ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 365 - 15/04/1999

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Ouganda

Quelques pas gagnés sur le sida


by Fred Kirungi, Ouganda, janvier 1999

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Plus de 1,5 million d'Ougandais, soit 7,5 % de la population, sont atteints du VIH

Une bonne nouvelle: depuis les cinq dernières années le taux d'infection est en baisse. Le rapport sur le VIH/SIDA, publié par le Programme de contrôle du sida (PCS) du ministère de la Santé (mars 1998), montre que le taux du VIH parmi les femmes enceintes est tombé de 30%, en 1992, à 15% en 1997. Cette diminution peut être considérée comme représentative de celle parmi les adultes sexuellement actifs. La présence du VIH, parmi ceux qui souffrent de maladies sexuellement transmissibles (MST), est tombée elle aussi de 44% en 1989 à 30% en 1997. C'est très encourageant, car les patients des MST sont les plus exposés au VIH.

Depuis que le PCS commença à suivre de près la propagation du VIH, le taux des infections enregistrées dans les différents centres de surveillance à travers le pays a suivi la même courbe. Il était d'abord monté en flèche, pour atteindre son plus haut niveau en 1997, et puis il a commencé à régresser. Ainsi à Mbarara, dans l'ouest du pays, le taux d'infection monta de 22% en 1989 à 30% en 1992; mais est retombé à 15% en 1996. A Mbale, dans l'est, il était monté de 4% en 1989 à 15% en 1992, pour retomber à 7% en 1997.

D'après le Dr. Elizabeth Madra, en charge du PCS, cette baisse de l'infection du VIH est due à un changement de comportement: «Là où les gens avaient plusieurs partenaires sexuels, ils se limitent maintenant à un seul; là où ils avaient des contacts sexuels dès leurs 15 ans, ils attendent d'en avoir 18 ou 19. Avant ils avaient des relations non protégées, maintenant ils se servent de préservatifs».

La campagne du gouvernement

Le rapport de surveillance des MST/VIH de 1998 montre que le contact hétérosexuel avec un partenaire infecté est responsable de 75 à 80% des cas de VIH. La transmission mère-enfant intervient pour 18 à 22%. Une enquête en 1995 indiquait que seulement 49% du groupe des 15- 19 ans avaient déjà eu des relations sexuelles, alors que le taux en était de 71% en 1989. Il y a eu aussi une diminution des relations sexuelles occasionnelles dans le même groupe d'âge, de 37% en 1989 à 21% en 1995. Ce changement de comportement sexuel est certainement dû à la campagne éducationnelle du gouvernement pour éviter l'infection.

Toutes sortes d'institutions publiques prennent part à cette campagne, depuis la presse jusqu'aux groupements religieux, les écoles et les ONG. Même des particuliers ont pris part à cette croisade. Le président Museveni et le chanteur ougandais de renom, Philly Lutaya, en sont les plus connus.

Le président Museveni n'a manqué aucune occasion pour avertir la population du danger de l'infection du VIH. Il s'est surtout adressé aux jeunes et à l'armée, les conseillant de s'abstenir de toute sexualité jusqu'au mariage.

Philly Lutaya a été le premier Ougandais à reconnaître ouvertement d'être atteint du sida. Lorsqu'il fit cette déclaration en 1988, beaucoup d'Ougandais doutaient encore de l'existence du sida. Sa situation les a convaincus que le danger était bien là! Jusqu'à sa mort, il a voyagé partout à travers le pays, demandant aux gens de changer leur comportement sexuel. «Nous disons aux gens qu'il n'y a pas de remède au sida et que la seule façon de l'éviter est de s'abstenir de tout rapport sexuel, d'essayer d'être fidèle à leur partenaire, et d'employer les préservatifs», dit Madra.

"Droit au but"

  Straight Talk (Droit au but) est une circulaire mensuelle avec un tirage de 30.000 copies. Son message, adressé surtout aux adolescents, les plus vulnérables, est: «Chacun est responsable de son corps, et tout adolescent peut se prémunir du sida».

Les statistiques nationales montrent que les adolescentes atteintes du VIH sont six fois plus nombreuses que les garçons. La rédactrice de Straight Talk, Anne Akia Sydler, attribue cela au fait que les hommes préfèrent les filles jeunes qui, du moins le croient-ils, ont moins de chances d'être infectées. Ces hommes, connus localement sous le nom de "papas sucre" à cause de leur âge et leurs richesses, séduisent les jeunes filles par des cadeaux. «Ces filles sont une proie facile», dit Sydler. «Straight Talk essaie de leur apprendre comment résister à ces papas sucre».

Protéger les jeunes filles

Moses Agwisagye est responsable de l'Association de la jeunesse ougandaise contre le sida, une ONG de jeunes qui informe sur le sida et distribue des préservatifs dans les écoles. Il dit: «La haute incidence du VIH chez les filles vient surtout du fait qu'elles n'ont aucun moyen de se protéger dans ces relations. Les garçons ont les préservatifs quand ils consentent à s'en servir; mais les filles ne peuvent pas obliger leur partenaire à l'employer». Pour changer cela, l'Association des jeunes leur distribue des préservatifs pour les femmes.

Selon le Dr Madra, presque tous les Ougandais connaissent maintenant l'existence du sida; mais cela n'a pas été facile. «Au début il était difficile de parler de sexe et de montrer comment employer les préservatifs, surtout dans les écoles». La plupart des groupes religieux restent opposés à la promotion des préservatifs, qui, disent-ils, ne fait que propager la promiscuité. Pour ne pas heurter de front ces groupes, le gouvernement fit sa campagne en catimini. «Maintenant que les préservatifs ne sont plus une question épineuse comme au début, nous avons changé notre façon de faire, puisque tout le monde en parle», ajoute Madra. Dans les deux dernières années, le PCS a distribué plus de 50 millions de préservatifs

Réponse tardive du gouvernement

Le gouvernement tarda à réagir à la crise du sida, ce qui posa un autre problème. Selon Yusuf Nsubuga, le coordonnateur de la commission Droit et Ethique pour le sida, un organisme créé par le gouvernement pour conseiller et coordonner les activités pour la prévention du sida, le gouvernement au début n'a pas pris ce problème au sérieux: «Entre 1982, quand les premiers cas de sida ont été identifiés, et 1986, il n'y eut aucune réaction du gouvernement. Ce problème a été confié aux ONG qui ont fait tout leur possible pour aider les victimes, mais le taux d'infection, hélas, ne faisait que s'accroître».

Cela a changé avec un nouveau gouvernement qui a constaté que la situation était devenue incontrôlable. Le gouvernement prit alors la résolution de combattre le fléau. En 1986, il créa le Programme pour le contrôle du sida, au sein du ministère de la Santé, pour examiner et prévenir l'infection du VIH. «Mais à ce stade, le sida était encore considéré comme une simple maladie. Ce n'est que plus tard qu'ils ont réalisé qu'il s'agissait de bien plus qu'un problème de santé. C'était aussi un problème culturel et social», dit Nsubuga. Le gouvernement a alors adopté une approche multi-sectorielle pour lutter contre ce fléau. En 1992, fut créée la Commission ougandaise pour le sida, pour coordonner toutes les activités sida dans le pays. C'est sous cette approche que la campagne contre le sida s'est élargie pour couvrir aussi la campagne contre la pauvreté, les pratiques culturelles, telles que la polygamie et l'héritage des veuves, et aussi les lois discriminatoires contre les femmes, telles que les lois sur le divorce, qui toutes augmentaient le risque d'infection du VIH. «Nous sommes convaincus que cette approche multi-sectorielle a porté ses fruits, et on s'aperçoit que le taux d'infection décline», dit Nsubuga.

Mais le taux d'infection grimpe encore

Tout le monde, pourtant, n'est pas d'accord. Francis Mbaziira, coordonnateur- adjoint du Centre communautaire de Kamwokya, une ONG catholique qui soigne les victimes du sida, explique: «Dans notre clinique, jusqu'à ce moment de l'année (1998), nous avons déjà soigné 300 personnes infectées du VIH, alors que l'an dernier nous en avons soigné 200 pour toute l'année. Cela montre que le taux d'infection est encore en hausse. Les chiffres optimistes du PCS sont à la baisse parce qu'un nombre grandissant de gens infectés préfèrent se faire soigner dans des centres privés et ne vont plus dans les centres de surveillance du gouvernement».

Tous sont d'accord sur ce point: il n'y a pas lieu de se réjouir trop tôt. Comme le dit le Dr. Madra: «Le taux actuel d'infection reste toujours haut. Il est plus que temps que les habitudes changent. La campagne doit être intensifiée». Etant donné la pauvreté très répandue et des pratiques culturelles bien ancrées, comme la polygamie (30% des femmes vivent dans la polygamie), la lutte contre le VIH ne sera pas facile à gagner.

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