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by Justin Mendy, Sénégal, novembre 1998
THEME = GUERRE CIVILE
Les observateurs avertis avaient prévu que,
tôt au tard, une explosion allait se produire,
mais personne n'avait soupçonné la forme qu'elle prendrait
Les événements qui viennent de se dérouler en Guinée-Bissau sont la résultante d'une crise qui couvait depuis plusieurs années, et au sein de la population, et au sein du PAIGC (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et des îles du Cap Vert), le parti au pouvoir.
Cette formation politique a connu plusieurs fractures dont la première a abouti, en janvier 1973 à Conakry, à l'assassinat de son fondateur Amilcar Cabral. Cet assassinat a été suivi d'une série de confrontations, de liquidations et de disparitions physiques au sein même du parti, parmi lesquelles le prétendu accident mortel du premier Premier ministre Francisco Mendès, dit "Chico Té", à la fin des années 70.
La seconde fracture - ouverte celle-là - a été le coup d'Etat qui renversa, le 14 novembre 1980, le président Luiz Cabral (frère d'Amilcar) et qui porta à la magistrature suprême João Bernardo Vieira, dit "Niño", l'actuel président de la République.
Il y eut d'abord une période d'accalmie et même un certain enthousiasme. Puis ce fut une série de soubresauts divers, dont des accusations (à tort ou à raison) de complots et de tentatives de coups d'Etat qui ont entraîné, entre autres, le limogeage de l'ancien Premier ministre Victor Saude Maria et l'exécution d'un ancien ministre très populaire, Paulo Corréa, malgré la demande de grâce de plusieurs personnalités mondiales dont le pape Jean-Paul II.
Exils forcés, expulsions et démissions du parti, revendications de plus de démocratie interne, ont constitué les autres formes de la panoplie d'un paysage politique violent, révélateur d'une fragilité rampante.
Tout ceci connut sa confirmation, à l'issue des élections présidentielles et législatives de 1994, dans le choix du Premier ministre. Il a fallu deux votes dans deux instances du parti au pouvoir, pour que le premier secrétaire national d'alors, Manuel Saturnino Da Costa, fût désigné, plus de trois mois après les élections.
Les rivalités au sein du gouvernement et du parti n'en ont pas moins continué. Elles étaient même particulièrement vivaces entre partisans du président Nino et ceux du Premier ministre Da Costa, tous membres du même parti. Elles aboutirent finalement au départ de Da Costa de son poste de Premier ministre en mars 1997 (et au retour de Carlos Correira) et à la suppression de son poste de secrétaire général du parti au congrès de mai 1998 (bien qu'il restât en seconde position sur la liste du bureau politique, derrière le président).
Dans le même temps, le gouvernement sénégalais exerça une forte pression sur celui de la Guinée- Bissau pour éradiquer l'approvisionnement en armes du mouvement sécessionniste MFDC (Mouvement des foces démocratiques de la Casamance) à sa frontière méridionale. Ceci créa des oppositions au sein de la classe dirigeante bissau-guinéenne, avec des accusations réciproques entre le chef de l'Etat et le chef d'état-major général de l'armée, le général Ansoumana Mané. C'est dans cet imbroglio, progressivement entretenu, que ce dernier fut finalement destitué le 6 juin dernier, plus de quatre mois après avoit été suspendu de ses fonctions. Le lendemain, le 7 juin, il entrait en mutinerie.
A la double crise politico-militaire vint s'ajouter une tension économico-sociale de plus en plus forte. Un chercheur de l'Institut national de recherche économique et de planification, M. Fafali Kondano, en fait la description suivante: "une situation intenable avec des salaires dérisoires, face à une cherté de vie, une paupérisation de plus en plus rapide de larges secteurs de la société, des efforts de développement économique voués à l'enlisement, dans des difficultés entretenues par un environnement financier malsain rendant illusoire toute confiance des investisseurs...".
Tous ces maux se sont développés dans un climat de répartition inégale scandaleuse de revenus, où la masse - tous corps confondus, y compris les anciens combattants de la guerre de libération et les militaires en activité - était contrainte d'avoir recours à toutes sortes de subterfuges pour pouvoir joindre les deux bouts. C'est ce qui explique le succès de la mutinerie auprès de ces deux corps, et la sympathie dont elle a joui auprès de la population civile, en dépit des bombardements et des opérations d'évacuation de la ville de Bissau. S'y ajoute le mutisme complice des formations politiques de l'opposition, toutes tendances confondues, qui y ont vu l'espoir d'une auto-destruction du PAIGC .
Ainsi, ce qui devait apparaître comme une simple opération de police de la part de l'armée sénégalaise, venue en aide au président Vieira, s'est transformé en une véritable guerre, qui n'a abouti à des négociations que grâce à l'intervention de la CEDEAO et de la Communauté des pays de langue portugaise, cinq mois après le déclenchement des opérations.
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