ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 361 - 01/02/1999

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Congo-Brazza

Femmes engagées


by Dieuveille N'Lemvo, Congo-Brazza, décembre 1998

THEME = FEMMES

INTRODUCTION

Les femmes congolaises sont affranchies du joug de la tradition
qui les a longtemps subordonnées aux hommes.
Elles assument des responsabilités et connaissent la réussite.

"Désolée, monsieur, je ne puis vous fournir aucune information sur notre association." Suspendue de ses fonctions, Florence Nkouka, la directrice de la caisse féminine d'Epargne et de crédit mutuel (CFMC), est soumise à la réserve.

La caisse est un organisme de micro-crédit animé par les femmes de l'Eglise évangélique du Congo (EEC). Le Conseil d'administration a mis sur pied un comité ad hoc pour gérer les affaires courantes, pendant que les responsables titulaires s'affairent à la constitution du dossier qui consacre désormais l'indépendance de leur institution. "L'Etat veut s'emparer de notre organisation. C'est anachronique, nous ne voulons pas," persistent- elles. La nouvelle société en création recevra donc un statut qui la préserve de la tutelle de l'Etat. Les femmes ayant choisi de faire tourner par elles-mêmes leur entreprise.

Ce comportement participe de l'idéal démocratique auquel s'adaptent les Congolaises. Ils traduit leur volonté ferme de se prendre en charge et d'éviter de demeurer à la remorque des puissants de la société: les hommes et l'Etat. C'est un symbole, l'expression du degré de maturité des congolaises. Tout comme les hommes, les femmes acceptent les risques, s'assument. Les exemples foisonnent pour croire qu'elles sont dignes de confiance, tant elles réussissent dans bien des cas.

Héroïnes

Claudine Munari est entrée dans l'histoire par la grande porte. Sa carrière commence avec les élections de 1992, qui installent son parti aux affaires. Les observateurs de la vie publique congolaise, admirateurs et détracteurs, lui reconnaissent le dynamisme avec lequel elle a veillé au fonctionnement du cabinet présidentiel. A propos de son autorité, un conseiller à la présidence avait dit: "Quiconque veut obtenir les grâces du chef de l'Etat ne doit pas s'aliéner Claudine Munari". Celle-ci aura été la plaque tournante de l'administration de Pascal Lissouba, la "sésame ouvre toi" pour ceux qui démarchaient autour du "Patron". Jamais, dans l'histoire du Congo, une femme n'a entretenu une pareille influence: ministre directrice du cabinet du chef de l'Etat et maire de Mouyondzi, sa ville natale, elle a fait preuve d'une ascendance quasi-naturelle sur ses collaborateurs. Aujourd'hui encore, à l'intérieur du pays, comme dans les médias, on la présente dans le carré magique de l'opposition en exil. Ce docteur en économie a fondé "Femme 2000", une organisation non gouvernementale qui soutient le développement de la femme. La fulgurante carrière de Mme Munari n'éclipse pas pour autant les entreprises combien héroïques d'autres Congolaises.

Quel Congolais ne garde-t-il pas le souvenir d'Alice Badiangana? Un jour de la "révolution communiste" d'août 1963, cette jeune femme retourna aux militaires une grenade qu'ils venaient de lancer sur la foule révoltée.

Quatorze ans plus tard, une future avocate, Julienne Odziel, brave galons et kalachnikovs pour obtenir la libération de son mari illégalement séquestré. Maître Odziel s'est acquis une grande renommée pour avoir émergé au barreau de Brazzaville, à l'époque où il était encore exclusivement composé d'hommes. En 1986, elle s'illustre dans le procès des poseurs de bombes, elle vilipende l'arbitraire et tente de démonter "l'échafaud" du pouvoir pour jeter l'opprobre sur certains citoyens. On retrouve à nouveau Julienne Odziel aux premières heures de la démocratie, comme membre de la commission préparatoire de la Conférence nationale souveraine de 1991, avant d'être élue au présidium de l'historique assemblée. Maître Odziel sera également parmi les organisatrices de la "marche des femmes pour la paix", un des événements de 1993.

Femmes managers

L'essor de la femme congolaise ne se réduit pas à jouer à la Jeanne d'Arc. Il s'exprime autrement aussi: la gestion des responsabilités. La femme congolaise découvre ses potentialités. Elle se déploie partout. Elle entreprend et convainc.

Après une longue expérience à la Banque des Etats de l'Afrique centrale (BEAC), Delphine Mbouyou est nommée directeur général du Crédit rural du Congo (CRC) en 1996; elle est confirmée à ce poste par le gouvernement actuel. Avec elle, la Banque a évolué pour devenir le Crédit pour l'agriculture, l'industrie et le commerce (CAIC). Delphine Mbouyou n'est pas, loin s'en faut, la femme la mieux servie par l'Etat aujourd'hui.

Adelaïde Moundélé Ngollo, elle, s'est vue confier la gestion de la "poule aux oeufs d'or": la Société nationale des hydrocarbures. Malgré les difficultés immenses - Hydro-Congo est sur la liste des entreprises à privatiser au plus tard le 31 décembre 1998 - l'ancienne karatéka affiche un esprit pragmatique, tandis que la sérénité prévaut au sein de la compagnie.

Le Centre des formalités des entreprises (CFE) est une structure de l'Etat. C'est le guichet unique qui apporte les informations et les conseils nécessaires aux créateurs d'entreprises. Sa directrice, Marguerite Homb, souligne que "la femme a des capacités de gestion. Elle intervient à 87% dans tous les secteurs d'activités productives". Facilitateur en gestion et développement des petites et moyennes entreprises (PME), elle plaide pour un soutien et une bonne organisation du secteur informel à forte dominance féminine. L'expansion du secteur informel est un stade du développement d'un secteur privé solide. "Ce sont des initiatives économiques de base", déclare la directrice du CFE. Le jour où l'Etat va se rendre compte que ce secteur participe réellement à l'économie au Congo, il va prendre en compte l'ensemble des problèmes qu'il vit.

Actuellement, plus de 300 femmes s'organisent au sein du projet "Mères et jeunes", du Forum des jeunes entreprises (FJE). Chacune d'elles a une activité qui peut générer la richesse et l'emploi. Le projet est né de la situation d'après-guerre, caractérisée par l'importance des veuves, des femmes mais aussi des filles responsables de famille. Le mouvement est encore dans les langes.

Mais il est permis de considérer son apport virtuel au développement national, lorsque chaque année des centaines de Congolaises auront réussi à animer une PME. Cette ascension sociale et économique, si elle peut conforter les ménages est en même temps l'expression de la véritable intégration de la femme au développement. Les femmes cessent d'être des assistées. Elles s'affirment en tant que moteur du développement. Chaque fois que l'occasion leur est offerte elles ont tendance à prouver que la réussite n'est pas l'exclusivité de l'autre sexe.

Femmes d'Eglise

Jeanne Bakissa fait partie des six femmes pasteurs de son Eglise. Après quatre années de service, dont deux à l'intérieur du pays, elle a reçu le privilège de diriger la paroisse de Mayangui, le "poids lourd" du consistoire de Brazzaville, la capitale. Pour se faire accepter, le pasteur se moule dans le monde de gestion de l'Eglise, fondé sur la liberté d'expression. "Chez nous, confie-t-elle, ce sont les idées qui comptent. Si ce que vous proposez est valable on l'approuve. Cette approbation peut se vérifier dans l'exécution des tâches. Par ailleurs, les fidèles de toutes les catégories me consultent".

L'esprit borné persiste. Mais les choses ont réellement évolué. Jeanne Bakissa évacue la querelle vaine sur l'égalité de l'homme et la femme. "La femme, pense-t-elle, doit prouver ses capacités par le travail, le bel exemple. Le discours, seul, ne suffit pas pour convaincre".

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