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by Mike Mwale, Zimbabwe, décembre 1998
THEME = POLITIQUE
Le style Mugabe: stratégies d'oppression
Il fut un temps où Robert Mugabe, le président du Zimbabwe, était considéré comme un combattant de la liberté et la voix des opprimés du tiers monde, une image qu'il a tenté de défendre en tant que président du Mouvement des non-alignés. La route menant à la résidence de Mugabe était fort fréquentée. C'était un flux continu de personnalités éminentes du monde politique et du monde des affaires, venant demander son avis ou ses faveurs, ou tout simplement faire sa connaissance.
Il fut un temps où ses sujets le craignaient et le respectaient, lui attribuant les qualités divines d'omniscience et d'omnipotence. Ses meetings connaissaient toujours une assistance maximum et ses discours recueillaient des applaudissements enthousiastes.
Mugabe savait ce que voulait le peuple et ne perdait pas de temps à accroître leurs attentes par des promesses. Les gens le considéraient comme leur sauveur et se contentaient de laisser leur sort entre ses mains, croyant qu'il les mènerait à la terre promise.
Il fut un temps où même les travailleurs voyaient en lui le compagnon d'armes de leur lutte en faveur d'une société sans classes, basée sur le principe communiste: "A chacun selon ses capacités - à chacun selon ses besoins". Mugabe assistait habituellement à leurs cérémonies du Premier mai, qu'il rehaussait de sa violente rhétorique communiste et de ses diatribes contre "les capitalistes avares et sans coeur" - aux grands applaudissements des ouvriers. Mais la camaraderie s'est effondrée quand ils se sont rendu compte que ses actes étaient en contradiction avec ses paroles.
Il faisait de son mieux pour avoir l'air communiste et pour se conduire comme tel. Il portait un costume à la Mao. Il rendit gratuit l'enseignement primaire et les soins médicaux. Il contrôlait les prix, les maintenant très bas. Il fixait le niveau des salaires. Il augmenta le droit de parole des ouvriers dans les lieux de travail et instaura des lois rendant difficile aux employeurs de congédier leurs ouvriers.
Mugabe a aussi introduit un plan économique national de cinq ans de style socialiste, et des slogans de style socialiste. Chaque année avait son slogan. Ainsi, il y avait "l'Année du pouvoir du peuple", l'"Année de la consolidation du pouvoir du peuple", l'"Année de la transformation nationale", etc.
Même les structures du parti ont été teintées de communisme: il y a eu le Politburo et le Comité Central. Et quand tout s'est retourné contre lui, Mugabe a tout modifié, sauf les structures du parti. Il ne pouvait plus payer les instituteurs. Les hôpitaux n'avaient plus de médicaments. Les marchandises se raréfiaient dans les magasins. Les employeurs fermaient boutique pour des raisons de viabilité et aussi à cause de l'indiscipline et de l'hostilité des travailleurs. Son gouvernement allait à la faillite à cause des rentrées réduites et des dépenses élevées, à cause aussi d'une économie de grande consommation et de basse production.
Il n'eut pas d'autre choix que de demander l'aide du Fonds monétaire international, qui lui imposa d'introduire le très impopulaire Programme d'ajustement structurel économique, dans le but de sauver l'économie.
Mugabe sait comment exploiter la crainte. Ceux qui se tournent contre lui affrontent la fureur de sa police secrète, dont les opérations, le budget et les dépenses ne peuvent être révélés ni discutés même pas au Parlement. C'est cette peur de Mugabe qui empêche pratiquement l'existence d'une réelle opposition.
Quand un nouveau parti prometteur se forme, des bruits selon lesquels un de ses membres est un informateur de la police secrète (la CIO, Central Intelligence Organization) font fuir tous les autres par crainte pour leur vie; et le parti connaît une mort prématurée.
Personne ne veut risquer son emploi, son entreprise ou sa vie et l'avenir de ses enfants parce qu'on l'aurait vu s'associer à un parti de l'opposition. Pour ceux qui n'aiment pas le ZANU-PF mais ne veulent pas non plus qu'on les voie agir contre lui, le mieux est de devenir "un indépendant". C'est pourquoi il y a des parlementaires indépendants, des conseillers municipaux indépendants et des conseillers ruraux indépendants.
Mugabe contrôle le Parlement, il décide qui doit être parlementaire et qui ne le doit pas, et réduit cette fonction à apposer des cachets. Il désigne aussi les personnes responsables de la commission électorale nationale. Même pour les électeurs, la base, il est dangereux d'être considéré comme admettant des opinions semblables à celles d'un parti d'opposition. On pourrait y perdre ses biens. Il faut avoir une carte ZANU-PF et assister aux réunions du parti tous les dimanches, ce qui empêche donc d'aller à l'église. Même si on vient chercher votre fille le soir pour une réunion imaginaire, vous devez la laisser aller. Il est dangereux de dire non. Il se commet d'abominables choses au nom du parti et on ne peut faire comparaître les criminels en justice.
Ceux dont on découvre qu'ils sont membres d'un parti d'opposition doivent avaler l'amère potion administrée par la CIO, comme le dit un vieil homme politique, Godfrey Mumbamarwo. "Les mesures vont de méthodes primitives, comme la torture, à des méthodes plus obscures et raffinées comme l'appauvrissement. Cela peut se faire en vous enlevant secrètement votre travail".
La tâche de la CIO a été au début facilitée par l'e-xistence de l'état d'urgence que le gouvernement avait hérité du gouvernement de Ian Smith en 1980. Il a fallu la pression intense exercée par les mouvements des droits de l'homme pour que le gouvernement l'abolisse 10 ans plus tard. L'état d'urgence légalisait les arrestations extra-judiciaires et la détention de toute personne considérée comme un danger pour la sécurité de l'Etat.
Les riches, la plupart des Blancs, se sont efforcés de cultiver l'image de supporters du gouvernement ZANU-PF. Ils ont contribué généreusement aux frais de construction du chic quartier-général de sept étages du ZANU-PF à Harare. Ils ont fait la fête et dîné avec les gros bonnets du ZANU-PF lors de dîners dansants. Ils ont lancé le Republican Trophy, un tournoi de courses de chevaux, destiné à récolter de l'argent pour le Fonds du président.
Il est de pratique courante chez les Blancs de prendre comme partenaires de leur affaire des personnes liées à des ministres en fonction, pour que leurs compagnies puissent obtenir des faveurs spéciales du gouvernement.
Pas rares non plus sont les exemples de personnes essayant d'obtenir une affaire en se disant proche de Mugabe. Dans un cas, le "proche" montrait même une photo de son mariage auquel Mugabe avait assisté. Il obtint l'affaire, mais il s'avéra que ce ne fut pas une bonne affaire pour les victimes.
Même la communauté indienne, très centrée sur elle-même, n'a pas voulu s'attirer les soupçons au sujet de sa douteuse allégeance au gouvernement. Elle a toujours fait des dons au ZANU-PF.
Mugabe a aussi entrepris d'améliorer son image au niveau international. Il semble avoir brillamment atteint ce résultat, car il est parvenu à éviter la critique internationale au sujet des violations des droits de l'homme commises dans les années '80, notamment le massacre au Matabeleland.
Il cherche à contrôler les diplomates étrangers accrédités à son pays, de sorte qu'ils ne voient et n'entendent que ce qu'il veut qu'ils voient et entendent. Il ne les autorise pas à avoir affaire à des personnes qu'il n'approuve pas. Il leur dit où aller et où ne pas aller. Il fixe des conditions à la manière dont ils exercent leur fonction dans le pays. Les journalistes étrangers subissent les mêmes restrictions. Ils ne peuvent se déplacer sans escorte.
Ces stratégies d'oppression ont permis à Mugabe de survivre politiquement, en lui assurant la victoire sur ses rivaux et en tenant la population en échec.
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