ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Sierra Leone

Un tueur invisible


by Alpha R. Jalloh, Sierra Leone, septembre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Alors que la guerre fait rage, l'épidémie du sida se propage lentement,
contribuant ainsi à décimer la population

Les rapports de la Commission nationale pour le contrôle du sida, (NACP) montrent qu'environ 250.000 personnes sont infectées du virus VIH. Si on considère que la population de la Sierra Leone est passée de 4,5 millions à environ 3,8 millions en huit années de temps, il est évident que cette épidémie est une menace sérieuse pour l'état de santé d'une nation, auparavant si dynamique.

La situation

Le Dr. Andrew Kosia, coordinateur du NACP, rappelle que, en 1986, l'OMS demanda aux gouvernements africains de créer des programmes pour la prévention et le contrôle du sida. Le gouvernement de la Sierra Leone institua alors le NACP, avec mission d'enquêter sur la réalité du sida dans le pays. Le premier cas fut diagnostiqué en 1987 à Bo, la deuxième plus grande cité du pays. Dix autres cas de sida et dix sept de VIH furent enregistrés la même année. "Dès 1988, la présence du VIH/sida fut établie, surtout dans les régions urbaines", souligne le Dr. Kosia. La plupart des gens de la Sierra Leone ne sont pourtant pas alarmés par les progrès du sida. Ils ne croient pas que cette maladie soit d'origine locale. Même après l'annonce des premiers cas, la population ne changea pas d'avis.

En récapitulant l'histoire du sida en Sierra Leone, le nombre des cas de sida enregistrés, à la fin de 1997, avait atteint 291, avec 520 infectés du VIH. D'après le Dr. Kosia, "La situation cette année est pire encore. Les tests récents de dépistage sur des femmes enceintes, représentant la population générale, montrent que 5,8% parmi elles sont séropositives. Nous basant sur ce pourcentage d'infection dans la population, nous estimons qu'en Sierra Leone il y a environ 250.000 personnes infectées du VIH".

Les causes du sida

Le Dr. Kosia montre du doigt la prostitution, les transfusions de sang à risques, le viol et la promiscuité entre hommes et femmes, comme étant les causes du sida. Il attire notre attention sur les circonstances spéciales qui existaient en Sierra Leone, pendant la période de mai 1997 à février 1998, quand la junte militaire était au pouvoir. Elles sont un facteur qui contribua au scénario actuel. Pendant cette période l'ordre et les lois ne furent plus respectés avec un taux de viols très élevé. Sur quarante-six filles violées à Freetown et testées par le NACP, trente-cinq furent trouvées séropositives. "Si nous appliquons ces chiffres aux régions rurales, où il n'y avait aucun ordre et ni loi pendant cette période, alors l'infection du VIH pourrait y être très élevé", nous confie le médecin, car on a procédé aussi à des transfusions sanguines avec du sang contaminé.

Les prostituées sont la catégorie la plus vulnérable au sida. Le taux d'infection est très élevé parmi elles. Le Dr. Kosia fait aussi observer que le taux d'infection parmi la population sexuellement active a grimpé de 26% à 36% pendant le gouvernement militaire. "Tout cela, ensemble, nous donne une idée de l'ampleur du problème que le sida pose dans le pays".

Il faut noter aussi que les prisons sont les places privilégiées où le sida frappe le plus. Dans son édition du 10 juillet 1998, le "Standard Times" rapportait que Olando Lewis, un condamné, était mort à cause du sida, dans la prison de la rue Pademba, à Freetown. Selon l'article, le test effectué par le NACP confirmait la séropositivité du prisonnier.

Prévenir le sida

Le Dr. Kosia reconnaît que le gouvernement a été très coopératif dans la lutte contre l'épidémie et que la création du NACP à elle seule, a beaucoup aidé au contrôle de la maladie.

Le planning familial de la Sierra Leone (PPASL) a été très actif dans la prévention du sida. Il a propagé l'emploi des condoms. Mme. Kultumi Karim, directrice de ce programme, dit: "En général nous éduquons les résidents ruraux avec des moyens audio- visuels, sur les MST. Quand ils voient un symptôme de la maladie, ils se rappellent ce que nous leurs avons montré et ils viennent nous voir. L'épidémie est très fréquente dans les groupes d'âge de 15 à 45 ans."

Le sida continue à se propager

Malgré les efforts du NACP et du PPASL, l'épidémie continue à s'étendre dans le pays, surtout à cause du manque de sécurité. Le NACP, qui est le pivot de contrôle du sida, est pourtant dans une mauvaise posture financière.

La plupart des infrastructures pour l'assistance et le traitement, dans les régions rurales, ont été détruites par les rebelles. "Notre programme dépend entièrement des dons. Nous ne pouvons rien faire sans eux", dit le Dr. Kosia. Nonobstant ces contraintes financières, le docteur se dit convaincu que les activités éducationnelles sur le sida produiront l'effet désiré. C'est ce qui a été rendu possible par les médias imprimés ou électroniques, par des affiches et des panneaux.

Le Dr. Kosia nous fait part de projets pour enrôler l'Eglise et les dirigeants religieux dans la campagne contre le sida: mais pour le moment il faut surtout s'efforcer de contenir l'épidémie.

Des mesures de contrôle

Le Dr. Kosia suggère:

- l'engagement financier du gouvernement, sans lequel le NACP ne peut fonctionner effectivement;
- renforcement des campagnes de conscientisation depuis la base, en employant les moyens de communication les plus efficaces;
- renforcement du système de contrôle du sida;
- un système de transfusion de sang sans risques;
- un gouvernement décentralisé, sans lequel les agences à l'intérieur du pays ne peuvent fonctionner efficacement, étant sous la surveillance et les tracasseries du ministère de la Santé, à Freetown.

Si ces mesures étaient mises en application, un grand pas serait fait pour éviter que le sida ne se propage.

Ce qui a déjà été fait

Le Dr. Kosia évoque les méthodes suivantes qui ont déjà été appliquées avec efficacité:

- introduction de l'éducation sur le sida dans les programmes des écoles et des institutions d'éducation supérieure;
- une meilleure surveillance dans les laboratoires de dépistage;
- désignation de personnes de contact, dans les régions urbaines, chargées de superviser les activités éducatives sur le sida dans les villes et les villages;
- un système de transfusion sanguine amélioré, ainsi que des trousses pour le dépistage du VIH.

Etre une victime du sida signifie être un paria, souffrir des humiliations et être pris pour victime par la société en général. "A cause de cela, par le passé, nous avons eu des problèmes pour faire parvenir de l'aide aux victimes du VIH/sida", rappelle le Dr. Kosia, "mais nous avons pris des mesures pour aider les sidéens dans les communautés de base. Pour cela, il faut la pleine coopération de ceux qui aident à former l'opinion dans les différentes communautés."

La communauté internationale, et surtout les Nations unies, se sont rendu compte que la Sierra Leone ne peut rester seule à s'attaquer à ce problème. L'OMS, le Programme de développement des Nations unies et la Banque mondiale ont aidé beaucoup le NACP dans sa lutte contre l'épidémie. Mais le sida continue à progresser et décimer la population de la Sierra Leone. Comme un tueur invisible, il erre partout, en quête de victimes.

END

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