ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 358 - 15/12/1998

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Sénégal

Transition démographique au Sénégal


by Alain Agboton, Sénégal, octobre 1998

THEME = DEMOGRAPHIE

INTRODUCTION

Une révolution démographique est en marche.
Mais elle devra répondre aux impératifs d'un développement harmonieux.

Sans bruit, une révolution tranquille est en marche. Le Sénégal est en train d'amorcer sa transition démographique, même si, à l'instar de toute l'Afrique subsaharienne, il a du mal à engager cette mutation. Mais cette transition s'opère tout de même, une étape qu'il faut mettre en cohérence, en adéquation avec les impératifs de développement.

Les derniers résultats de l'enquête démographique (réalisée en 1997 et publiée récemment) font apparaître une baisse du nombre moyen d'enfants par femme (l'indice synthétique de fécondité) et une augmentation de la prévalence contraceptive en milieu urbain. En outre, les éléments relatifs à l'âge plus tardif au premier mariage, à l'allaitement intensif et de longue durée, à la survie plus importante des enfants au delà du cinquième anniversaire, s'avèrent de nature à créer un environnement favorable à la maîtrise de la fécondité.

Autant de fondements constitutifs de la transition démographique, et de termes propres, pour le gouvernement, à accompagner la croissance économique. Tout un contexte lié aux ressources, aux potentialités, aux capacités humaines et à la gestion et la répartition des richesses.

La corrélation entre la population et la planification du développement est évidente. Au Sénégal, le retour de la croissance économique (5,2% en 1996 et 5,7% en 1997) devrait aujourd'hui permettre une meilleure prise en charge des questions de population et des problèmes de santé, ainsi que celles concernant la pauvreté. Le Sénégal compte 8,5 millions d'habitants pour 297.000 kmý. La croissance démographique était de 2,7%, le PIB par habitant de 475 dollars et l'inflation de 2,5% en 1997.

Les composantes de la transition

En 1978, l'indice synthétique de fécondité était de 7,2 enfants; en 1986 il était de 6,6 et, en 1997, de 5,7 enfants. Cette baisse ne concerne cependant que très peu le milieu rural où on constate une certaine "timidité des changements de comportement".

Notons en général que l'âge moyen au premier mariage (l'âge légal est de 16 ans) a reculé; le niveau des remariages de femmes divorcées et des veuves pendant leur période de procréation s'est accru; tandis que restait faible le taux de prévalence contraceptive moderne.

En milieu rural, le taux d'utilisation des méthodes modernes de contraception était de 2,1% en 1997 contre 1,4% en 1992-93; mais l'allaitement s'est confirmé comme un régulateur de la fécondité. Les zones urbaines par contre sont le lieu d'une véritable évolution de la fécondité. Entre la fin des années 70 et le milieu des années 90, le nombre moyen des enfants y est passé de 6,52 à 4,3. Un recul de l'âge au premier mariage, cause principale de la baisse de la fécondité, était perceptible surtout au niveau des filles ayant fréquenté l'école moderne. L'âge au mariage des femmes du niveau supérieur est de 22 ans, soit six ans de plus que chez les femmes qui n'ont jamais fréquenté l'école. Tout se passe comme si l'éducation des femmes était le contraceptif le plus efficace!

La crise économique, pour partie imputable à la dévaluation du franc cfa, n'est pas étrangère non plus à la baisse de la fécondité. Par ailleurs, si les conditions économiques s'améliorent, estime-t-on, il n'est pas exclu que la fécondité remonte.

En 1986 et en 1992-93 le taux national moyen de prévalence contraceptive était respectivement de 2,4 et 4,8%. Le programme de planification familiale, dans le cadre général de la mise en oeuvre de la politique adoptée en 1988, s'était fixé comme objectif d'atteindre une prévalence d'environ 15% en 1996.

A Dakar, 71% des filles âgées de 15 à 24 ans ne sont pas encore mariées. On y a constaté une augmentation significative de la pratique contraceptive moderne. Le taux de prévalence des méthodes modernes est passé de 11,8% en 92/93 à 19,3% en 1997. Pour les filles au niveau d'éducation secondaire, il est de 35%. Si l'on prend en compte l'utilisation des méthodes traditionnelles qui représentent 4%, on parvient à un taux de prévalence contraceptive de l'ordre de 23,8% pour ces femmes urbaines.

Le recul de l'âge au premier mariage a comme conséquence l'augmentation du nombre de célibataires et est à l'origine d'autres problèmes tels que l'exposition plus longue des jeunes filles au risque de grossesses hors mariage ou non désirées et aux maladies sexuellement transmissibles, et les mutations dans les cellules familiales, obligées de garder les filles plus longtemps. D'où des difficultés de développer des "stratégies d'autonomie" pour 60% des filles qui ont entre 20 et 22 ans, qui ont interrompu leurs études, chôment, ont des problèmes de santé (dont des grossesses indésirées, etc.) et des problèmes relationnels, sentimentaux, sociaux et financiers.

Elément peu favorable apparu dans cette transition démographique, la stagnation de la mortalité infantile. Celle-ci n'a pas enregistré de baisse significative. Elle reste de 139 pour 1000 avant le cinquième anniversaire. En 1986 et 1993, elle était respectivement de 190 et 157 pour mille.

Que faire?

De l'avis des experts, des réformes s'imposent dans le dispositif législatif et réglementaire des programmes de santé et de la planification familiale, afin de prendre en charge les besoins nouveaux, notamment ceux des adolescents. Cette exigence relève simultanément de la responsabilité des familles, de l'Etat et de ses institutions, afin d'aider les gens à mieux gérer leur sexualité et leur fécondité. En tous cas, une attention particulière est accordée à ces réformes par le chef de l'Etat, M. Abdou Diouf, qui désire "consolider et amplifier les acquis en matière de population".

Parallèlement, il faut noter, au niveau des hommes, une nette amélioration en matière de connaissance et de pratique des méthodes contraceptives. Longtemps oubliés dans les programmes de planning, ils commencent à être des cibles privilégiées, jouant évidemment un rôle crucial dans le processus de procréation au sein du couple.

La prévalence contraceptive chez les hommes mariés est passée de 10,9% en 1992/93 à 15,7% en 1997, soit une augmentation de 44%. Pour les méthodes modernes, la prévalence a connu la même augmentation: 6,5% en 1992- 93 et 9,4% en 1997. Le condom est la méthode la plus utilisée. Mais la majorité des maris (77%) n'ont jamais parlé de la planification familiale avec leurs épouses.

Il faut ajouter que la polygamie reste très répandue, au Sénégal, puisqu'elle concerne 46% des femmes mariées. Elle l'est plus en milieu rural qu'en milieu urbain, 48% contre 42%, et plus dans le sud et le centre qu'à l'ouest et nord-est.

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