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by Samba Demba Barry, Mauritanie, octobre 1998
THEME = SIDA
En Mauritanie, les chiffres sur le
VIH/sida sont presque méconnus
et le sujet demeure encore un tabou. L'action contre la maladie
peut se résumer en deux mots contradictoires: prévention et
discrétion.
Officiellement, la séroprévalence serait comprise entre 0,5% et 1%, et le pays compterait entre 5000 et 7000 séropositifs. Les cas de sida cumulés depuis 1988, selon une étude de 1996, s'élèvent à 532. Commentant ces chiffres, le Dr. Mohamed Nezhir ould Ahmed, conseiller de l'ONUSIDA en Mauritanie, a déclaré: "Même si ces chiffres restent encore bas, les nombreux facteurs favorisant l'existence de cas dans les coins les plus reculés doivent nous amener à craindre une situation beaucoup plus grave dans les prochaines années". D'ailleurs, le fait que seuls les malades hospitalisés ou consultants pour une maladie sexuellement transmissible (MST) et les donneurs de sang (dons très limités) soient dépistés aujourd'hui, rend la situation plus angoissante.
Une situation qui pourrait être accélérée par la conjugaison de plusieurs déterminants. D'abord, malgré le bruit que la maladie a suscité au niveau international, en Mauritanie le sida demeure encore un tabou. Ce qui est de nature à étouffer toute initiative en matière de prévention et d'information. En outre, le manque de volonté gouvernementale, la pauvreté, le taux élevé d'analphabètes (surtout chez les femmes), l'attitude défavorable des religieux à l'égard du préservatif, la stigmatisation des prostituées (la prostitution est interdite en Mauritanie, d'où son développement clandestin dans les grandes agglomérations), la polygamie, la fréquence des divorces et des remariages, la fréquence des MST chez les populations sexuellement actives, le manque de sécurité transfusionnelle et la mobilité interne et externe des populations, sont autant de facteurs pouvant conduire à une situation incontrôlable, surtout si les efforts menés dans la lutte contre l'épidémie en restent à l'état actuel.
C'est vers la fin des années 80 que les premiers cas de sida ont été diagnostiqués en Mauritanie. Devant l'ampleur que la maladie prenait à l'échelle mondiale et les rapports alarmants sur son évolution en Afrique, le gouvernement mauritanien a été amené à prendre paradoxalement certaines mesures pour contrecarrer l'expansion du sida. L'une des premières décisions, et non la moindre, a été la création d'un Programme national de lutte contre le sida et les MST (PNLS/MST) en 1990. Placé sous la tutelle du ministère de la Santé et des Affaires sociales, le programme doit traiter toutes les questions relatives à la lutte contre le sida. Ainsi, le coordinateur du programme doit négocier avec les divers partenaires, arrêter une stratégie nationale et veiller à son application.
Dès la création du PNLS/MST, un personnel médical a été formé pour répondre aux nouveaux besoins des hôpitaux et six centres de dépistage du sida ont été ouverts à travers le pays: deux dans le nord-ouest (Nouakchott, Nouadhibou), deux dans le sud-est (Kiffa, Aioun) et deux dans le sud (Kaédi, Selibaby). Ces centres régionaux ont plus au moins bien fonctionné jusqu'à 1996. Aujourd'hui, quatre de ces centres sont fermés faute de réactifs. Seuls les centres de Nouakchott (la capitale du pays) et de Nouadhibou (la capitale économique) demeurent fonctionnels. C'est pourquoi, le nouveau coordinateur du PNLS/MST, M. Menna Ould Tolba nommé en juillet dernier, a défini ainsi son objectif: "redresser et redynamiser l'image du PNLS/MST afin de gagner la confiance et le soutien des divers partenaires de la Mauritanie dans la lutte contre le sida".
Au niveau associatif, plusieurs initiatives ont été entreprises. Aujourd'hui, il y a au moins cinq associations nationales qui mènent des actions dans le domaine de la lutte contre le sida. Parmi elles, on trouve Stop- sida, l'ONG Espoir, l'Association mauritanienne pour la promotion de la famille, Terre Vivante et l'Institut Mariem Diallo. Pour une coordination plus efficace de leurs actions, ces associations se sont constituées, en novembre 1997, en un réseau dirigé par l'ONG Stop-sida. A côté du gouvernement et des ONG nationales, opèrent des ONG internationales comme World Vision, Corps de la paix et Caritas-Mauritanie.
En Mauritanie, les activités d'information et de sensibilisation de l'opinion publique sur les problèmes du sida sont très ponctuelles. Généralement, elles ont lieu pendant et quelques semaines après la journée mondiale de lutte contre le sida, tenue le 1er décembre de chaque année. Il s'agit le plus souvent de campagnes multimédias axées principalement sur la gravité du sida, ses modes de transmission et les moyens de prévention, mais avec une grande réserve sur le préservatif. Ni la radio nationale, ni la télévision nationale n'en parlent ouvertement. Parallèlement, des causeries sont organisées dans les centres de santé, les établissements scolaires et à l'université de Nouakchott. Officiellement, la lutte contre le sida peut se résumer en deux mots contradictoires: prévention et discrétion.
L'autre point saillant du discours sur le sida en Mauritanie est la confrontation entre les discours scientifiques et religieux. Les premiers sont favorables à une plus grande promotion du préservatif tandis que les seconds arguent de la fidélité et l'abstinence. Conscients que la religion est une donnée avec laquelle il faut compter pour endiguer l'expansion du sida en Mauritanie, les membres de Stop-sida, une des associations les plus actives sur le terrain, ont choisi un haut religieux à la tête de l'organisation: Hamden Ould Tah, membre du Haut conseil islamique de la République. Parlant de leur stratégie, Mme Vatimetou Mint Maham, secrétaire générale de Stop-sida, a déclaré: "Parler du sida dans un pays fortement islamisé comme la Mauritanie, est un grand paradoxe. Pour réussir, il faut reconnaître la complémentarité des discours religieux et scientifiques". Elle ajouta: "Notre objectif, c'est d'amener les religieux à parler du sida et du préservatif sans heurt. On peut dire que Stop-sida a en partie réussi parce qu'on parle souvent du sida pendant la grande prière hebdomadaire du vendredi".
Le problème de prise en charge des malades du sida se pose aussi avec beaucoup d'acuité. Car ici, on peut être infecté par le sida et mourir sans jamais le savoir. Cela par excès de pudeur mal placée. A ce propos, le coordinateur du PNLS/MST a déclaré: "L'information du séropositif reste encore très confidentielle. Ni la famille, ni les amis et parfois même le patient n'ont le droit de connaître si ce dernier est infecté du sida". Et M. Lo Baidi, chef de service des laboratoires du Centre hospitalier national de Nouakchott, d'ajouter: "Nous avons peur des conséquences qu'une telle annonce pourrait engendrer dans le milieu du malade". Ne dit-on pas que "prévenir vaut mieux que guérir"?
En tout cas, de ce que fera prochainement le gouvernement, dépend la survie de plusieurs milliers de femmes et de jeunes mauritaniens qui risquent d'être anéantis par le sida. Les décisions prises récemment par le PNLS/MST (distribution gratuite des préservatifs dans certains points cibles, formation des leaders d'opinion parmi les religieux et les femmes responsables des coopératives féminines, décentralisation des actions de sensibilisation...) vont-elles se concrétiser? Quoi qu'il en soit, il y a là une volonté gouvernementale de mieux faire.
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