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by K.K. Man Jusu, Côte d'Ivoire, novembre 1998
THEME = SIDA
Avec ses 6.000 sidéens dépistés et ses
800.000 séropositifs,
la Côte d'Ivoire est parmi les pays les plus touchés par la
maladie du siècle.
Elle a été choisie par l'ONUSIDA pour son
programme de traitements antirétroviraux
Pendant longtemps, la Côte d'Ivoire a été présentée comme le pays africain le plus affecté par le sida, atteignant un taux de séroprévalence de 10% de la population, avec un record de 86% chez les prostituées d'Abidjan qui seraient à l'origine de la propagation de l'épidémie dans le pays. Ces chiffres plaçaient la Côte d'Ivoire, en 1993, parmi les pays les plus touchés par la maladie. En tous cas, si l'on se fie à une étude du professeur Daniel Tarantola de l'université de Harvard, présentée lors de la Conférence internationale sur "le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique" en décembre 1997 à Abidjan.
Cependant, selon le rapport de l'ONUSIDA (Organisation des Nations unies pour le sida) de 1997, qui faisait état de 22,6 millions d'Africains vivant avec le VIH-sida, la Côte d'Ivoire comptait 6.000 malades du sida, avec un taux d'infection de 55% chez les prostituées d'Abidjan, contre 80% à Nairobi. Quoi qu'il en soit, 6.000 malades du sida, c'est déjà catastrophique! Comparativement avec certains pays de la sous-région, comme le Sénégal où le taux de séroprévalence est presque nul..., en Côte d'Ivoire on parle même de 800.000 séropositifs (personnes vivant avec le virus mais non encore atteintes par la maladie).
Plusieurs facteurs expliqueraient la prolifération du sida en Côte d'Ivoire. En premier lieu, la forte immigration: sur une population estimée à 15 millions d'habitants, on compterait environ 5 millions d'étrangers, soit un tiers de la population. Le gros des prostituées est également d'origine étrangère, venant principalement du Ghana et du Nigeria. Ceci expliquant peut-être cela, les premiers groupes atteints par la maldie étaient des étrangers vivant en Côte d'Ivoire: clients potentiels des prostituées, ils ont ainsi, plus que les nationaux, contracté le virus transmis par elles.
Mais aujourd'hui, c'est toute la population ivoirienne qui est durement touchée. Si l'on peut admettre que la propagation du virus est due principalement aux prostituées, on sait qu'il y a d'autres facteurs, comme l'identification tardive (en 1985) de la maladie dans le pays, la vulgarisation également tardive des préservatifs - c'est un des facteurs de la stabilisation au Sénégal - et l'utilisation anarchique des matériels d'injection dans les cliniques notamment privées, qui ont poussé comme des champignons dans la capitale ivoirienne et dans lesquelles on ne respecte aucune règle d'hygiène...
Au-delà des chiffres et des causes de la propagation du sida, il est plus important de savoir quelle est la politique que mène aujourd'hui ce pays contre la pandémie. Il semble bien que le gouvernement ait décidé, même tardivement, de prendre le taureau par les cornes en menant des actions tous azimuts contre la terrible maladie.
Il y a d'abord la sensibilisation. Ici, gouvernement et structures privées, les ONG et groupements communautaires et confessionnels, s'y sont mis comme un seul homme. Ces organisations existent à profusion. En 1997, on en dénombrait plus d'une cinquantaine, regroupées au sein du Collectif des ONG de lutte contre le sida en Côte d'Ivoire (COSCI). Ces ONG ont un seul credo: le bénévolat. Toujours est-il qu'elles se sont souvent signalées par des querelles autour de l'argent! Mme Célestine Navigué, ex-présidente du COSCI, a souvent été accusée de détournement de fonds; accusations auxquelles on n'a jamais apporté de preuves. Mais ces querelles ont fini par créer un climat de suspicion, aussi bien entre les membres qu'entre les autorités et ces ONG et associations.
Toutes les actions contre le sida sont inscrites dans le Programme national contre le sida piloté par le Comité national de lutte contre le sida. Comportant trois phases (à court, moyen et long terme), le programme porte sur la sensibilisation, l'information, l'éducation, le contrôle épidémiologique, la recherche et les traitements qui, compte tenu de leur coût élevé, se traduisent par une politique de prise en charge des malades, notamment les plus démunis. C'est sur ces deux derniers points qu'il convient d'insister.
Dans le volet recherche, on compte aujourd'hui trois grands centres de recherche: le CEDRESS (Centre pour le développement de la recherche sur le sida), un projet français; le RETROCI (Retrovirus Côte d'Ivoire), fruit d'une collaboration entre le Centre de prévention et de contrôle d'Atlanta (USA) et la Côte d'Ivoire; et le CIRBA (Centre ivoirien de recherches biocliniques), du Français Luc Montagnier, qui a été inauguré en avril dernier.
Le volet traitements est dirigé par l'ONUSIDA qui a choisi la Côte d'Ivoire - avec l'Ouganda, le Chili et le Vietnam - pour faire partie de ce programme pilote pendant trois ans. Il consiste à faciliter, par des subventions, l'accès aux traitements antirétroviraux: la bithérapie (traitement associant deux produits) et la trithérapie (trois médicaments). Les subventions combinées de l'ONUSIDA et du gouvernement ivoirien, par l'intermédiaire du Fonds national de solidarité de 600 millions de fcfa, font passer p.ex. le traitement en bithérapie de 500.000 fcfa à 100.000 par an pour les personnes déjà en traitement par leurs propres moyens, à 50.000 pour les démunis et à 25.000 cfa pour les femmes enceintes et membres des associations de personnes vivant avec le VIH-sida.
Ce programme de prise en charge concerne 4.000 malades sur les 6.000 sidéens et les 800.000 séropositifs que compte la Côte d'Ivoire. La sélection obéit à des critères socio-économiques, avec priorité aux femmes enceintes séropositives dépistées et membres des associations de personnes vivant avec le virus. Huit centres ont été retenus pour ces traitements antirétroviraux: le service des maladies infectieuses du CHU de Treichville, l'USAC (Unité de soins ambulatoires et conseil), le CAT (Centre antituberculeux) d'Adjamé, l'hôpital des armées, le service de pédiatrie du CHU de Yopougon, le service de pneumophtisiologie du CHU de Cocody, le Centre de suivi du CNTS (Centre national de transfusion sanguine) et le CIRBA du prof. Montagnier. Il y a aussi des centres àl'intérieur du pays: à Bouaké, Korhogo et Bondoukou.
Voilà donc, à grands traits, la situation en Côte d'Ivoire; une situation très inquiétante qui, pendant longtemps, a été caractérisée par la panique de la population. D'abord, devant l'impuissance de la médecine moderne à trouver le "remède miracle".
Ensuite, devant le coût élevé des traitements modernes. Ce qui a favorisé à un moment donné la prolifération des "marchands de rêve". Comme ces tradi-praticiens qui juraient détenir le remède miracle. On peut ici mentionner un certain Mian Ehui, avec son "Sitrakko", qui aurait eu des vertus sur le sida; et le professeur Tahiri Zagret, avec son "Kabiex", qui avait défrayé la chronique en son temps en Côte d'Ivoire.
Mais les autorités ivoiriennes et médicales ont réagi énergiquement contre ces tentatives, les qualifiant de fausses promesses faites aux malades qui, désespérés, pourraient se laisser abuser. Curieusement, tous ces tradi-praticiens, on ne les entend plus, surtout depuis l'avènement des traitements antirétroviraux de l'ONUSIDA dont on peut espérer qu'ils limiteront la prolifération du VIH dans l'organisme.
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