ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 361 - 01/02/1999

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Congo (RDC)

Jeunesse et cannabis


by Tshibambe Lubowa, Congo (RDC), décembre 1998

THEME = DROGUE

INTRODUCTION

La consommation à grande échelle du cannabis
menace la jeunesse congolaise

La drogue tant décriée à travers le monde n'est pas absente de la République démocratique du Congo. Tout comme l'alcool, de plus en plus des jeunes de ce pays consomment aujourd'hui le cannabis, un chanvre indien bien prisé dans beaucoup de milieux de la capitale congolaise. Les petits couloirs qui séparent les maisons d'habitation à Kinshasa, communément appelés "tunnels", sont devenus des endroits où se replient les fumeurs de chanvre pour bien consommer leur drogue. L'enceinte de certaines écoles leur sert aussi, avec la complicité des gardes. Pour 0,50 franc congolais, soit 5 francs belges, on obtient une petite mesure de ce produit sous forme de boule emballée dans un bout de papier.

Quel est le circuit du cannabis consommé par les jeunes à Kinshasa? Quel est le profil de ces consommateurs du chanvre indien et que dit la loi anti- cannabique en RDC? Quels sont les dangers qui guettent le pays par cette drogue prise de plus en plus régulièrement par les jeunes? Enquête.

Les communes de Matete, Kisenso, Ndjili, Kimbaseke et Masina (dans la partie est de la capitale) sont, selon certains spécialistes contactés, les coins où le cannabis est prisé par les jeunes, désoeuvrés pour la plupart. Filles et garçons en prennent, même si ces derniers forment la grande majorité. L'armée aussi regorge d'un bon nombre de consommateurs de cannabis.

Ils consomment ce produit à l'état naturel, soit fumé dans un joint, soit mélangé au tabac dans une cigarette. Il est aussi bu dans du café ou du thé. Les veillées mortuaires sont des endroits indiqués pour la consommation - volontaire ou pas - de ce produit. Combien de fois ne se plaint-on pas dans de pareilles occasions d'avoir reçu du café mélangé au chanvre pour, dit-on, bien résister au sommeil et à la fatigue.

Le canabis est aussi mélangé aux feuilles de manioc, un légume bien prisé sur toute l'étendue de la RDC. Assez rarement, il est sniffé. Certains consommateurs disent que le chanvre leur sert de stimulus pour agir sans complexe devant tel ou tel autre problème.

Le cannabis vient de l'intérieur du pays

Selon les vendeurs de cannabis contactés dans la capitale, ils s'approvisionnent en ce produit soit sur place à Kinshasa, où il pousse à l'état sauvage dans certains coins, principalement dans la périphérie, soit à travers des trafiquants qui le ramènent de l'intérieur du pays par trois grandes voies. La première voie est celle du fleuve Congo, où il est transporté sur les bateaux et souvent caché dans les sacs de maïs, d'arachides, de haricots ou de cossettes de manioc. Les matelots, selon toute vraisemblance, facilitent ce transport. Par le fleuve Congo, le cannabis vient des provinces Orientale, Equateur, Kasaï et Bandundu.

La seconde voie est la nationale Kikwit-Kenge-Kinshasa: le cannabis y circule par camion. De la province du Bandundu à la capitale, il est caché dans les sacs de maniocs, d'arachides et de nfumbwa (un légume prisé par les habitants du Bas-Congo, Bandundu et Kinshasa) enfoui au fond de la carrosserie.

La troisième voie, qui passe par Matadi, transporte par camion ou par train le cannabis provenant du Bas-Congo et de l'Angola. Il est caché dans des sacs de maniocs ou d'arachides, dans les emballages de ciment, de sucre et de la farine de froment. Le passage de ce produit est facilité par la complicité des fonctionnaires de l'immigration et des agents de l'ordre qui se laissent facilement corrompre.

Les jeunes sont le plus affectés

Selon un neuropsychiatre du Centre neuro-pathologique de l'université de Kinshasa (Cnpp/Unikin), le Dr. Mfundu Bilongo, le cannabis disponible à Kinshasa est très concentré en principe actif, principalement pour deux raisons: le climat tropical de la RDC, et la courte durée entre la production et la consommation qui offre aux consommateurs un cannabis de très bonne qualité.

Selon ce neuropsychiatre, les jeunes présentent plus de problèmes liés au cannabis que les autres couches de la population. Il affirme que 98% des jeunes hospitalisés au Cnpp de l'Unikin le sont à cause de la consommation du cannabis. Leur âge moyen est de 17 ans. Ce sont les garçons qui sont les plus concernés (98%). Curieusement, ces malades sont pour la plupart (86%) instruits. Mais leur scolarité est caractérisée par l'école buissonnière, les échecs et les abandons scolaires.

Le Dr. Mfundu Bilongo, qui s'intéresse beaucoup aux cas traités au Cnpp, soutient que les cannabiques de Kinshasa proviennent le plus souvent de familles désunies: "Ce sont des enfants qui manquent d'affection, dit-il, leurs pères sont souvent polygames, leurs parents en séparation, divorcés ou en conflit...".

Législation et délits

Consommer le chanvre est une violation de la législation congolaise sur les stupéfiants. Toutefois, les lois en la matière sont sommaires, archaïques et inadaptées. Les principales sont l'ordonnance-loi du 22 février 1903 instituant la culture, la vente, le transport et la détention du cannabis en infraction. Elle prévoit une peine de servitude pénale de 1 à 15 ans et des faibles amendes qui n'ont pas été actualisées. Et le décret-loi du 1er mai 1903 dispose que la plante dont on fume le produit ne peut être employée à aucun usage industriel.

Sur le terrain, le trafic du chanvre exige donc qu'on corrompe les fonctionnaires de l'immigration et les agents de l'ordre. Sa vente est une activité frauduleuse qui se traduit par le vol, la contrebande, l'escroquerie... Beaucoup d'actes criminels sont commis sous l'effet de l'ivresse cannabique. Au cours de l'année 1994, on a noté qu'au quartier de Mbanza- Lemba, dans la périphérie de l'université de Kinshasa, 5 meurtres sur 7 étaient commis sous l'ivresse cannabique. C'est sous la même ivresse que les jeunes brûlent vifs les voleurs, profanent les cadavres, profèrent aux adultes des propos injurieux et obscènes au cours des funérailles. La stimulation sexuelle que provoque le cannabis pousse certains jeunes à la prostitution, au viol, à l'inceste...

Le Dr. Bilongo relève aussi des délits d'imprudence occasionnés par le cannabisme à cause des anomalies de perception (hallucinations, illusions...) qu'il provoque. Il cite l'exemple d'un garde de corps qui, en 1994 au Cnpp/Unikin, avait tenté de tirer sur son chef qu'il croyait menaçant.

Avec la guerre que connaît la RDC, les méfaits du cannabis se manifestent dans les actes ignobles que les populations sont en train de vivre, surtout dans le Bas-Congo où se trouvent concentrés les soldats angolais. Vols, viols, crimes sont devenus des mets quotidiens servis à la population par ces militaires dont la prise de cannabis ne fait aucun doute.

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