ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 365 - 15/04/1999

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Congo-Brazzaville

Une guérilla s'installe


by Carole Goma Makaya, Congo-Brazza, 27 février 1999

THEME = GUERRE CIVILE

INTRODUCTION

Cet article nous est parvenu accompagné de quelques mots de l'auteur:
«Une fois de plus j'ai dû fuir ma maison, marcher des jours sous la pluie,
dormir à la belle étoile dans la forêt, enjamber des morts...
Je me suis retrouvée entre deux feux.
J'étais couchée par terre avec tant d'autres;
les Ninjas nous enjambaient pour chercher une bonne position de tir...
J'ai pu traverser le fleuve Congo en pirogue pour trouver refuge à Kinshasa.
Enfin, je suis de retour à Brazzaville!»

Après le massacre des hommes d'Eglise au mois de novembre, et d'une centaine de civils début octobre 1998, le conflit localisé dans la région du Pool, au sud de Brazzaville, s'est généralisé. Les anciens Ninjas (milice de Bernard Kolélas, ancien Premier ministre) sont sortis de leur tanière pour manifester leur ras le bol d'être toujours traqués par la force publique. Leurs actes de banditisme se sont multipliés. Aujourd'hui, on parle d'une guérilla.

A la grande surprise des forces armées, les Ninjas ont envahi, le 18 décembre, les quartiers sud de Brazzaville. Ils ont pris le camp Makala et occupé ensuite les quartiers Makélékélé et Bacongo. Leur progression a toutefois été vite interrompue par l'armée, qui a pilonné ces quartiers à l'arme lourde. Passant à l'offensive, les forces loyalistes, composées essentiellement de Cobras, abattaient les jeunes garçons âgés de 10 ans et plus; tous étaient supposés Ninjas.

50.000 habitants de Makélékélé et Bacongo se sont réfugiés dans les quartiers nord de Brazzaville. Par contre, 150.000 personnes sont parties vers le sud, dans les villages du Pool, situés à 100, jusqu'à 400 km de Brazzaville, sous les ordres des Ninjas. Aujourd'hui, ces personnes vivent dans des conditions précaires. Les Ninjas les empêchent de regagner Brazzaville. Ils se servent de la population comme bouclier humain. Avec l'avancée des forces armées, la population coupée de toute information se cache dans les forêts.

La guérilla, jusque-là constituée par quelques Ninjas qui s'étaient terrés après la guerre de 1997, a connu un renfort de jeunes villageois. «Les jeunes villageois ont renforcé les Ninjas dans le but de venger leurs parents, tués lors des exactions commises par les forces loyalistes dans le Pool. En réalité, ils n'ont aucune formation militaire. Ce qui fait leur force, c'est la maîtrise des zones forestières. Ils sont très mobiles dans la forêt et les villages, et puis ils se mêlent à la population. L'armée aura des difficultés à les reconnaître au milieu de la population innocente», explique Henri Massamba.

La situation des déplacés dans les villages du Pool est désastreuse. Claude Diatonta, qui a pu sortir de ce gouffre, explique: «Nous n'avions pas de sel. Je mangeais des tubercules et des feuilles de manioc, sans poisson ni viande. Les gens sont dépourvus de soins, de nourriture, des produits de première nécessité. Le gouvernement en voulant asphyxier les Ninjas, condamne la population innocente».

Pas d'armée républicaine

L'armée a été affaiblie depuis 1991, année de la conférence nationale souveraine. Sous la mouvance de leurs leaders politiques, les militaires ont favorisé la naissance des milices privées. Un homme politique ne se sentait en sécurité qu'avec sa milice, composée de jeunes de sa région. C'est le cas des Cocoyes, Mambas, Zulus, Aubevillois avec Lissouba; des Ninjas avec Bernard Kolélas, et des Cobras avec Sassou Nguesso.

Aujourd'hui, avec le retour de Sassou au pouvoir, ces milices ont été disloquées. La majorité des jeunes Cobras se sont retrouvés dans l'armée, mais ces jeunes recrues n'ont reçu aucune formation militaire. Ils n'obéissent pas au chef d'état-major, mais plutôt à leur chef de troupe, celui qui les a entretenus durant la guerre. Ce désordre a conduit le gouvernement dans le chaos. Il n'a pu maîtriser les actes de banditisme perpétrés au Pool depuis août 1998. Car ces jeunes militaires préféraient piller et violer, plutôt que d'exécuter les ordres.

Pour y mettre fin, le président Sassou, lors du dernier remaniement ministériel, le 16 janvier, a nommé un civil au poste de ministre de la Défense, M. Lekounzou Itihi Ossétoumba. Il a ensuite restructuré l'armée en nommant un nouveau chef d'état-major, le général Yvon Ndoulou. Ce dernier a déclaré que le Congo n'a pas d'armée et que sa tâche consiste à refaire une vraie armée républicaine. Son travail se fait déjà ressentir sur le terrain. Il a demandé aux jeunes recrues de se conformer aux règles de l'armée.

Quelle solution?

La classe politique actuelle rejette toute négociation avec les exilés. La crise est manipulée de l'extérieur par les anciens dignitaires, disent-ils, et elle ne s'arrêtera que par un coup de force. Les Cocoyes et les Ninjas doivent déposer les armes sans condition. «Il n'est pas question de négocier avec qui que ce soit. L'intérêt du Congo, c'est d'exiger de Lissouba et de Kolélas qu'ils cessent d'armer les Congolais contre les Congolais, qu'ils ordonnent l'arrêt des menées bellicistes et subversives», a déclaré Ambroise Noumazaley, secrétaire général du Parti congolais du travail, parti au pouvoir. Ainsi, la négociation ne semble pas être une solution pour les autorités politiques de Brazzaville.

Il faut cependant noter que le gouvernement est divisé en deux camps. A côté de la tendance radicale, qui ne veut pas négocier, il existe aussi une tendance souple. Martin Mbéri, ministre de la Reconstruction, a dit: «Nous n'obtiendrons jamais la paix par la guerre. La paix est une oeuvre collective, qui intéresse toute la classe politique». Et Aimée Mambou Gnali, ministre de la Culture, soulignait: «Le Congo doit s'unir et s'organiser pour dire non à la guerre, et exiger l'ouverture de négociations pour une paix durable».

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