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by Patrick Mawaya, Malawi, novembre 1998
THEME = SIDA
Une guerre silencieuse se livre
actuellement au Malawi,
mais on n'y utilise pas d'armes sophistiquées.
L'épidémie du sida continue à se répandre, pratiquement sans
arrêt
Le rapport 1998 sur le développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) établit: "A la fin de l'année 1997, près de 31 millions de personnes étaient porteuses du VIH, contre 22,3 millions l'année précédente. Cette effrayante augmentation reflète la vitesse avec laquelle se répand l'épidémie: 16.000 nouveaux cas par jour. On estime qu'en l'an 2000, dans moins de deux ans, 40 millions de personnes seront porteuses du VIH. Sur les 16.000 cas par jour, 90% vivent dans des pays en voie de développement, 40% sont des femmes et 50% ont entre 15 et 20 ans".
L'étude du secrétariat national du Malawi pour le sida, achevée en 1997, faisait apparaître que près de 700.000 adultes malawiens sont infectés, dont la plupart sont de jeunes adultes habitant les villes et travaillant dans les secteurs importants de l'enseignement, l'industrie, la santé et l'armée. La répartition par sexe est pratiquement égale et la classe d'âge la plus atteinte se situe entre 24 et 49 ans. Les prévisions antérieures se sont avérées irréalistes et exagérées. Cependant, aujourd'hui pratiquement chaque famille au Malawi a été touchée par le VIH.
Au Malawi, le sida s'étend par voie hétérosexuelle, et les femmes sont les principales victimes à cause de leur statut inférieur dans la société traditionnelle. Il leur est difficile d'insister pour avoir des relations sexuelles protégées avec leur partenaire ou leur époux.
Une autre cause est la prostitution. Beaucoup de femmes et de jeunes filles débutent dans cette pratique à cause de la pauvreté. Cette forme de relations sexuelles commerciales devient courante parmi les écolières qui sortent avec des "papas-gâteaux" pour obtenir de l'argent. Ceux-ci préfèrent les femmes jeunes et les adolescentes. Selon une étudiante: "La plupart des élèves des écoles secondaires sont atteintes du VIH/sida. La plupart des filles sortent avec des "vieux" parce qu'elles ne se contentent pas de ce que leurs parents ou leurs tuteurs leur donnent".
Ces femmes travaillent la nuit comme "travailleuses commerciales du sexe", et pendant la journée comme secrétaires, dactylos ou coursières, surtout dans l'administration publique. Leur "activité" nocturne doit compléter leur maigre salaire, souvent moins de $50 par mois. Il faut rappeler que les produits de première nécessité coûtent trois fois plus qu'elles ne gagnent.
Des "hôtelleries", comme on les appelle, font partie intégrante du trafic de la prostitution au Malawi. Elles ne sont pas là pour les voyageurs bloqués sur place, mais pour le commerce du sexe. Elles sont situées près des bars et des buvettes et contribuent àl'extension du sida. Comme le dit un journaliste chevronné: "Les gens ne parlent plus beaucoup du sida, et pourtant de plus en plus de gens en meurent. Le gouvernement veut contrôler la situation, mais en même temps il laisse les gens agir comme ils veulent. Disons-le simplement, ces "hôtelleries" sont des bordels. On les trouve même dans les régions rurales".
Les maladies liées au VIH et les décès qui peuvent s'ensuivre augmentent encore plus la pauvreté, et poussent à l'endettement. Les gens sont terrassés au tout début de leur vie active, et les frais de maladie, ajoutés à la perte de revenu, ont porté un coup fatal à des millions de ménages.
Beaucoup d'enfants restent orphelins à la mort de l'un de leurs parents ou des deux. Actuellement, le Malawi compte plus de 600.000 orphelins. Sr Teresa Andrade, missionnaire de Marie Médiatrice et chargée du Centre de réhabilitation pour orphelins St Mary, nous dit: "Nous nous attendons à ce que le problème des orphelins empire. Tous les jours, il y a de plus en plus d'enfants qui viennent chez nous et que nous devons renvoyer parce que nous n'avons pas les moyens de répondre à la demande".
On commence à voir apparaître au Malawi des ménages dont la charge incombe a un enfant ou à un jeune adulte, et cela dépasse les systèmes traditionnels par lesquels on traitait ce genre de situation. Une de mes amies, par exemple, qui travaille comme secrétaire au PNUD, a la charge de 17 orphelins, enfants de ses frères et soeurs décédés. Comment voulez-vous qu'elle y arrive?
Comme la pauvreté nourrit l'épidémie, l'épidémie intensifie la pauvreté. Le Malawi connaît un manque de main-d'oeuvre qualifiée, des budgets surchargés, un déclin de la production après des années d'investissements dans la formation et l'enseignement, et le VIH/sida est devenu un des principaux défis au développement que doit relever le peuple du Malawi.
Les premiers cas de sida ont été diagnostiqués au Malawi en 1985. Le ministre de la Santé introduisit alors l'examen du sang avant les transfusions. C'est devenu la base du premier programme à court terme du pays (1987). Au cours de la planification et de la réalisation du premier programme à moyen terme (1989-1993), l'objectif s'est élargi pour inclure les stratégies d'information, d'éducation et de communication. Le second programme à moyen terme (1994-1998) eut pour objectif principal d'établir une approche multi-sectorielle de l'épidémie.
L'évaluation et les révisions des stratégies indiquent que les gens sont très conscients de l'épidémie. Cependant, le taux de nouvelles infections est encore fort élevé surtout parmi les jeunes femmes entre 15 et 24 ans.
La stratégie qui caractérisera le Programme national VIH/sida pour les années à venir, sera aussi largement participative que possible. On mettra l'accent sur la création d'un consensus, la mobilisation de la population tout entière pour la lutte contre le VIH/sida, le renforcement de la capacité du pays à répondre efficacement au défi. Cette approche stimulera la discussion tant nationale que locale sur un grand nombre des problèmes suscités par l'épidémie.
En 1991, la Conférence des évêques catholiques du Malawi a conçu un programme pilote, soins à domicile (Home Based Care), qui a débuté dans quatre diocèses. L'objectif général du programme est de réduire l'extension de l'infection en fournissant aux gens et aux communautés locales information et soutien appropriés (plan à court terme). A long terme, il prévoit de traiter du comportement des personnes. Le programme est actuellement étendu aux sept diocèses.
Le programme utilise l'infrastructure ecclésiale des Communautés de base. Parmi ses activités on compte le repérage des malades, des orphelins, des personnes âgées, la fourniture de soins adéquats, la mise au courant des gens au sujet du VIH/sida et leur éducation. En outre, on lance de petites activités lucratives comme moyens de subsistance, on donne conseils et aide spirituelle, on renvoie à des institutions de soins. De plus, on a créé des groupes de soutien et formé des volontaires; on encourage aussi la rédaction de testaments. Le programme HBC a jusqu'ici formé plus de 9.000 volontaires.
Selon Mr Gracian Namanja, coordinateur national du HBC pour la Conférence épiscopale, le changement de comportement est le seul moyen sûr de réduire et d'arrêter la transmission du VIH/sida. Tout le monde doit s'engager dans le combat, à commencer par ceux qui sont déjà infectés et directement touchés par la maladie; ensuite la lutte doit s'étendre aux familles, aux communautés locales, aux organisations religieuses et non religieuses, aux grands domaines fermiers, aux usines et à tous les établissements d'enseignement. La lutte contre le VIH/sida ne peut être laissée aux seules institutions de soins.
Parmi les autres initiatives figure la création d'un Réseau malawien des personnes atteintes du VIH/sida (MANET) créé en 1998 et qui compte maintenant 28 groupes dispersés dans tout le pays, dans les trois régions. Les groupes ont pris des noms qui donnent une idée du travail dans lequel ils sont engagés: Comité du sida, Groupe de soutien aux sidéens, Equipe de la communauté du sida, Centre d'information et de conseil sur le sida, Volontaires des soins à domicile, Union de ceux qui veulent sauver l'humanité du sida, Ambassadeurs des jeunes, etc. Tous ces groupes sont installés dans les hôpitaux et les dispensaires.
Un atelier a été organisé par l'ONUSIDA à Lilongwe, du 28 septembre au 1er octobre 1998, sur le thème: "Vers le consensus et l'action: Améliorer le soutien et les aptitudes stratégiques d'une programmation concernant le VIH/sida au Malawi".
Des clubs anti-sida se sont créés dans les écoles et pour les jeunes non scolarisés. Ces clubs ont pour but de répandre l'information sur le VIH/sida. Ils sont soutenus financièrement par l'Unicef-Malawi.
La Société médias et sida au Malawi (MASO) a lancé un journal destiné à assurer une large information au public sur l'extension et l'impact de l'épidémie. Le journal veut aussi promouvoir une meilleure compréhension du VIH/sida, et offrir ses pages pour des débats bien informés sur les moyens de combattre l'épidémie. MASO incite aussi les journalistes à écrire à propos du sida et à informer la population.
Certains disent que le gouvernement montre peu d'intérêt politique et de bonne volonté à s'occuper de la situation. Effectivement, la plupart des programmes VIH/sida appliqués actuellement au Malawi sont financés par des donateurs privés. Malgré la gravité du fléau, le gouvernement n'a pas encore fourni un financement suffisant; le secteur de la santé, en particulier, suit une courbe descendante. Avec la crise économique actuelle et le coût élevé de la vie, le Malawi n'est pas sûr de gagner cette "guerre silencieuse". Et nous continuerons à perdre nos jeunes.
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