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by Pascal Dotchevi, Togo, octobre 1998
THEME = POLITIQUE
Depuis la victoire du président Eyadema aux présidentielles du
21 juin 1998,
contestée par l'opposition, et sa prestation de serment le 24 juillet,
la situation politique togolaise connaît beaucoup de remous.
L'opposition est décidée à ne pas se résigner devant le coup de force d'Eyadema. Gilchrist Olympio avait menacé ce dernier de lancer une "guérilla politique", s'il ne quittait pas le pouvoir le 25 août 1998, date qui marquait la fin de son premier mandat. Tout le monde prit la menace au sérieux: à l'approche de cette date certains ont déserté la capitale craignant une guerre civile, d'autres ont simplement augmenté leurs stocks de provisions; et le jour même, la police a renforcé sa présence dans les artères de la capitale. Mais le 25 août, il ne se passa rien.
D'après l'opposition cependant, c'était une réussite car, dit-elle, la guérilla politique ne se concentre pas en une seule journée; c'est plutôt une succession d'événements tels les journées "Togo mort" et des sit-in qui ont pour but de rendre le pays ingouvernable. En effet, pour obliger le général Eyadema à démissionner, les partis de l'opposition avaient appelé la population à observer une journée "ville morte" le 17 juillet 1998; celle-ci fut d'ailleurs bien suivie, malgré les menaces du gouvernement. Même appel pour le 24 juillet, le jour de l'investiture du président Eyadema; mais le ministre de l'Intérieur eut le réflexe politique d'en faire un jour chômé, prenant de court l'opposition. Ensuite il y a eu des sit-in des leaders de l'opposition devant leur siège. Et puis enfin deux journées "Togo mort", les 10 et 11 août, qui ont presque échoué, le gouvernement ayant brandi de sérieuses menaces de licenciement à l'endroit de ses agents qui ne seraient pas à leur poste. Certains qui ont fait fi de ces menaces, en subissent aujourd'hui les conséquences fâcheuses.
"Il faut que l'opposition change de stratégie, réagit un fonctionnaire de la Banque togolaise de développement. Ca suffit ces journées "ville morte". Les fonctionnaires ont encore des mauvais souvenirs de la grève générale illimitée de 1993. Les gens ont peur d'être licenciés en ces périodes difficiles où tous les moyens sont bons pour régler des comptes". Et un professeur de lycée renchérit: "Il vaut mieux garder son petit job, en attendant que l'opposition ait le pouvoir. Parce que, si l'on te licencie aujourd'hui, personne ne viendra à ton secours. J'en connais qui aujourd'hui triment pour une cause dont les tenants mangent sous le baobab (nom que l'opposition avait donné à Eyadema, dans les années 90, ndlr). Il faut que l'opposition soit réaliste, pour ne pas faire souffrir davantage la population. Elle a déjà accompli son devoir en votant massivement Gilchrist Olympio. Il lui reste à présent de faire en sorte que la justice soit rétablie".
Le 16 août, la population de Lomé a été réveillée par des tirs d'armes automatiques. Au départ, certains croyaient à une opération des forces de l'ordre contre des voleurs, comme on en a l'habitude depuis un certain temps. Mais, lorsque ces tirs se sont amplifiés, elle a commencé à s'inquiéter. Le communiqué radiodiffusé du ministre de l'Intérieur, demandant à la population de rester chez elle à cause d'une attaque d'un poste de police à la frontière avec le Ghana, n'a fait qu'augmenter leur angoisse. Les tirs n'ont cessé que dans l'après- midi. Contrairement à ses habitudes, le gouvernement n'a pas brandi à la télé les agresseurs arrêtés, mais il s'est contenté d'annoncer que six des assaillants avaient été appréhendés et que les enquêtes se poursuivaient. Ce qui a suffi pour que les populations émettent des réserves sur "cette agression venue du Ghana".
Même si le gouvernement garde le silence sur le nombre des victimes, certains à Lomé pensent qu'il y a eu d'autres morts que ce vendeur ambulant découvert après le passage des forces armées togolaises (FAT). On sait qu'il y a eu des dégâts matériels importants. Des maisons des opposants ont été détruites par des obus et des chars des FAT, selon les victimes, ce que nie le gouvernement.
L'ex-ministre des Affaires étrangères, Koffi Panou, a accusé nommément Gilchrist Olympio d'être le commanditaire de cette agression. Ce dernier a fait savoir qu'il n'était pas mêlé à cette mascarade, ni de près ni de loin.
Quelques jours après cette attaque non éclaircie jusqu'aujourd'hui, le président Eyadema, dans un discours télévisé, tendait une "main franche et sincère" à l'opposition pour constituer un gouvernement de large union. L'opposition dans son ensemble a rejeté cette offre qu'elle juge "non sincère et piégée". Le Premier ministre, qui a présenté la démission de son gouvernement au lendemain de ce discours, sera reconduit avec pour mission de persuader les opposants à rentrer au "bercail".
En vain. L'opposition estime que les conditions ne sont pas encore réunies pour qu'elle participe à un gouvernement d'union, beaucoup de problèmes restant en suspens. Le président Eyadema avait personnellement entrepris de rencontrer les leaders de l'opposition. Cette démarche n'est pas allée loin, compte tenu de l'intransigeance des uns et des autres. Du coup, le Premier ministre a dû former un gouvernement, dans lequel on retrouve les mêmes personnes et quelques transfuges de l'opposition avides de sous.
Depuis lors, les choses se sont empirées. La crise économique et sociale s'est accentuée; et, sur le plan politique, c'est toujours le statu quo.
L'Union européenne qui a financé ces élections présidentielles menace de ne pas reprendre sa coopération, suspendue depuis 1993. Des discussions sont d'ailleurs engagées entre les deux parties togolaises sous l'égide de l'UE. Mais, le mal du Togo, c'est Eyadema et Gilchrist: si les deux acceptaient de se retirer de la vie politique togolaise, tout irait pour le mieux. Qui sait?
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