ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Ouganda

Moi aujourd'hui - Toi demain?


by William Tayeebwa, Ouganda, octobre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Beaucoup d'Ougandais séchaient encore leurs larmes causées
par les violations des droits de l'homme par l'ex-dictateur Idi Amin,
quand, dans les années 80, la pandémie du VIH/
sida fit son effroyable apparition

Des familles entières disparurent dans le district le plus atteint de Rakai. Des centaines d'enfants devinrent orphelins. Beaucoup n'avaient que leur grands-parents pour s'occuper d'eux, mais ceux-ci aussi étaient sans ressources. Des centaines d'autres, n'ayant personne pour les aider, envahirent les villes pour devenir une génération d'enfants des rues. Pessimistes, les prophètes de malheur prédirent que vers l'an 2000 la moitié de la population de l'Ouganda serait séropositive! Heureusement, ils se trompaient.

Sous la menace du VIH/sida

En 1986, le nouveau gouvernement de Yoweri Museveni devait faire face à une économie croulante, virtuellement sans infrastructure sociale; mais aussi à l'inéluctable menace du sida. Le président lui-même déclare: "Dès que le Mouvement national de résistance vint au pouvoir, en janvier 1986, il dut faire face au problème du sida et chercher à y trouver des solutions. Au lieu de mener une politique de l'autruche et prétendre que le problème n'existait pas, nous avons déclaré une guerre sans merci au sida". Le président Museveni critique sévèrement les pays qui cachent le problème pour ce qu'il appelle "des piètres raisons pour protéger l'industrie du tourisme."

Dès le début, le gouvernement adopta une approche multisectorielle pour la prévention du sida. Le président lui-même joua un rôle déterminant pour mettre en place la Commission VIH/sida et le Programme de contrôle du sida (ACP): "Nous nous sommes embarqués dans un programme de prévention en donnant à nos citoyens une information basée sur des faits et non sur la peur et les bruits qui courent", dit- il. A présent, le gouvernement encourage et aide toute organisation et institution qui a un programme anti-sida. Cette aide du gouvernement a porté ses fruits.

La situation actuelle

Selon le rapport de la surveillance et du contrôle du VIH/sida publié en mars 1998, le taux d'infection de VIH en Ouganda, parmi les victimes des maladies sexuellement transmisibles, a diminué dans tous les hôpitaux du pays. Les statistiques de l'hôpital de consultation du sida de Mulago, qui est une référence, montrent que le taux est tombé de 42,2%, en 1989, à 30,2%, en 1997. Dans toutes les cliniques prénatales du pays le taux d'infection a également diminué.

Le Dr Joshua Musinguzi, du centre de surveillance de l'épidémiologie, dépendant de l'ACP, précise que les informations en provenance des sites sentinelles de surveillance de l'infection du sida continuent à montrer une tendance à la baisse dans les régions urbaines et une stabilisation dans les sites ruraux. Mais il se hâte d'ajouter que les cas d'infection sont encore très nombreux, et qu'en conséquence il faut continuer à aider les initiatives existantes pour contrôler la maladie.

Selon le même rapport de surveillance, sur un total de 53.306 cas de sida enregistrés au 31 décembre 1997, 92% sont des adultes de plus de 12 ans: parmi ceux-ci, 46,2% sont des hommes et 53,8% des femmes. Le rapport montre aussi que la moyenne d'âge est de 43 ans pour les hommes et de 30 ans pour les femmes. Toujours d'après les mêmes statistiques, dans la moyenne d'âge de 15 à 19 ans, il y a une différence environ de 1 à 6 entre garçons et filles.

Pourquoi cette hécatombe ?

Selon Mme Sophia Mukasa, directrice de l'Organisation d'aide au sida (TASO), une ONG fondée en 1987, les causes de cette hécatombe en Ouganda sont multiples. "Bien sûr, les guerres civiles qui ont fait rage pendant deux décennies, y sont pour beaucoup. Mais nos coutumes socio- culturelles, telles que la circoncision des femmes, la polygamie et l'héritage des veuves, sont responsables du taux élevé d'infection parmi les femmes."

Pour M. Sam Wangalwa, directeur du Centre d'information sur le sida (AIC), à Kampala, les faibles revenus des gens, associés à un niveau d'éducation très bas, favorisent l'augmentation du taux d'infection dans l'Ouganda rural. Les soins de santé déficients et l'opposition des gens à l'emploi des condoms contribuent grandement à la propagation du sida dans ces régions. Et il indique que la stratégie du AIC est de concentrer son action sur les régions rurales, par le biais des écoles et des communautés locales.

La prévention du sida

TASO et AIC ont lancé ensemble le projet "Initiative Philly Lutaya" pour des personnes vivant avec le sida. Son but est de changer les comportements dans les communautés avec l'aide de volontaires atteints eux-mêmes du sida et qui n'ont pas peur de le dire en public. Ils ont été formés pour partager leur expérience de vie, surtout avec les jeunes à l'intérieur et à l'extérieur des écoles.

Aux efforts des organisations et associations civiles, il faut ajouter une action concertée des organisations religieuses. Le président de l'Association médicale islamique ougandaise, le Dr Kajimu Magidu, dit que le Conseil suprême des musulmans de l'Ouganda a créé un projet qui encourage les imams à éduquer les familles afin de changer leurs comportements. "Nous poussons les imams à visiter les familles musulmanes pour leur enseigner comment accomplir les rites de l'islam, notamment pour laver les corps avant l'enterrement; nous exhortons aussi les couples à subir un test de séropositivité avant de se marier". Le Conseil islamique mobilise aussi les musulmans pour qu'ils aident les orphelins et les veuves du sida.

Le Rév. Gideon Byamugisha, directeur de la prévention et des soins du sida de la Church of Ouganda indique que son Eglise s'implique beaucoup dans la prévention du sida et dans les soins à donner aux victimes. L'aide matérielle qu'ils donnent aux veuves et orphelins du sida leur est fournie par la section des Services humanitaires de l'Eglise. Celle-ci aide aussi les campagnes du projet "Sauvegarde des jeunes du sida", dont le but est d'éduquer les jeunes à une vie plus constructive, en se servant de pièces de théâtre, de séminaires, de discussions, de vidéos ou de films, et des partages avec des personnes atteintes du sida.

Le Frère Danieli Guisti, médecin et directeur du Bureau médical catholique de l'Ouganda, affirme qu'il y a des tas d'organisations communautaires dans pratiquement chaque paroisse dans tous les diocèses, dont le but est de combattre la pandémie du sida. Des sections chrétiennes locales apportent abondamment de l'aide et des soins aux personnes infectées. Le Secrétariat catholique donne de l'aide morale, spirituelle, financière et matérielle à toutes les organisations et associations ecclésiales qui combattent le sida. Le Frère ajoute que, dans chaque hôpital catholique dans le pays ,il y a une section de soins pour les personnes affectées du sida.

Le Fond d'aide aux veuves et aux orphelins (AWOFS) est un projet qui fut lancé par la section des soins à domicile de l'hôpital catholique de Nsambya. Etant les plus vulnérables dans la société, AWOFS donne de l'aide matérielle et morale sous forme de nourriture, habits et abri aux plus démunis parmi eux. Pour qu'ils puissent devenir autosuffisants, AWOFS donne aussi aux orphelins l'occasion d'apprendre un métier, comme menuisier, maçon, tailleur ou mécanicien... Les veuves reçoivent un prêt pour commencer un petit projet à revenu: poulaillers, jardinage.

La Communauté des femmes vivant avec le sida (NACWOLA) est logée dans les mêmes bâtiments que AWOFS à l'hôpital de Nsambya. Selon sa directrice nationale, Mme Beatrice Were, les femmes éprouvent le besoin de se réunir autour de thèmes concernant la sexualité, le viol marital et l'indépendance qu'elles acquièrent par des activités rentables. NACWOLA a pris racine dans 18 des 45 districts de l'Ouganda et compte actuellement 40.700 adhérentes. Elle combat les effets déshumanisants du sida.

Toute rayonnante, Mme Were nous parle du nouveau projet de NACWOLA, le "Mémorial pour les enfants". Ce projet veut transmettre dans un livre, adressé aux orphelins du sida et aux enfants de mères infectées, des messages faits par leurs mamans, avant de mourir. "Nous espérons que ce Mémorial aidera les mères atteintes du sida à faire comprendre à leurs enfants ce que cette maladie a fait dans leurs familles". Mme Were espère que les enfants seront motivés par ces messages pour participer activement au combat contre le sida.

L'aide venant des ONG

Toutes ces organisations mentionnées plus haut seraient impuissantes si elles ne recevaient pas de l'aide financière et matérielle venant d'une douzaine d'organisations étrangères. L' exemple le plus remarquable est celui de l'ONUSIDA, parrainé par l'Unicef, l'Unesco, l'UNFPA, le PNUD, l'OMS et la Banque mondiale. En Ouganda les opérations de l'ONUSIDA sont coordonnées par les représentants de l'OMS. Chaque co-sponsor mène ses programmes parallèlement à ceux du gouvernement ougandais pour combattre la pandémie. Leurs efforts sont d'importance vitale dans la lutte contre le sida.

Le Centre conjoint de recherche clinique (JCRC) et l'Institut ougandais de recherche virale (UVRI) ont été aidés énormément par ces donateurs dans leurs recherches sur le sida, y compris les soins et la prévention. Le Dr P.N. Mugenyi, directeur du JCRC, dit que son centre a reçu des moyens illimités dans l'expérimentation des médicaments, et de l'aide aussi pour d'autres études médicales. Ils disposent d'une ligne téléphonique pour tous ceux qui voudraient discuter anonymement et discrètement avec un conseiller sur tout ce qui concerne le sida.

L'aide des corps médicaux et sociaux

Pendant que les équipes de recherche au JCRC et à l'UVRI passent des nuits blanches pour trouver un remède au sida, le corps médical et social continue à donner son aide à ceux qui sont infectés et à leurs familles.

Le Centre international de Mildmay, en Angleterre, est spécialisé dans la consultation pour les sidéens. Il a commencé à fonctionner en Ouganda, en septembre 1998. Ce centre veut offrir des études avancées et des possibilités de recherche à tous ceux qui vivent en Afrique et dans les pays en développement. Il a aussi l'intention d'ouvrir un hospice résidentiel pour le sida, avec une équipe sanitaire dont les membres se spécialiseront dans la formation de professionnels des soins de santé et de la direction hospitalière.

Pour le Dr Cissy Kityo, du JRCR, ces centres spécialisés, comme celui de Mildmay, sont très bienvenus en Ouganda, car les Ougandais sont surtout préoccupés de prolonger leur vie, sans attendre qu'un remède soit trouvé pour la guérison. Elle faisait ici allusion à la déception des Ougandais concernant les remèdes anti-sida importés en Ouganda en novembre 1997.

Le Dr Dorothy Ochola-Odongo, coordinatrice de l'Initiative à l'accès aux médicaments, sous la direction de l'ONUSIDA, explique que les soi-disant médicaments anti-sida sont des protéines inhibitrices, appelées aussi antirétroviraux (ARV). Pris pendant longtemps dans une combinaison prescrite, ces ARV retardent et même arrêtent la multiplication du VIH dans le sang; mais ces inhibiteurs ne sont pas une guérison miracle du sida. Elle déplore par ailleurs le prix prohibitif de ces médicaments, tout en ajoutant que si cette thérapie de trois médicaments coûte $750 par mois en Ouganda, son prix est encore beaucoup plus élevé dans d'autres pays. "Malgré le prix prohibitif, ces médicaments sont subventionnés par des pays donateurs et des agences pour les rendre abordables aux Ougandais", dit-elle.

"Avec ou sans ces remèdes, pense Mme Beatrice Were, les Ougandais doivent apprendre comment combattre le sida en employant les ressources à portée de main". D'après elle, les conditions préalables pour bien vivre avec le sida sont une diète équilibrée, beaucoup d'eau, une discipline rigoureuse évitant tout rapport sexuel non protégé, l'alcool et la drogue. Les activités récréatives, qui ne fatiguent pas trop le corps, sont cruciales. Elle ajoute que l'aromathérapie, par massage avec des huiles, accomplit des merveilles pour maintenir et promouvoir la vitalité de l'esprit, contrôler les émotions et rajeunir le corps.

Tout en continuant la bataille contre le sida, tous les secteurs de la société ougandaise doivent s'attacher fermement aux méthodes traditionnelles de prévention de cette maladie: abstinence, fidélité et sexe sans risque.

C'est ce qu'a mis en exergue la circulaire publiée par l'Initiative Philly Lutaya: "Si c'est mon tour aujourd'hui, que ce ne soit pas le vôtre demain."

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