ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 364 - 15/03/1999

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Mauritanie

SIDA: Vaincre les tabous


by Sidi Ould Sbai et Jedna Ould Deida, Mauritanie, février 1999

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Dans une société où la vie sexuelle relève des non-dits,
la sensibilisation des populations prend une importance capitale

Le premier cas pathologique du SIDA en Mauritanie a été officielllement répertorié en 1986. Dans une société où tout ce qui se rapporte à la vie sexuelle relève des tabous et des non-dits, cette maladie était alors considérée comme "honteuse", parce qu'indissociable d'une légèreté des moeurs.

Cette pudeur, transformée en dogme, s'oppose pourtant aux enseignements du Coran et à la pratique du prophète, les deux premières sources du droit musulman qui organise la sexualité en islam. Les valeurs de la société mauritanienne ont ainsi voilé la réalité religieuse, même si celle-ci ne reconnaît de relations sexuelles que celles consommées dans le cadre du mariage.

Premières mesures

Face à l'évolution de la maladie, les pouvoirs publics, en collaboration avec les institutions spécialisées des Nations unies comme l'OMS et l'UNICEF, ont décidé de réagir.

La première urgence de l'époque était de rendre sûres les transfusions sanguines. En effet, en 1993, le taux de prévalence chez les donneurs de sang était de 3%. Mais ce pourcentage allait croître. C'est ainsi que le nombre des séropositifs atteignit 5% en 1995 et 9% l'année suivante. En décembre 1996, 532 cas porteurs du virus VIH/SIDA - dont un quart étaient des femmes - étaient officiellement répertoriés. 40% des hommes atteints par le virus étaient des célibataires ou des divorcés.

Vers la fin de l'année 1997, la situation s'est encore fortement aggravée; on dénombrait alors sept mille séropositifs, d'après les statistiques du Programme national de lutte contre le sida (PNLS ).

Sensibilisation

Face donc à cette menace, au caractère jusqu'aujourd'hui incurable, l'Etat a misé sur la sensibilisation et la conscientisation pour freiner la recrudescence de la pandémie. Cette mission a été confiée à une antenne rattachée au ministère de la Santé et des Affaires sociales: le PNLS . Ce programme a vu le jour grâce à l'appui financier de l'Union européenne.

Il faut admettre que, depuis sa mise sur pied, le PNLS est parvenu à lever quelque peu le tabou qui pesait sur la sexualité, et cela avec l'aide d'autres éléments socio-éducatifs de la société comme les imams de mosquées, les ONG et les médias. Aujourd'hui, les populations acceptent plus facilement d'évoquer les questions liées aux "interdits sexuels".

Cependant, chez les gens, la maladie elle-même n'est pas encore très bien identifiée, comme le souligne une enquête réalisée à Nouakchott par un journal indépendant de la place. L'enquête fut réalisée sur un échantillonnage de 350 personnes et cherchait à évaluer la prise de conscience des populations concernant les symptômes et le mode de transmission de la maladie. Les résultats démontrent, à travers les réponses, que dans leur majorité ces personnes ne connaissent encore que bien peu de choses sur le sida.

En soi, la mobilisation sociale contre le sida était bien menée par le PNLS . Grâce à la mise sur pied de comités nationaux, sous la houlette du PNLS, un suivi de l'évolution du sida et de la prévalence a été rendu possible par la conjugaison des efforts des uns et des autres. Malheureusement, son action connaîtra en juillet 1996 un blocage d'ordre politique. En effet, suite au remplacement du coordinateur du PNLS qui l'avait initié, l'Union européenne a refusé de continuer à financer le programme jusqu'en octobre 1998. Celui-ci, sans moyens, resta inopérant durant toute cette période. Il fut relayé, tant bien que mal, par quelques associations locales, généralement sans beaucoup de moyens elles non plus, dans le cadre d'un réseau d'ONG de lutte contre le sida.

Dernièrement, des journées nationales de sensibilisation ont été organisées, comportant des conférences-débats auxquelles ont assisté des franges de la population adulte. Les ONG et les imams de mosquées ont contribué, en raison de leur impact, au succès de ces rencontres. Ces campagnes de sensibilisation ont porté sur l'usage des préservatifs, sur la fidélité conjugale, ainsi que sur les dangers des mariages précoces, de la polygamie et de la multiplication des mariages chez les hommes volages.

Le facteur économique

Cependant, si ces aspects peuvent être maîtrisés, il reste toujours le facteur économique qui a engendré la paupérisation et favorisé ainsi dans les milieux déshérités la prostitution et le fatalisme. Dans la société mauritanienne, la prostitution reste clandestine et est intiment liée aux conditions misérables de cette couche de la population. Pour lutter contre le fléau, l'éradication du vecteur de la prostitution suppose une amélioration des conditions de vie matérielle de ces couches sociales. Or, dans un pays où le programme de lutte contre le sida dépend beaucoup du bon vouloir des bailleurs de fonds, cette lutte ne peut être envisagée, à l'instar des autres pays sous-développés, que dans le cadre d'une solidarité agissante de la communauté internationale.

Depuis qu'il a repris ses activités, il y a à peine deux mois, le PNLS -Mauritanie a fait l'ébauche d'une nouvelle stratégie sur l'éducation communautaire, sur la sécurisation des transfusions sanguines, la surveillance épidémiologique et la création de comités régionaux. Cette nouvelle stratégie, qui ambitionne également la prise en charge des cas, a été présentée aux bailleurs de fonds avec l'aide de l'antenne Onu/Sida en Mauritanie. La requête du pays restera donc sujette à son avalisation par les donateurs.

END

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