ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 363 - 01/03/1999

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS



Ouganda

Corruption hors contrôle


by Peter Bahemuka, Ouganda, janvier 1999

THEME = CORRUPTION

INTRODUCTION

La croissance économique de l'Ouganda est réelle,
mais pose aussi des problèmes,
notamment une corruption inquiétante au sein du gouvernement

Ces dernières années, l'économie de l'Ouganda a été très favorablement appréciée: un taux d'accroissement économique sans précédent, avec une moyenne annuelle remarquable de 6% depuis dix ans; un accroissement spectaculaire des investissements dans le secteur privé, une libéralisation du secteur économique et une politique de privatisation.

Mais cette croissance économique galopante a causé aussi des problèmes: le chômage, un coût de la vie très élevé, un fossé entre les riches et les pauvres qui ne fait que s'élargir, des guerres civiles qui n'en finissent pas dans le nord et l'ouest du pays et par-dessus tout un niveau de corruption élevé dans le gouvernement.

Un sondage d'opinion

Le gouvernement a l'énorme tâche d'améliorer le bas niveau de vie de la grosse majorité des Ougandais. Il a échoué jusqu'ici, à cause de la corruption rampante dans son sein qu'il ne parvient pas à contrôler.

Un sondage d'opinion, réalisé récemment par un groupe indépendant de recherche, Corridor Link Ltd, montre que le gouvernement du président Museveni (1986-98) est le régime le plus corrompu dans l'histoire de l'Ouganda depuis l'indépendance. L'enquête a été réalisée auprès d'un échantillon de 500 Ougandais de la cité de Kampala et de sa banlieue. La grosse majorité (64%) de ceux qui ont répondu pensent que, de tous les gouvernements depuis 1962, celui du président Museveni est le plus corrompu; 20% disent que cet "honneur" revient au second gouvernement du Dr. Apollo Milton Obote (1980-85). Seulement 12% disent que la junte militaire de l'ex-dictateur Idi Amin était la plus corrompue; quelque 3% pensent que ce serait le premier gouvernement d'Obote (1962-70); 1% de ceux qui ont répondu n'avait pas d'opinion.

Un nombre retentissant de 79% pensent que l'actuel gouvernement ne fait pas assez pour combattre la corruption, contre 21% qui en sont satisfait. Quant au plus gros problème auquel l'Ouganda doit faire face, 55% pensent que c'est la pauvreté, 27% penchent pour la corruption. Mais la corrélation entre corruption et pauvreté est évidente pour tous les Ougandais.

La corruption officielle

Le gouvernement n'a pas réussi à contrôler la corruption rampante. L'ampleur de cette corruption officielle et l'impunité dans laquelle elle s'exerce sont alarmantes. L'année dernière, la presse donnait l'alarme à l'occasion du scandale de la vente douteuse de la Banque commerciale de l'Ouganda (UCB, une banque du gouvernement) à une firme basée en Malaisie, la Westmond Land Asia, et accusait de hautes personnalités politiques d'y être mêlées.

Dans le milieu bancaire on craint maintenant que la nouvelle Uganda Commercial Bank Ltd (UCBL, le nouveau nom de la UCB), ait été tellement pillée qu'un crash serait imminent, à moins que des mesures draconiennes ne soient prises. Le directeur exécutif de la UCBL, Anandan Vijayan, d'origine malaisienne, a été limogé récemment pour avoir prêté illégalement environ $30 millions à différentes compagnies ces six derniers mois. Il a reçu l'ordre de quitter le pays immédiatement.

Le 10 novembre 1998, la Banque centrale a plaçé son propre superviseur résidentiel à la tête de la UCBL pour en assurer l'efficacité. Certains demandent que le contrat de vente de la UCB soit tout simplement annulé. D'autres projets de privatisation et de travaux publics attribués à des soumissions privées ont causé aussi pas mal d'inquiétudes: l'agrandissement du barrage de Jinja; la vente pourrie du complexe du Nile Hotel à un consortium tunisien (qui n'a jamais payé un sou); la vente du Sheraton Hotel de Kampala (Apollo Hotel Corporation) qui se solda en fiasco lorsqu'il fut vendu à une compagnie qui n'avait pas d'argent pour le payer. Tout cela s'est fait sous l'oeil vigilant de l'inspecteur général du gouvernement (IGG), qui est l'ombudsman du gouvernement et est supposé combattre la corruption. Le bureau de l'IGG a lui aussi mauvaise réputation; certains de ses fonctionnaires ont été attrapés à extorquer des pots-de-vin.

L'affaire Saleh

Même des questions d'importance capitale, comme les achats d'armes pour garantir la sécurité nationale, ont été traitées de façon malhonnête. En octobre 1998, le président Museveni reconnaissait que son frère, Salim Saleh, lui avait avoué avoir voulu se faire un bénéfice financier dans l'achat très controversé d'hélicoptères pour l'armée. Museveni confia aux journalistes, le 21 octobre 1998, que le général-major Saleh et d'autres hauts fonctionnaires du ministère de la Défense avaient voulu tirer des bénéfices de ce marché, mais qu'ils l'avaient reconnu avant qu'il ne puisse prendre des sanctions.

Des officiers supérieurs de l'armée nationale, les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF), ont été également accusés d'avoir profité financièrement et matériellement de la longue guerre civile dans le nord. Un article publié dans l'hebdomadaire The New Times, basé au Rwanda, dans son numéro du 12-18 octobre 1998, accusait Saleh d'avoir "fait de l'UPDF une bande de voleurs". Le général Saleh, qui est aussi le conseiller présidentiel à la Défense, a été critiqué pour son immense richesse, et le public se demande comment un militaire peut s'enrichir ainsi. Que l'UPDS ait été compromis dans ces affaires douteuses a alarmé l'opinion publique. Peu après, dans le crash mystérieux d'un avion dans l'ouest de l'Ouganda, un haut officier de l'UPDF perdit la vie. Il aurait emporté avec lui $1,2 million, mais tout cet argent a disparu sans laisser de traces.

Les ministères de l'Agriculture et de la Justice

Le ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche, a lui aussi été accusé de magouilles et d'organiser des séminaires luxueux sans exécuter les programmes discutés précédemment. Le comité parlementaire chargé d'enquêter sur la malversation financière massive du ministère, notamment $3,4 millions prévus pour construire des réservoirs d'eau dans l'ouest de l'Ouganda, demandait récemment l'arrestation de plusieurs ministres d'Etat en charge de l'agriculture, l'élevage et la pêche. Les parlementaires, qui ont visité ces réservoirs d'eau, ont trouvé aussi du travail mal fait, alors que chacun d'entre eux aurait coûté plus de $300.000. Et là où les fonctionnaires du ministère avaient certifié que 90% du travail avaient été achevés, les parlementaires ont constaté que presque rien n'avait été fait.

Les fonctionnaires n'ont pas pu rendre compte non plus de $1,6 million de subsides destinés à un projet des semences pour l'aide à l'éradication de la pauvreté; on a acheté seulement pour $600.000 de semences, et aucune n'a été distribuée aux fermiers. La vice- présidente Kazibwe, en charge de la croisade anticorruption du gouvernement, annonçait au Parlement en octobre 1998, que plus de $25 millions empruntés pour l'expansion de l'agriculture ces cinq dernières années ont disparu dans son ministère.

Le ministre de la Justice, Joahs Mayanja Nkangi, disait au Parlement, le 12 novembre 1998, que le système judiciaire était corrompu, et que l'escroquerie était monnaie courante dans les tribunaux et parmi les greffiers. Toutefois, dit- il, les juges de hautes instances sont généralement "propres", à quelques exceptions près.

Il est évident que la corruption est partout en haut lieu. Alors, comment les citoyens ordinaires peuvent-ils gagner honnêtement leur vie?

END

SOMMAIRE | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 1999 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement