prix pour son article "Les filles esclaves au Ghana". Il s'agit en fait d'une pratique coutumière, dont sont victimes certaines jeunes filles que Mr. Azumah appelle des "esclaves". En ewe, une des langues locales, on parle de "trokosi" (littéralement: servante d'un dieu ou d'une déité). Comme en anglais il n'y avait pas d'équivalent pour ce mot, les premiers missionnaires chrétiens au Ghana le traduisirent par "esclave".
Trokosi est une ancienne pratique coutumière ancestrale des Ewéens, qui existe encore de nos jours. Son origine se perd dans la nuit des temps. Selon le Dr Dartey Kumordzi, un expert renommé de la culture ghanéenne et professeur émérite de la religion traditionnelle à l'Institut d'études africaines de l'université du Ghana, initialement le trokosi ne voulait pas asservir les filles.
Le Dr Kumordzi explique que le trokosi fut institué par nos ancêtres africains pour combattre des activités criminelles, telles que le vol. Dans le passé, quand quelqu'un avait été victime d'un vol et que le voleur ne voulait pas s'accuser ni subir une punition appropriée, alors les dieux du haut lieu de Trokosi déchargeaient leur colère sur toute la famille du criminel. Les membres de la famille mouraient l'un après l'autre, jusqu'à ce que le coupable fut trouvé. Sinon les décès continuaient, à moins qu'une jeune fille vierge soit offerte au devin du temple de Trokosi, en rachat des péchés du criminel fugitif.
Le système trokosi servait aussi, dans les temps immémoriaux, à éduquer les vierges à une vie morale, spirituelle et noble, afin qu'elles puissent sauvegarder leur virginité jusqu'au mariage. En d'autres mots, le but originel et ancestral de l'institution du trokosi était de régler la vie morale des jeunes filles et d'assurer le bien-être de la société en général.
Mais, au cours des années, les véritables intentions du système trokosi furent viciées par certains devins trokosi avides et égoïstes, qui abusèrent de ces vierges innocentes pour assouvir leurs instincts lascifs.
Nos esprits modernes, perplexes, se demandent pourquoi une personne innocente, et surtout une jeune fille, pourrait être forcée de sacrifier sa vie à cause d'un ancêtre criminel inconnu? Pourquoi, après le crime d'un adulte sans scrupules, une jeune vierge doit-elle être envoyée dans un temple pour racheter les péchés de ce mécréant? Pourquoi les dieux de nos ancêtres ne recherchaient-ils pas eux-mêmes le coupable pour en finir avec lui, au lieu de se venger sur des parents innocents? Les dieux ont-ils peur des voleurs? Et pourquoi sont-ce des jeunes filles qui doivent payer, et non pas des hommes? Aujourd'hui, dans un Ghana moderne, on remet en question tout le système trokosi
En juin de cette année, les 200 membres du Parlement ghanéen ont voté une loi modifiant le code pénal. Il y eut un tollé général non seulement contre le système trokosi, mais aussi contre d'autres croyances superstitieuses qui, dans certaines parties du pays, font enfermer des femmes âgées, accusées d'être des sorcières. Cela arrive surtout dans les régions du nord, où la pratique de l'excision des femmes est également généralisée. En vue de mettre fin à ces pratiques coutumières, qui ternissent l'image internationale de notre pays, une loi fut votée pour "criminaliser" le trokosi et d'autres pratiques similaires. En d'autres mots, s'adonner à de telles activités est devenu un crime, contraire à la loi.
Conformément à la loi révisée, tout rituel ou activité qui assujettit une personne à n'importe quelle forme de servitude ancestrale de travail forcé, est défendu.
De plus, il est stipulé que quiconque accepte, par écrit ou oralement, de faire subir ce rituel ancestral à d'autres personnes, est lui aussi susceptible d'être poursuivi devant les tribunaux.
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