ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Guinée

Susciter l'enthousiasme au-delà du désespoir


by Alexis Gnonlonfoun, Guinée, novembre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

La lutte contre la pandémie du sida, pour laquelle aucun traitement
n'est opérant pour le moment, est pour Conakry une préoccupation prioritaire.
Mais le mal atteste une progression exponentielle.

Il faut souligner que la situation n'est pas sans espoir. L'information et la prévention donnent de bons résultats chez les adolescents et chez les jeunes en général. Les efforts de conscientisation font adopter des comportements plus sains: le préservatif gagne du terrain.

Femmes, jeunes et enfants

Il y a quelques années, la Guinée était relativement peu touchée par le sida. Actuellement, l'épidémie évolue rapidement, et au moins 40 personnes sont infectées chaque jour dans le pays. Une situation inquiétante: les femmes semblent plus touchées que les hommes; la transmission sexuelle représente 96% des cas d'infection. Ces chiffres rendent encore plus urgente la vulgarisation des seules armes de lutte: l'information pour développer la prévention.

Pour beaucoup de femmes la prostitution constitue un moyen de survie. C'est le cas des jeunes migrantes rurales, qui vivent sans confort dans les villes, et des femmes célibataires, divorcées, veuves ou éloignées de leur mari. A Conakry, qui compte plus d'un million d'âmes, on a estimé le taux de ménages monoparentaux à 25%, les enfants étant le plus souvent à la charge des femmes. On comprend aisément que les pénibles conditions de vie de ces femmes et leur mauvais état de santé les rendent vulnérables aux MST et au VIH, l'environnement insalubre et l'insécurité financière étant des facteurs de stress.

A Conakry, 53% de la population sont des femmes, et les enfants de rue sont en nombre croissant. Les femmes sont généralement plus pauvres que les hommes. Souvent elles n'ont pas les moyens de maîtriser leur destinée. Pour pallier ce phénomène, le programme d'action du gouvernement a retenu comme objectif de faciliter l'accès des femmes au crédit, afin d'accélérer le processus de développement socio-économique et de promouvoir davantage la scolarisation des filles.

Le taux de fécondité en Guinée reste encore proche de son niveau naturel. D'autre part, le taux d'analphabétisme des femmes est encore très élevé, le statut de la femme continuant d'être régi par les coutumes ancestrales et le code napoléonien, version révisée dès le lendemain de l'indépendance de la Guinée en 1958. Bien que les temps aient changé, le droit dans ce sens n'a pas évolué. Et c'est là un des freins de l'épanouissement de la femme dans la société où elle vit.

Outre les jeunes séropositifs ou atteints du sida, les enfants subissent les conséquences de ce phénomène, parce que leurs parents sont séropositifs, ou qu'ils sont morts du sida, ou encore parce qu'ils ont une soeur ou un frère porteur du VIH. Beaucoup d'enfants ont perdu leur mère à cause du sida, et un grand nombre d'entre eux ont aussi perdu leur père, ce qui provoque une triste prolifération d'orphelins. Parmi ceux- ci, certains sont pris en charge par d'autres membres de la famille, tandis que les moins chanceux deviennent rapidement les enfants de la rue.

Les personnes atteintes du sida ne sont généralement pas rejetées par leurs familles. Celles-ci savent que le sida constitue un véritable fléau pour notre temps. Elles prennent donc le mal avec beaucoup de philosophie en se disant que "il n'y a pas de maladie honteuse". Toutefois, lorsqu'un jeune est atteint du sida, la perte humaine se double d'une perte économique avec la disparition d'un être sur qui le pays et la famille ont misé en lui accordant une formation.

La lutte a commencé

Notons d'abord le phénomène de la gestion des déchets biomédicaux à Conakry, c'est- à-dire les déchets produits en milieux de soins et qui posent un problème de santé publique. La mauvaise gestion de ces déchets peut être une source de maladies infectieuses. Ainsi, une mauvaise manipulation de ces déchets en milieu hospitalier peut être à la base des hépatites B et C et du sida.

D'autre part, des responsables d'associations religieuses et d'ONG tentent de mettre au point une offensive contre la prostitution enfantine, un fléau en aggravation en dépit des grandes promesses, pas toujours suivies, d'actes du gouvernement. Avec la crise économique, les enfants sont contraints à se prostituer. Un cri d'alarme est donc lancé par les associations devant la recrudescence des cas recensés. Bien que la justice punisse les pédophiles, les ONG se sont engagées dans des plans d'action contre le tourisme sexuel. Mais la mise en oeuvre de ces mesures reste aléatoire, font remarquer certains observateurs.

Pour l'homme de la rue, la police devrait être mieux informée afin de "lutter contre les clients" des enfants prostitués. Et la société civile ne cesse de souligner que l'importance des intérêts financiers en jeu et la corruption ou l'indifférence de certains policiers rendent difficile le combat contre la prostitution.

Dans le cadre du programme national de revitalisation des centres de santé, un projet d'appui à la lutte contre le sida a été lancé, en partenariat avec l'Université de Montréal. Le processus veut appuyer la formation et la fourniture de médicaments essentiels, ainsi que la prise en charge des MST dans différentes régions, mais surtout dans la capitale Conakry où leur prévalence est la plus forte.

Un volet du projet, dont le coordonnateur national est le Dr. Aloys Kamuragiye, vise le renforcement de treize centres de santé à Conakry, un appui aux cliniques externes de MST des deux centres hospitaliers universitaires et de la PMI (Protection maternelle infantile) à Conakry. Il vise également la réalisation de projets d'intervention et de démonstration, le renforcement des initiatives communautaires avec les prostituées et les travailleurs, et le renforcement de trois centres de santé, à Fria, Boké et Kamsar. Dans un deuxième temps, la région de la Guinée forestière, contiguë à la frontière de la Côte d'Ivoire, ainsi que celle de la Haute-Guinée touchant la frontière du Mali, seront relayées par les intervenants déjà présents dans ces lieux, notamment Médecins sans frontières. Le rôle d'attraction des cliniques externes des deux centres hospitaliers universitaires à Conakry est pris en compte, et un appui technique pour les cas de récidive ainsi que pour la surveillance leur sera offert.

D'un autre côté, dans les centres industriels de Fria, Boké et Kamsar, le même travail sera effectué, compte tenu des fortes concentrations de travailleurs. Il est vrai que la proximité de la Guinée avec la Côte d'Ivoire et le Mali, de même que l'exploitation de mines d'or, en font un secteur avec d'importants mouvements de population. Un appui technique sera donné aux ONG et autres associations intéressées, afin de mettre sur pied des projets d'intervention ou de démonstration susceptibles de faire bouger les choses.

En contacts constants avec la Direction nationale de la santé publique, le coordonnateur national du projet sida et le comité national de lutte contre le sida travaillent dans plusieurs domaines: information de diverses dénominations, contacts avec les médias, projets d'expositions nationales, coordination avec le gouvernement, campagnes de mobilisation, etc.

Toucher la population

Il est donc nécessaire que le gouvernement fasse désormais de la lutte contre le sida une priorité absolue. La situation est maintenant devenue si critique, qu'il faut absolument faire tout son possible pour atteindre les tranches de population les plus exposés. De nombreux efforts ont déjà été faits dans cette direction. Ceux qu'on avait appelés "programmes d'urgences" pour faire face aux besoins immédiats, doivent maintenant se transformer en projets à long terme et former une vraie plate-forme de lutte contre le sida.

Ainsi, un projet consiste dans la préparation de bandes dessinées pour adultes, réalisées par des Africains pour les Africains. Il s'agit un projet éducatif sous-régional (Sénégal, Guinée-Conakry, Mali, Burkina Faso, Niger), dont la coordonnatrice est Mme Madeleine Barbier Decrozès. Grâce au support de l'OMS, cette opération a été préparée dans chacun des pays concernés avec le comité de lutte contre le sida et les pouvoirs publics. Avec la bande dessinée, la sensibilisation est donc faite en maniant l'humour, auquel les populations sont généralement sensibles, et en les présentant dans un contexte valorisant.

D'autres stratégies de communication sont également utilisées. Les associations et ONG font appel à leurs relais, formés par elles et qui sont issus du milieu visé. Animation de séances de sensibilisation dans les milieux de prostituées; réalisations de sketchs pour faire passer des messages sur les MST-sida; théâtre, chants et danses sont les moyens les plus utilisés. L'objectif principal est de divertir pour éduquer.

Il faut encore souligner que les chefs religieux (musulmans et catholiques) participent également à la sensibilisation. L'accroissement du nombre de jeunes séropositifs dans le pays les a incités à se jeter dans la bataille. Dès lors, ils combinent leur préoccupation morale avec une discussion et une persuasion constructive pour souligner à chaque occasion que les jeunes peuvent être les artisans du changement.

Parallèlement, certaines associations organisent des manifestations sociales en faveur de la lutte contre le sida. "L'objectif est de mener une grande campagne d'information en abordant les thèmes de la prévention, de la dédramatisation, de la prise en charge thérapeutique et psycho-sociale ainsi que l'accompagnement".

C'est dire qu'un esprit inventif peut changer tout un style de vie. Une personne peut aider les autres à percevoir l'espérance, et même à susciter l'enthousiasme au-delà du désespoir. Les fonds recueillis permettront en partie l'aménagement d'un "Centre d'accompagnement et d'écoute des séropositifs et de leurs familles" à Conakry. Un appel au mécénat n'est pas à écarter lorsqu'on sait que l'on peut compter sur la solidarité des uns et des autres, toutes religions confondues.

Dans ce pays qui compte plus de sept millions d'habitants, ce qui frappe, c'est qu'en dépit de toute l'amertume et du désespoir qui règnent ici, cette initiative des associations est significative des ressources intérieures de foi qu'ont les gens. L'auto-assistance et la foi: ce sont deux éléments réellement nécessaires à tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre le sida.

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