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by Joe M'Bandakhai, Kenya, novembre 1998
THEME = ISLAM
Le décret gouvernemental du 11 septembre
interdisant sept ONG musulmanes, et déclarant
la plupart de leurs directeurs, trois Saoudiens et un Soudanais,
s'est chaque jour plus politisé jusqu'à devenir
une menace pour l'ordre public
Une semaine après le décret, les musulmans ont obtenu un délai au tribunal de grande instance dans l'attente d'une audition plénière des témoins. Malgré cela, le conseil des imams et des prédicateurs, réuni dans la ville côtière de Mombasa, a demandé à tous les membres musulmans du Parlement de quitter en masse le KANU , le parti au pouvoir, et de préparer leur élection sur une liste d'opposition.
Après l'attaque de l'ambassade américaine qui a fait plus de 250 morts et des milliers de blessés graves, le président Moi déclara qu'il n'hésiterait pas à prendre des mesures draconiennes contre les présumés collaborateurs des terroristes dans le pays. L'interdiction de plusieurs organisations musulmanes, considérées comme une façade pour propager un islam radical, en fut l'issue prévisible.
Parmi les organisations qui ont reçu l'ordre de fermer leurs portes, on compte: Help Africa People, la Al Haramain Foundation, la International Islamic Relief Organisation, la Ibrahm bin Abdul Aziz al Ibrahim Foundation et la Mercy Relief Foundation. Cette dernière a été fouillée de fond en comble par une équipe du FBI et d'inspecteurs de la police kényane, peu après l'attentat à la bombe. Le directeur soudanais de cette organisation aurait quitté le pays juste avant le raid à la bombe, soi-disant pour son congé annuel.
Normalement, c'est un ministre du cabinet qui aurait dû annoncer l'ordre d'expulsion, mais l'affaire étant si "sensible", la décision fut annoncée par le coordinateur gouvernemental des ONG , M. John Etemesi, qui déclara: "Ces organisations sont supposées travailler pour le bien-être des Kényans, mais elles ont mis la vie des Kényans en danger..."
Quelques jours avant l'interdiction, le journal Standard écrivait que la bombe avait été importée dans le pays "sous le couvert d'aide alimentaire". Mais le gouvernement aura du mal à étayer ses preuves.
Certains ont prédit que cette affaire pourrait gâter sérieusement les relations islamo-chrétiennes au Kenya. Depuis l'explosion de la bombe, les musulmans sont sur la défensive, disant que "la communauté musulmane a été attaquée de plein front". Peu après l'attentat, l'imam Sheikh Ali Shee critiqua le lapsus apparent de M. Moi, qui avait dit: "les plastiqueurs n'auraient pas fait une chose pareille, s'ils avaient été chrétiens".
En plus de l'aide sanitaire et alimentaire, à prix réduits ou même entièrement subsidiée, qu'elles donnent surtout, mais pas exclusivement, aux musulmans pauvres ou réfugiés, à Nairobi, Mombasa et la province du nord-est, ces organisations payent aussi les salaires des enseignants de la religion islamique, les madarassa, et elles aident à la promotion des activités de la jeunesse musulmane.
Ces organisations ont montré leur valeur lors de l'épidémie de la fièvre hémorragique très répandue dans la vallée du Rift; celle-ci fut accompagnée d'une famine dans la province du nord-est, qui causa officiellement la mort de 400 nomades, lors des pluies torrentielles et des inondations attribuées à El Niño, vers la fin de l'année dernière. Des observateurs disent que des milliers moururent à cause de cette maladie mystérieuse combinée de malaria, et que les services gouvernementaux n'ont pu y faire face.
L'interdiction de ces organisations musulmanes entraîna immédiatement des réactions venimeuses de la part de la communauté musulmane. Le chef du conseil suprême des musulmans kényans, le professeur Abdulghafur El Busaidy, déclara que l'action était "provocante, discriminatoire, vindicative et anti-islamique", et qu'elle fait partie d'une "persécution des musulmans".
A la BBC, même un ministre du cabinet Moi, Maalim Mohamed, qui appartient à l'ethnie somali du Kenya, qualifia l'action de "ridicule. Le gouvernement doit s'occuper de ses citoyens et non pas de la sécurité américaine". Il affirma que 200 enfants, dans un orphelinat dirigé par ces organisations, sont exposés maintenant à la famine.
Moi est pris dans un dilemme. Il y a déjà des signes d'une activité musulmane radicale dans cette partie de l'Afrique orientale, notamment en Uganda et en Tanzanie. Le 7 août, le jour même de l'explosion de la bombe à l'ambassade américaine, trois églises étaient incendiées par des jeunes musulmans en colère à Wajir, une ville du nord-est, à environ 600 km de la capitale. Des journaux locaux relatèrent que les jeunes bagarreurs avaient ensuite attaqué une religieuse catholique. Selon la presse locale, ces jeunes s'étaient mis en colère parce qu'un évangéliste américain aurait proféré des déclarations blasphématoires, en juillet dernier, à Nakuru. Des centaines de musulmans étaient descendus dans les rues de Nairobi, exigeant que le gouvernement prenne des mesures contre ce prédicateur. Il fut expulsé du Kenya au cours du même mois.
Plus tard, des imams déclarèrent à l'archevêque catholique de Nairobi, Ndingi Mwana
a Nzeki, que l'attaque de la soeur avait été le fait d'un mauvais plaisant, qui avait
déformé l'histoire de l'explosion à l'ambassade américaine. Il avait lancé un message
radio à Wajir disant: "Des chrétiens ont bombardé la mosquée principale de la
Jamia, dans le centre de Nairobi". Les
Mais Moi est déjà sous forte pression, à cause des pauvres résultats actuels de l'économie. Il y a régulièrement des grèves ou des menaces de grève à travers le pays. Naturellement il doit craindre que l'opposition ne tire des avantages de cette colère des musulmans contre le gouvernement. Le leader de l'opposition, Mwai Kibaki, du Parti démocratique, a déjà demandé que le gouvernement dénonce publiquement les péchés que les organisations musulmanes auraient commis.
D'autres mouvements d'action civique tendent aussi à soutenir les musulmans. Ils craignent qu'avant longtemps le bras fort du gouvernement ne s'en prenne à d'autres groupes critiques. Ils pensent que l'interdiction des sept organisations musulmanes n'est que le commencement d'un harcèlement général de tous les groupes qui ne se mettent pas au pas.
Après que le tribunal ait décidé d'accorder un délai pour l'exécution de la sentence, le Conseil suprême des musulmans du Kenya a demandé aux musulmans de rester calmes et vigilants. Il avait auparavant demandé des protestations anti-gouvernementales à travers tout le pays.
Les tribunaux du Kenya se déclarent indépendants du gouvernement, mais les observateurs pensent que le gouvernement va essayer de sauver la face en évitant une confrontation avec les musulmans en justice. On serait très surpris si les tribunaux décidaient en faveur de l'interdiction. Il est plus vraisemblable qu'un sursis sera accordé à quelques organisations.
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