ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 365 - 15/04/1999

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Congo (RDC)

Le franc congolais neuf mois après


by Louis Kalonji, Kinshasa, février 1999

THEME = ECONOMIE

INTRODUCTION

Malgré des mesures draconiennes,
la nouvelle monnaie congolaise a du mal à se maintenir

Il y a exactement neuf mois que le franc congolais (FC) a été lancé. A l'origine, ce franc était présenté comme une monnaie forte et lourde, au taux d'un dollar américain pour 1,20FC. La réforme monétaire avait été très bien préparée. La nouvelle monnaie fut abondamment vantée et louée par une pléiade de chantres du régime, afin de restituer au peuple congolais son unité et faciliter les transactions.

Cependant, la guerre qui déchire le pays depuis sept mois déjà, a provoqué sur le plan économique la décote du franc et l'accélération de l'inflation. La monnaie nationale est entrée dans une période trouble, la "dollarisation" a atteint un niveau inquiétant, et l'évolution rapide du taux de change est devenue de plus en plus troublante. La parité FC- dollar est devenue un système déréglé, variant d'un marché à l'autre, d'une marchandise à l'autre, d'une transaction à l'autre. Une évaluation sommaire de la situation poussait à de graves inquiétudes pour l'avenir de la monnaie nationale.

Pour stopper la décote du franc et surtout pour démystifier une fois pour toutes le dollar, le président de la République a promulgué le décret-loi n§ 177, le 9 janvier 1999, interdisant toutes les transactions en monnaie étrangère effectuées au Congo. Selon ce décret-loi, toute opération de change doit désormais s'effectuer auprès de la Banque centrale du Congo, dans les banques commerciales ou dans des bureaux de change agréés. De même, les rémunérations des prestations de service s'effectueront en FC. Pour les contrevenants, des peines d'emprisonnement allant d'un mois à cinq ans et des amendes allant de 1.000 à 50.000 FC sont prévues.

Réactions

Le décret-loi a fait l'effet d'une bombe dans les milieux d'affaires, frappés de stupeur. La mesure a suscité beaucoup d'incertitude et d'inquiétudes dans ces milieux et parmi les dirigeants de PME et de PM I . Les opérateurs du secteur privé, membres de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), ont examiné les conséquences découlant de l'application du décret, au cours d'une réunion tenue trois jours après sa promulgation. Ils ont exprimé leurs préoccupations sur la mesure supprimant les transactions en monnaie étrangère, posé une série d'interrogations et formulé certaines recommandations.

Les membres du FEC ont demandé au gouvernement d'assurer «une offre suffisante de devises pour garantir la stabilité de la monnaie». A défaut, préconisent-ils, l'autorité devra instaurer un système de change flottant qui, à leurs yeux, a l'avantage de favoriser les affaires. Ils craignent que la nouvelle réglementation risque d'étrangler les entreprises, dont l'essentiel des opérations se passait en monnaies étrangères.

D'autre part, le fixing est qualifié d'unilatéral, c'est-à-dire arrêté arbitrairement par le ministre des Finances. Ainsi, les milieux d'affaires craignent de se retrouver devant le phénomène d'une économie souterraine, où les factures sont libellées en FC, et les paiements sont effectués, en coulisse, en monnaie étrangère.

Une autre préoccupation des milieux d'affaires concerne «les mesures d'encadrement et notamment celles qui concernent la stabilisation du cadre macro-économique et la réhabilitation du système bancaire, qui est aujourd'hui annihilé». Ce qui amplifie les incertitudes et les inquiétudes des dirigeants des entreprises congolaises, est le fait que la couverture en devises à la Banque centrale serait insuffisante face aux immenses besoins du pays. Plus inquiétant encore est le fait que les petites coupures du franc sont englouties dans le secteur informel qui échappe à la Banque centrale. Ce qui risque d'obliger celle-ci à utiliser la planche à billets, avec toutes les conséquences néfastes pour la monnaie.

Deux mois plus tard

Aux yeux de la population, la nouvelle réglementation des transactions est salutaire pour la stabilité et la revalorisation de la monnaie nationale. Car les opérateurs économiques sont obligés d'utiliser le franc congolais sur le sol national, au lieu d'une multitude de monnaies étrangères. En effet, la guerre à elle seule n'explique pas la décote du FC. Il y a aussi la spéculation. Parmi les personnes qui s'y livraient, on cite souvent les cambistes. Ces vendeurs et vendeuses de monnaie fixent à leur manière le taux de change, souvent d'ailleurs avec la complicité des commerçants. Ces derniers gardent les prix de leurs marchandises en devises et se réfèrent à leurs compères pour, à chaque fois, réajuster les prix.

Après un temps de tergiversations, les cambistes ont enfin adopté le taux du gouvernement. Le franc congolais a repris du souffle, le taux de change s'est relativement stabilisé, et la spéculation a marqué un coup d'arrêt. La police nationale a mené des opérations "chasse aux cambistes". Ensuite, elle a réalisé des descentes pour le contrôle des prix dans les entreprises commerciales, dont quelques-unes sont scellées et leurs dirigeants arrêtés. Mais il faut noter que les prix ont à nouveau tendance à monter...

Quel avenir pour le franc?

Le franc congolais suscite toujours des inquiétudes quant à son avenir. D'abord, il ne peut garder sa valeur que si la monnaie nationale gagne la confiance totale des Congolais eux-mêmes. En outre, il sera difficile de le stabiliser sans la relance de la production et l'assainissement des finances publiques. La monnaie doit reposer sur un socle économique solide.

La stabilisation macro-économique et la relance de la production sont deux des trois axes principaux du programme triennal minimum de reconstruction nationale (1997-1999). Avec cette stabilisation, on pense maîtriser les dépenses publiques et faire un effort supplémentaire de mobilisation des recettes. On compte aussi sur la réforme monétaire qui doit aider à rétablir les équilibres macro-économiques. Il est question aussi d'initier une réforme du système bancaire.

La relance de la production vise plusieurs domaines: la réhabilitation des infrastructures; la relance de la production agricole; la redynamisation du secteur de l'énergie; et, enfin, la relance de la production minière, en libéralisant le secteur et en encourageant les investissements privés.

Il convient de mentionner à ce sujet que la nouvelle réglementation en matière de transactions monétaires est concomitante à la création d'une "Bourse congolaise des matières précieuses" (BCMP). Celle-ci est une entreprise privée, mais elle apporte des capitaux frais pour un marché où travaillent des connaisseurs des matières précieuses, capables d'évaluer correctement les prix de l'or et du diamant. Ce qui permettra à l'Etat, qui a trop perdu en ce domaine pour avoir laissé l'initiative aux négociants étrangers et en particulier aux Libanais, de faire entrer au Trésor plus d'argent que ce qu'il percevait auparavant. Bien que la création de la BCMP ait soulevé un tollé général dans les milieux d'affaires étrangers, elle a cependant été favorablement accueillie par les négociants en diamant nationaux.

Il reste la guerre...

Dans un pays en guerre, on peut difficilement espérer un accroissement des activités économiques. Il y a donc nécessité pour l'Etat de mobiliser suffisamment de ressources pour faire face à ses engagements du moment.

Certains affirment que les provinces actuellement sous l'occupation des forces d'agression, à savoir le Haut-Congo, le Maniema, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, n'interviennent que pour 18,3% au PIB du pays. Ce qui ne devrait pas empêcher une certaine relance de l'économie dans la partie du territoire national non touchée par la guerre. Par conséquent, le potentiel mobilisateur des recettes de l'Etat reste intact et les espoirs restent permis, pourvu que la politique financière soit saine et rigoureuse.

Malheureusement, l'examen de la situation au second semestre de l'année dernière nous montre le contraire. Et pour les gens, la priorité absolue du moment est de produire assez de nourriture pour tous.

END

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