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by Louis Kalonji, Congo RDC, novembre 1998
THEME = SIDA
Depuis plus de dix ans, l'épidémie du
sida fait des ravages en RDC:
la maladie tue et décime la population. Et il n'y a
aucun médicament pour la guérison.
Comme l'infection initiale du sida se produit sans signes apparents ni symptômes, le virus se propage à grande échelle. Il est largement répandu dans la population et la situation actuelle dans le pays est très préoccupante. La terrible réalité, c'est que le sida est plus qu'une simple maladie ou un problème de santé. L'épidémie fait peser une menace grave sur la vie de la famille et de la population tout entière, ainsi que sur le développement social et économique du pays.
Selon le rapport du Bureau central de coordination (BCC/sida) du Comité national de lutte contre le sida, créé par le ministère de la Santé publique au 31 décembre 1996, le nombre des malades du sida déclarés en RDC en ce moment-là s'élevait à 38.000 cas, mais déjà on l'estimait à 120.000. Aujourd'hui, la situation doit être encore bien plus dramatique. D'après le même rapport, la maladie atteint surtout des personnes dont l'âge se situe entre 20 et 40 ans. Ce sont donc les personnes les plus utiles à la société, des pères et mères de familles, qui disparaissent et laissent de nombreux orphelins.
Le rapport précité indique qu'à Kinshasa il y a 3 fois plus de femmes atteintes que d'hommes dans la tranche de 20 à 29 ans, les jeunes filles étant particulièrement vulnérables. Par contre, il y a beaucoup plus d'hommes atteints que de femmes dans la tranche de 40 à 60 ans. Et après 60 ans, le sida devient une maladie presque exclusivement masculine.
Quoi qu'il en soit, on observe aujourd'hui une progression certaine, alors que les campagnes de sensibilisation à la radio et à la télévision ont été ralenties. Ainsi, pour la période de 1997 à 1999, le BCC/sida prévoyait entre 225.000 et 450.000 nouveaux cas d'infection. Ce même organisme annonce que, d'ici à l'an 2002, le Congo enregistrera plus de 3 millions de cas d'infection, si l'action de lutte n'est pas redynamisée et renforcée. On prévoit dans cette période entre 380.000 et 520.000 décès causés par le sida, et le nombre des orphelins se situerait entre 900.000 et 1.200.000 enfants.
En principe, la transmission du virus du sida ne peut se faire que par voie sexuelle ou par le sang. Ce qui fait progresser la maladie, c'est d'abord l'ignorance. Beaucoup de personnes sont inconscientes des dangers qu'elles courent. On entend même des gens dire: "Cette maladie est l'oeuvre des sorciers qui la donnent à des personnes envoutées; elle n'est donc pas pour moi".
Une autre cause de la progression rapide de la maladie est la misère qui sévit dans le pays. Il n'est pas rare d'entendre des prostituées dire, pour justifier le risque de leur métier, que le sida tue de la même manière que la faim, la malaria ou toute autre maladie.
Enfin, les deux guerres que nous avons vécues dans le pays ont contribué à la propagation de la maladie. Parmi leurs conséquences, nous pouvons relever les viols des femmes et les déplacements importants et incontrôlés des populations, qui amènent toutes sortes de maladies. La prostitution et la drogue figurent également parmi les facteurs qui favorisent la propagation de la pandémie.
Les moyens essentiels utilisés en RDC pour lutter contre le sida, et empêcher le virus de continuer à se propager, consistent dans des stratégies d'éducation. Il s'agit essentiellement de sensibiliser la population par des informations correctes et précises sur la nature de la maladie et son mode de transmission, en vue de changer les comportements. L'information et la prévention constituent en effet le principal moyen de lutte, même quand il y aura un médicament et un vaccin.
A ce propos, un responsable du BCC/sida que nous avons contacté affirme: "Face à la dissémination effrénée de ce nouveau virus, à l'extension de la maladie et aux graves dégâts qu'elle n'arrête de causer dans la population, nous n'avons jusqu'ici qu'une seule arme vraiment efficace, c'est la prévention. La sagesse c'est d'utiliser cette arme au mieux". La prévention passe avant tout par l'information et l'éducation. "Un homme averti, en vaut deux", dit un adage.
Dans ce cadre, on recommande au public l'abstinence sexuelle; on recommande l'emploi régulier et correct du seul préservatif existant qu'est le condom; on recommande d'éviter les transfusions sanguines qui ne sont pas indispensables; et on recommande le lien stable et fidèle.
Depuis plusieurs années, le gouvernement, par l'entremise des organismes créés pour lutter contre le sida, se préoccupe de mettre à la portée du public des informations saines et précises pour l'aider à modifier son comportement de façon à éviter l'infection. Des campagnes de sensibilisation sont réalisées dans les hôpitaux, les écoles, les églises et les associations. Tous les moyens de communication sociale sont utilisés à cet effet: radio, télévision, presse écrite, chansons etc. Le célèbre musicien congolais, Luambo Makadi, connu sous le sobriquet de "maître France", a interpellé et sensibilisé toute la société congolaise avec sa chanson "Attention na sida! retiens ton corps, moi je retiens le mien!"
D'autres supports médiatiques pour cette sensibilisation sont utilisés massivement dans le pays: bandes dessinées, brochures, revues, pièces de théâtre, diapositives, images pour l'animation dans les communautés de base, etc. La plus connue et la plus utilisée des boîtes à image a comme thème: "Le sida et la famille", réalisée à l'initiative du comité national de lutte contre le sida.
Un test prolongé réalisé dans différents milieux en plusieurs provinces du pays a permis la mise au point de ce matériel éducatif, comprenant 42 images attrayantes et parlantes. Son emploi judicieux donne des résultats magnifiques auprès de nombreux groupes.
Les autorités de la RDC ont pris une série de mesures destinées à ralentir la propagation de la maladie. Parmi elles, nous pouvons mentionner l'organisation de tests de dépistage chez les donneurs de sang. Ces tests sont aujourd'hui généralisés dans la plupart des hôpitaux.
Pour ce faire, les hôpitaux sont équipés de tests simples, résistants au climat et destinés à vérifier la séropositivité des donneurs de sang pour assurer un maximum de sécurité des transfusions sanguines. En outre, les autorités ont donné des instructions précises pour que seringues et aiguilles dans tous les dispensaires soient correctement stérilisées.
Une autre mesure est l'encouragement et le soutien de la recherche. Il convient de signaler que le gouvernement du Congo est, depuis 1984, le tout premier en Afrique à avoir mis sur pied un programme de recherche sur le virus du sida. Ces recherches sont confiées à l'Hôpital général de Kinshasa (ex-Mama Yemo), à la faculté de médecine de l'université de Kinshasa, à l'Institut national de recherche biomédicale et au BCC/sida. Grâce à la coopération avec d'autres pays, tels que les Etats-Unis, la France et la Belgique, un fonds important a été mis à leur disposition.
Toutefois, l'essentiel de la prévention ne dépend pas des autorités, mais des individus eux-mêmes; chacun doit adopter des pratiques sexuelles sûres et éviter un comportement susceptible d'entraîner la contamination.
Chacun est appelé à apprendre le maximum de choses sur la maladie et sur la façon dont elle se transmet, afin de transmettre ces connaissances à son entourage (famille, amis, voisins...)
C'est ici que les Eglises et les ONG apportent leur contribution à la lutte pour endiguer la propagation de la maladie. Hormis les sermons, prédications et conférences, les Eglises locales organisent des sessions de sensibilisation. Au sein de l'Eglise catholique, le service "Education à la vie", fondé par une religieuse belge il y a plus de 20 ans, s'attelle à l'éducation sexuelle et affective des jeunes et des couples.
Quant aux ONG et autres associations engagées dans la lutte contre le sida, elles se sont regroupées au sein d'une plate-forme commune dénommée "Forum-sida". Elles réalisent un travail fort apprécié par la sensibilisation de leurs groupes-cibles et par la prise en charge des malades. Mais les moyens dont elles disposent sont très modestes et la seule bonne volonté ne suffit pas.
On compte actuellement une vingtaine d'associations, mais les plus dynamiques sont la fondation "Femme Plus" et les ONG "Amo-Congo", "Alpi Plus" et "Piaho". Toutes ces associations travaillent pour apporter espérance et vie aux personnes malades du sida. La section catholique de la fondation Femme Plus, dirigée par une veuve, Mme Mariane Djamba, qui fait partie des services de la Caritas diocésaine, travaille avec efficacité dans l'encadrement des malades et de leurs familles.
La personne séropositive a un grand besoin de compréhension, de soutien et d'affection. Les contacts de la vie quotidienne constituent des occasions de lui manifester nos sentiments. Il n'y a aucune raison d'éprouver une angoisse quelconque à son contact ou de manifester la moindre discrimination à son égard. Il semble d'ailleurs que les sentiments et émotions positifs de joie, de paix et de patience favorisent la lutte contre les infections.
Souvent, les malades du sida sont abandonnés à leur triste sort. La plupart se débrouillent seuls avec l'aide de leur famille. Il en est de même pour les orphelins et les veuves. Toutefois, il existe quelques initiatives heureuses d'associations qui essaient de venir en aide aux personnes malades et aux orphelins du sida, bien qu'avec des moyens insuffisants.
En guise d'exemple, l'association M.A.I. (Malades abandonnés et indigents) créée par l'abbé Paul Peeters, actuellement aumônier dans deux formations médicales importantes de Kinshasa (le sanatorium de Makala et l'hôpital général de Kinshasa) s'occupe essentiellement de l'accompagnement des malades dans les hôpitaux et à domicile. On vise l'accompagnement tant religieux qu'humain. Les accompagnateurs apportent la parole de Dieu et les conseils qui apportent la vie et l'espérance.
Les malades encadrés ont l'occasion de partager leurs souffrances, leurs soucis et leurs préoccupations. Au cours des entretiens, des conseils pratiques sont prodigués aux malades pour améliorer et protéger leur santé. On donne aussi de l'aide matérielle en nourriture et en médicaments.
De plus, il y a deux ans, les aumôniers des hôpitaux et cliniques de Kinshasa, en collaboration avec les services sociaux des hôpitaux, ont élaboré une série des sessions pour former des accompagnateurs qui font de cette tâche un véritable apostolat et un service d'Eglise, qui remplit efficacement son rôle auprès des malades. Une cinquantaine de paroisses de Kinshasa ont déjà formé des équipes capables de cheminer avec les malades tant à domicile que dans les hôpitaux et cliniques. Ces accompagnateurs sont des interlocuteurs valables entre le malade et son milieu d'origine d'une part, et avec le personnel soignant d'autre part.
Le sida est bien implanté au Congo, et tout fait penser que la maladie va encore se propager au cours des années à venir. D'autre part, nous savons qu'il faudra attendre plusieurs années avant la mise au point d'un traitement efficace. Il en est de même pour l'obtention d'un vaccin. Cependant, il y a de plus en plus au Congo des tradi-praticiens qui prétendent guérir la maladie et attirent de nombreux malades nationaux et étrangers. Il y a aussi dans certaines sectes religieuses, des pasteurs qui prétendent opérer des miracles et guérir le sida. Tout cela trouble et désoriente.
Les problèmes posés par le sida réclament une action concrète à la fois locale et mondiale. La situation réclame aussi que les Eglises s'attaquent directement au problème.
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