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by Djibo Alfari, Niamey, Niger, 13 mars 1999
THEME = ELECTIONS
Ces élections devaient concrétiser la décentralisation des
institutions démocratiques.
Elles ont dégénéré en actes de vandalisme.
Le dimanche 7 février 1999, près de 4 millions de Nigériens devaient se rendre aux urnes pour élire leurs représentants aux conseils locaux, départementaux et régionaux, conformément à la loi n§ 96-06 portant sur la décentralisation au Niger.
Ces élections étaient pressenties comme un avènement national, car c'était la première fois dans l'histoire du pays qu'on organisait ce genre de vote. Les mass-media, la presse écrite officielle et privée ont consacré leurs commentaires sur ces élections pour informer le plus grand nombre de Nigériens sur les enjeux réels de cette décentralisation: elle leur permettrait d'oeuvrer localement pour se prendre en charge et trouver les solutions à leurs problèmes locaux.
Les accords du 31 juillet 1998 ont permis la nomination d'un magistrat et syndicaliste à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), en la personne de M. Mahamane Dan-dah. Composée des représentants de toutes les formations politiques ainsi que de la société civile, elle a abattu, durant plus de six mois, un travail colossal pour une organisation transparente de ces élections, considérées comme celles de la dernière chance pour le Niger. Elles permettraient en effet aux Nigériens de se réconcilier, afin de remettre le pays sur les rails du développement. De plus, les partenaires extérieurs s'y étaient aussi pleinement investis en apportant leur aide morale et matérielle.
Bref, tout était mis en oeuvre pour que ces élections soient un rendez-vous historique pour tout le peuple nigérien. Elles devaient se dérouler dans le calme et la transparence à laquelle tenaient tant les partis politiques de l'opposition, qui ne voulaient pas la réédition des événements de juillet 1996! De cette façon, l'on aurait des élus véritablement choisis par la base, consacrant ainsi l'option pour une décentralisation poussée et effective, à défaut du fédéralisme intégral prôné par la rébellion armée touarègue, qui elle-même avait finalement accepté ce mode de gestion locale.
Vint enfin le 7 février. Tout semblait se dérouler dans le calme et la retenue: aucun incident majeur n'était signalé, et ce sur l'ensemble du territoire. Cependant, les choses commencèrent à se gâter le lendemain, le lundi 8 février dans la matinée, alors que le président de la CENI avait commencé la proclamation des premiers résultats provisoires sur les ondes nationales. Ces résultats étaient nettement en faveur de l'opposition politique.
Mais voilà qu'on apprit que, durant le dépouillement dans certaines localités, des hordes armées de gourdins ou d'armes à feu avaient fait irruption pour saccager complètement les bureaux et détruire le matériel électoral. D'autres, moins "violents" peut-être, avaient simplement décidé de déchirer les procès-verbaux des séances et autres pièces juridiques des bureaux de vote! A en croire les témoignages de l'opposition et de quelques témoins des scènes survenues, de hautes personnalités se sont directement impliquées dans la sale besogne. On cite même à ce propos quelques députés et sous-préfets des régions!
Un conseil extraordinaire des ministres fut convoqué d'urgence pour mesurer l'ampleur de la situation afin d'éviter au pays un chaos dramatique. A l'issue du conseil, il fut décidé que le dépouillement pouvait continuer pour les bureaux qui n'avaient pas fait l'objet d'une mise à sac systématique. Un appel au calme et à la responsabilité fut lancé par le Premier ministre, M. Assane Mayaki.
La CENI, lors d'un point de presse, a décidé de continuer ses travaux malgré les dégâts enregistrés et demandé aux bureaux de vote de valider les résultats conservés à hauteur de 70%. D'autre part, les différents partis politiques refusent catégoriquement la reprise des élections dans les zones où tous les membres des bureaux de vote ont pu conserver, avant les dégâts commis, leurs récépissés portant la signature de tous et attestant la véracité des résultats obtenus. Il suffirait alors d'une simple reconstitution des données pour rétablir chacun dans ses droits.
Le principal coupable indiqué par l'opposition est le parti soutenant l'action du général Ibrahim Baré Maïnassara, à savoir le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP-Jama'a). Mais ce parti rejette cette condamnation en disant que les responsabilités sont partagées entre toutes les tendances en compétition! Pour le moment, le chef de l'Etat a promis que les coupables seraient châtiés. Encore faut-il, a-t-il récemment annoncé sur les ondes de RFI, que l'on sache exactement de qui il s'agit!
A l'heure où nous écrivons ces lignes, la Cour suprême n'a pas encore reçu l'intégralité des documents lui permettant de proclamer définitivement les résultats obtenus. Le peuple nigérien attend toujours, dans la patience - et peut-être la résignation - qu'on lui dise enfin ce qu'il en est.
Cependant, à écouter certains militants et l'homme de la rue, quelques impressions amères se dégagent.
D'abord, une certaine tristesse qui se lit sur les visages. Les Nigériens semblent fatigués de ces remises en question perpétuelles qui ne font point honneur à la démocratie naissante. Il y a quand même d'autres tâches plus urgentes qui les attendent, dans un pays où la situation économique et sociale n'est guère reluisante, loin s'en faut! Ensuite, une certaine interrogation sur le devenir politique du pays. A quand l'instauration d'une démocratie véritable, où la loi de la majorité primera dans le respect de la minorité politique? A quand le respect du choix du citoyen pour prendre en charge les destinées de la nation?
Enfin, l'on espère, malgré tout, que la proclamation des résultats se fera dans un esprit d'équité et de sagesse afin de préserver le pays d'épreuves supplémentaires inutiles.
Puissent les décideurs politiques entendre ces voeux.
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