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by Fred Chela & Simposya, Zambie, février 1999
THEME = SANTE
La vaccination des enfants rencontre des résistances dans certains villages
Mtonga Kabunda, dix ans, n'aurait pas dû mourir ainsi. Elle avait saigné du nez et des yeux pendant une semaine entière parce que sa maman, une veuve faisant l'impossible pour sauver ses autres enfants de l'épidémie de rougeole, ne disposait pas des 50 cents nécessaires pour amener Mtonga à l'hôpital. Quand la rougeole avait fait irruption au village de Muzivo à Sinazeze, une région montagneuse au coeur même des mines de charbon de la ville de Maamba, les villageois s'étaient demandé ce que c'était. A l'enterrement d'une fillette de 14 ans, probablement décédée à la suite d'une rougeole, les villageois pensaient que la mort avait été causée par une mystérieuse maladie qui vous ronge de l'intérieur par manque d'air.
La maladie s'est pourtant rapidement étendue à d'autres villages et affectait les jeunes comme les vieux. Trois des enfants de Mme Merina Siamunyama étaient atteints: Liliane, 14 ans, Ronah, 16 ans, et Sinamalima, 6 ans. "Je les ai amenés à l'hôpital, raconte-t-elle, à 15 km de chez nous, où ils ont été soignés avec d'autres. Mtonga est même venue m'aider pour soigner les trois enfants, puis elle est rentrée au village". Quand Mme Siamunyama revint au village avec ses trois enfants, Mtonga ne se sentait pas bien: "Elle avait de la fièvre. Elle saignait du nez et avait mal aux yeux. J'ai pensé que quelque chose la dévorait de l'intérieur. Je venais de faire soigner mes trois enfants à l'hôpital et je n'avais plus d'argent pour y amener Mtonga".
Elle a soigné Mtonga avec des remèdes traditionnels pour arrêter les saignements, mais en vain. Au contraire, son état empirait. Et de gémir: "J'avais mal de voir Mtonga ainsi. J'avais très peur".
Au désespoir et en dernier ressort, elle amena Mtonga chez le guérisseur traditionnel dans un village voisin. Mais son état se dégradait de jour en jour et plus aucun espoir ne pointait à l'horizon. "J'ai été la rechercher chez le guérisseur et je l'ai portée sur mon dos. Elle se tordait de mal, explique Mme Siamunyama en retenant ses larmes. En approchant du village, j'ai senti que Mtonga ne se débattait plus et je savais qu'elle était morte. J'ai déposé son corps sans vie à terre et j'ai appelé à l'aide".
Ce n'est là qu'un des nombreux récits d'histoires vraies vécues de tous côtés dans les régions rurales de Zambie, qui sont loin des centres médicaux et terrassées par la pauvreté. Le Programme d'ajustement structurel (PAS), prescrit par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, a exacerbé l'absence chronique d'infrastructures médicales.
Mme Siamunyama se tord les mains en évoquant les événements traumatisants qui ont mené à la mort de sa fille: "J'ai fait ce que j'ai pu, mais je n'ai pas pensé l'amener à l'hôpital; là, on aurait peut-être pu la soigner. Si ma fille était revenue me trouver à l'hôpital ou si j'avais eu l'argent pour y retourner avec elle, elle vivrait encore".
A l'initiative d'agents gouvernementaux du ministère de la Santé, une équipe pour la survie des enfants de World Vision s'est déplacée au village et a procédé à une campagne massive de vaccination des enfants contre la rougeole dans toute la contrée. D'après l'infirmière Mme Betty Phiri, 707 enfants âgés de 6 mois à 10 ans ont ainsi été vaccinés. Un certain nombre d'enfants ont dû rentrer non vaccinés chez eux, parce que la provision de vaccins ne suffisait pas. "Nous nous sommes rendu compte que bon nombre d'enfants atteints par la rougeole étaient précisément ceux qui n'avaient jamais été vaccinés auparavant".
Dans le cadre de sa campagne d'immunisation, World Vision a également distribué des médicaments, deux équipements de soins de proximité, un sac de farine enrichie pour bouillie et un sac de supplément énergétique surprotéiné (HEPS). A l'école primaire de Muzivo, l'équipe a improvisé un centre de quarantaine de fortune (une salle de classe sur terre battue avec un toit de chaume délabré soutenu par des perches), qui abritait neuf patients. Le traitement de la rougeole durait six jours.
Le village de Muzivo et ceux des environs sont connus pour être les bastions d'une secte religieuse qui déconseille toute vaccination aux gens. En août de cette année, par exemple, ses membres ont refusé de participer à la campagne contre la polio initiée par le gouvernement. Ils ont incité les parents à ne pas faire vacciner leurs enfants contre la polio en arguant qu'en réalité, le vaccin avait pour but de stériliser les enfants mâles afin qu'ils ne puissent pas engendrer d'enfants à l'avenir.
Aucun effort de la part du gouvernement n'a été en mesure de dissuader la secte de ses convictions. En 1995, 15 personnes sont mortes en une semaine de la rougeole dans cette région à cause de l'influence exercée par cette secte. Dépêchés sur place, les agents de la santé publique ont trouvé les tombes fraîches, mais n'ont pas pu visiter les malades. La secte croit que les personnes malades guériront simplement en buvant de l'eau sur laquelle ils ont dit des prières. Le nombre important de décès à la suite d'épidémies de maladies parfaitement guérissables, telles que la rougeole, n'a pas pu convaincre la secte d'abandonner ses croyances.
L'équipe de World Vision compte organiser une deuxième campagne de vaccination destinée à immuniser le reste des enfants de la région. Mais Mme Siamunyama reste inconsolable de la mort inutile de son enfant: "Si seulement je l'avais amenée à l'hôpital, elle serait encore vivante!".
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