ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Togo

Tirer la sonnette d'alarme


by Pascal Dotchevi, Togo, octobre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Les ravages du sida qui déferlent sur tous les pays n'épargne pas le Togo.
La situation est même jugée extrêmement alarmante par les autorités sanitaires.

Fin 1997, les statistiques enregistraient 9.204 cas de sida déclarés, alors qu'il n'y en avait que 6 en 1987. Pire, sur tout le territoire, plus de 150.000 personnes - soit 3,3% de la population totale de près de 4,5 millions d'habitants - sont séropositives sans qu'elles le sachent. Les femmes sont les plus touchées, surtout dans la tranche d'âge comprise entre 15 et 29 ans: 59,1%, contre 30,8% chez les hommes.

La tradition, qui fait des femmes des êtres soumis aux hommes et donc financièrement dépendantes de ces derniers, explique en partie, selon le Dr Bassabi Kpanté, directeur du Programe national de lutte contre le sida (PNLS), cette forte contamination chez les femmes. D'autre part, toujours selon le Dr Bassabi, une autre pression vient des hommes âgés qui prennent de plus en plus goût pour les jeunes filles. La jeune femme doit donc affronter tout à la fois la tradition, les désirs de ses congénères et ceux de ses "pères".

Les périodes de troubles politiques dans les années 92-94, qui ont engendré beaucoup de mouvements parmi les populations, ont contribué à la progession de la maladie. Qui plus est, le Togo est un pays de transit, ce qui aggrave encore les choses, selon les associations de lutte contre la maladie. Malgré cette situation alarmante, certains continuent à défier le mal en niant encore son existence. Ce qui explique que, parmi les personnes contaminées, 82,40% l'ont été par voie hétérosexuelle. Le gouvernement et la société civile s'emploient tout de même à faire ce qu'ils peuvent pour limiter les dégâts.

Parer au plus pressé

Pour lutter efficacement contre le sida, le gouvernement a installé en 1987 un Comité national de lutte contre le sida, qui se transformera en Programme national de lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles (PNLS/MST). Cette structure coordonne toutes les actions menées sur tout le territoire contre la pandémie. En 1997, le PNLS/MST a bénéficié d'un financement équivalent à 430 millions de francs cfa.

Le programme établi englobe entre autres l'information, l'éducation et le communication pour réduire la pandémie, la prévention sur tous les plans, l'amélioration de la prise en charge des personnes séropositives et malades du sida, la réduction de l'impact socio-économique du sida, la coordination et la promotion de la recherche en matière de sida. Pour mener à bien ce programme, le Dr Kpanté Bassabi estime que la stratégie de décentralisation et de délégation de pouvoirs des structures sera d'un grand apport: "Nous procédons à des sensibilisations par voie radiotélévisée, par la presse et par des documents spécialement confectionnés pour les élèves", explique-t-il.

"Il arrive que je sois confronté aux parents d'élèves des écoles catholiques ou musulmanes, qui m'interdisent d'afficher dans les écoles des messages ayant trait aux préservatifs. Ils ont même demandé le retrait d'un spot télévisé montrant une mère qui offrait un préservatif à sa fille partant en voyage. Ils ne permettent que des messages exhortant à l'abstinence ou à la fidélité. Néanmoins, certains groupes catholiques, protestants et musulmans (une bonne majorité), ont compris la nécessité de la lutte contre cette maladie. Mais le grand problème qui nous inquiète dans les milieux religieux - ajoute le Dr Bassabi - ce sont les sectes. Car elles font croire à leurs fidèles qu'elles peuvent guérir le sida par la prière, et donc qu'ils ne doivent pas s'inquiéter s'ils sont contaminés. Malheureusement, le taux de transmission dans ces secteurs est très inquiétant".

Quelques initiatives originales

Les autorités sanitaires qui interviennent dans la lutte contre le sida, avec le concours des bailleurs de fonds, initient des projets originaux. "C'est ainsi qu'un projet dénommé 'Tous les transporteurs contre le sida', initié il y a deux ans, a été couronné de succès. On formait des chauffeurs et leurs syndicats qui, à leur tour, répercutaient l'enseignement à leurs passagers et aux populations des gares routières. Au début, c'était un peu délicat; mais, au fur et à mesure, les passagers ont adhéré au mécanisme. Un second volet de ce projet dénommé 'Migration' - qui prendra en compte les transporteurs et les prostituées - devra démarrer bientôt. D'autre part, le programme de marketing social sur les préservatifs se poursuit avec succès", nous confie le Dr Bassabi. Ce projet des transporteurs est né après une étude qui montre que certains milieux tels que les militaires, les transporteurs et le milieu estudiantin sont plus exposés que d'autres.

Par ailleurs, le gouvernement togolais vient d'inaugurer à Lomé un Centre de conseil et de documentation VIH/sida/MST (CCD). Cette structure originale est d'une grande utilité parce que financièrement autonome, donc ne dépendant d'aucune aide extérieure, nous dit le directeur du PNLS. Le personnel et les locaux sont pris en charge par l'Etat, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, ajoute-t-il.

Le CCD, selon le Dr Bassabi, combine plusieurs fonctions, notamment le conseil psychosocial, le dépistage anonyme en matière de sida et le soutien aux personnes vivant avec le VIH/sida, par la mise à disposition d'un espace de rencontres et de groupes de soutien par des pairs. Les dépistages au CCD se font de manière strictement anonyme, volontaire et gratuite par une équipe très sympatique et conviviale. Quelques mois seulement après son ouverture, les résultats sont encourageants, selon le responsable du centre.

Le gouvernement a également exonéré des droits de douanes les produits qui rentrent dans la thérapeutique du sida. Malgré cela, ces produits coûtent très cher et ne sont pas à la portée de tous les malades. Actuellement, au Togo, seulement une cinquantaine de malades sont soumis à ces traitements. C'est pourquoi, conseille le Dr Bassabi, il est plus sage de se protéger. Car même si l'on a les moyens pour se soigner, il ne faut pas oublier que ces traitements durent tout le reste de la vie... Et c'est très pénible.

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