ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 365 - 15/04/1999

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Angola

Une guerre qui n'en finit pas


by ANB-BIA, Belgique, mars 1999

THEME = Un DOSSIER BIA

INTRODUCTION

Après plusieurs années de vaines tentatives d'instaurer une paix définitive,
la guerre ouverte entre l'UNITA et le gouvernement angolais a repris.
Un bref rappel de l'histoire mouvementée de ce pays.

L'<+>Angola est un des grands pays d'Afrique, avec une étendue de 1.246.000 kmý. Sa population est estimée aujourd'hui à plus de 11,5 millions d'habitants, comptant une centaine de groupes ou sous-groupes ethniques. Le plus important est celui des Ovimbundu (environ 35%), qui occupent le plateau central. On peut encore noter une importante population métisse, principalement dans les villes. Ses principaux produits d'exportation sont le diamant et le pétrole. L'<+>Angola est le deuxième producteur de pétrole de l'Afrique, après le Nigeria, mais il pourrait bien devancer ce dernier dans les années à venir.

Le temps colonial

L'<+>Angola a été le premier pays africain à connaître le colonialisme, et encore sous sa forme la plus rétrograde. Les premiers contacts avec des explorateurs portugais datent de la fin du 15e siècle. Une première colonie s'installa à Luanda en 1575. Durant des siècles les raids militaires portugais s'intéressèrent avant tout à la traite d'esclaves et à la recherche de minéraux.

Après la division de l'Afrique à la conférence de Berlin en 1885, le Portugal se vit obligé d'occuper plus effectivement le pays. L'esclavage prit fin et fut remplacé par un système de travail obligatoire dans les diverses plantations. Le système colonial était surtout basé sur l'agriculture. L'exploitation des mines de diamant débuta en 1913; celle du pétrole en 1956. Le Portugal freina toujours l'industrialisation pour protéger ses propres industries.

Mouvements de résistance - Le mouvement nationaliste des intellectuels angolais s'est créé sur l'arrière-fond d'un énorme ressentiment populaire contre le système du travail forcé. Deux révoltes séparées furent lancées en 1961. Le premier contre la répression coloniale à Luanda, par le MPLA (Mouvement polulaire pour la libération de l'Angola) fondé en décembre 1956. Le second contre les planteurs européens et quelques métis dans le nord de l'Angola par un groupe, surtout Bakongo, qui en mars 1962 s'intégra dans le FNLA (Front national pour la libération de l'Angola). Les deux révoltes furent combattues par l'armée portugaise et se transformèrent en guérillas, d'abord dans le nord et dans la province de Cabinda, ensuite dans l'est du pays. En 1964, des gens du sud quittèrent le FNLA, qu'ils accusaient de tribalisme, et fondèrent en mars 1966 l'UNITA (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola).

Les trois mouvements avaient pratiquement le même programme, mais différaient sous plusieurs aspects fondamentaux dans leur pratique politique. Le MPLA, qui adhérait au marxisme- léninisme et était lié au PAIGC de Guinée-Bissau et au Frelimo du Mozambique, avait le support de l'URSS et de ses alliés et poursuivait une lutte de libération armée basée sur une mobilisation populaire. Ses dirigeants, en partie des métis, voulaient transcender le racisme et le tribalisme. -Le FNLA appelait à des allégeances tribales dans le nord de l'Angola et devint rapidement un instrument de la politique zaïroise et occidentale, cherchant avant tout à détruire le MPLA communiste. - L'UNITA, qui comptait ses partisans principalement parmi les Ovimbundu, cherchait des accommodements avec les forces d'extrême droite portugaise, mais en même temps avec la Chine. Son leader, Jonas Savimbi, fit finalement alliance avec l'Afrique du Sud, qui en voulait au MPLA de sympathiser avec le SWAPO, le mouvement de libération de la Namibie (pays toujours occupé par l'Afrique du Sud à ce moment- là).

Indépendance

Au Portugal, le régime fasciste fut renversé le 25 avril 1974. Les nouveaux dirigeants prirent les mesures nécessaires pour accorder l'indépendance à leurs colonies.

En Angola, on forma un gouvernement de transition, composé de Portugais et de membres des trois mouvements de libération. L'indépendance fut fixée au 11 novembre 1975.

Mais avant que des élections aient pu avoir lieu, ce gouvernement se disloqua et une lutte ouverte se déclencha entre les trois parties, chacune cherchant son appui à l'extérieur. Des troupes zaïroises vinrent au secours du FNLA avec l'aide financière de la CIA américaine. Les troupes sud-africaines prêtèrent main forte à l'UNITA. Le MPLA reçut une aide militaire principalement de Cuba et de l'équipement du Mozambique, du Nigeria et de l'Algérie.

C'est le MPLA avec ses alliés qui l'emporta. En février 1976, les troupes zaïroises furent refoulées dans leur pays; un mois plus tard ce fut le tour des forces sud-africaines à se retirer. Des restes des forces du FNLA et de l'UNITA trouvèrent refuge respectivement au Zaïre et en Namibie, d'où ils continuèrent de faire des incursions sporadiques dans le pays.

Entre-temps, l'indépendance avait été proclamée à la date prévue, le 11 novembre 1975. Le leader du MPLA, Agostino Neto, devint le premier président de l'Angola. A sa mort en 1979, il fut remplacé par l'actuel président, José Dos Santos.

Mais la guerre continue

La guerre continua toutefois tout au long des années 80 et jusqu'au début des années 90.

Au nord, le gouvernement angolais réussit à assurer ses frontières en signant, le 9 février 1985, un pacte de sécurité avec le Zaïre.

Dans la partie sud, par contre, la situation continua à se dégrader. En 1979, les armées sud-africaines et rhodésiennes avaient accentué leurs incursions, ce qui intensifia la crise économique du pays. Entre 1981 et 83, l'Afrique du Sud lança une série de campagnes en Angola pour y attaquer les bases du SWAPO. En même temps, elle aida l'UNITA qui se réinstalla dans le pays et opérait surtout dans le sud-est. Tirant ses revenus de la vente de diamants, l'UNITA finit par contrôler de larges parties du pays. A ce moment-là, elle pouvait encore compter sur l'appui des Etats-Unis où, en février 1986, le Congrès vota même une assistance militaire directe en sa faveur.

Des pourparlers entre l'Angola et l'Afrique du Sud s'échelonnèrent tout au long des années 80, mais se heurtaient d'une part au soutien angolais à la Namibie, et d'autre part à la présence dans le pays des forces cubaines, estimées à 25.000 hommes. En fait, les interventions sud-africaines continuèrent pratiquement jusqu'à la déclaration d'indépendance de la Namibie en mars 1990. Ce n'est qu'après cet événement que l'Afrique du Sud et Cuba décidèrent de retirer leurs troupes, laissant enfin l'UNITA et le MPLA face à face, comme une survivance de la guerre froide.

Vers un accord de paix

A partir de là, les efforts de médiation commencent à se multiplier, notamment de la part du Portugal.

Le MPLA, qui jusque-là gouvernait le pays sous un régime de parti unique, accepte le principe du multipartisme en juin 1990 et abandonne le marxisme-léninisme en octobre de la même année. (On peut noter que, presqu'au même moment, le Frelimo au Mozambique procède au même retournement). En mars 1991, il réunit une assemblée pour revoir la Constitution et annonce des élections multipartites pour novembre 1992. Des pourparlers de paix commencent au Portugal le 1er mai 1991 et aboutissent le 31 mai à l'accord de paix de Bicesse. Les dernières troupes cubaines quittent le pays le 25 mai. Toutefois, les deux partis continuent à essayer de se discréditer l'un l'autre.

En août 1992, Dos Santos et Savimbi publient un communiqué commun, où ils promettent, quels que soient les résultats des élections, de former un gouvernement de coalition. Des élections ont lieu en septembre avec les résultats suivants: aux présidentielles, Dos Santos l'emporte avec 49,57% des voix contre 40,07% à Savimbi; aux législatives, le MPLA remporte 129 des 230 sièges avec 57,85% des voix, alors que l'UNITA en obtient 70 avec 31,39% des voix exprimées. Mais Savimbi n'accepte pas les résultats et repart dans la brousse. La guerre reprend...

Suivent à nouveau des pourparlers de paix, infructueux, en janvier-février à Addis-Abeba et en avril-mai à Abidjan. Le président américain Clinton essaie vainement durant 4 mois d'arriver à un accord de paix, et finalement reconnaît le gouvernement angolais en mai 1993. L'Onu impose un embargo sur les armes et l'essence à l'UNITA, mais le Zaïre l'ignore et continue à fournir de l'essence contre des diamants angolais.

De nouveaux pourparlers de paix sous l'égide de l'Onu se prolongent, alors que la guerre continue et semble tourner en faveur des forces gouvernementales. Finalement, en novembre 1994, les deux parties signent le Protocole de Lusaka, qui prévoit un cessez-le-feu, la formation d'un gouvernement d'unité nationale, le désarmement des troupes de l'UNITA dont une partie s'intégrerait dans l'armée gouvernementale, et de nouvelles élections. Les territoires et localités occupés par l'UNITA doivent passer sous contrôle de l'administration centrale. Les Nations unies envoient une mission d'observation, la MONUA.

Mais la réalisation de l'accord fut pénible et le Protocole de Lusaka n'aura finalement permis qu'une parenthèse de paix relative de 1994 à 1998. D'une part, l'installation de l'administration centrale dans un certain nombre de territoires se fit avec beaucoup de brimades. Mais d'autre part, on ne peut nier que ce soit avant tout l'UNITA qui fit montre d'une mauvaise volonté manifeste à remplir ses engagements. Il y eut d'interminables discussions, accords et désaccords, entre autres sur la place de Savimbi dans le pays (vice-président, conseiller à la présidence, chef de l'opposition). L'UNITA a surtout manifesté une énorme réticence à désarmer ses forces et n'a jamais voulu rétrocéder au gouvernement ses fiefs du centre du pays, malgré les insistances et les pressions toujours plus fortes de la communauté internationale (gel des avoirs de l'UNITA, embargo sur ses ventes de diamants, etc.). Les faits ont démontré qu'elle a utilisé les quelques années d'accalmie à se réarmer.

La guerre reprend

Des combats, plus ou moins sporadiques, ont repris à partir de mars 1998, tant dans le nord que dans le centre du pays, l'UNITA reprenant bon nombre des localités qu'elle avait transmises au gouvernement. Le 4 septembre 1998, le président Dos Santos annonça qu'il suspendait tout dialogue avec Savimbi, et la lutte reprenait de plus belle.

Début décembre, voulant en découdre définitivement, l'armée gouvernementale lança une offensive contre les fiefs de la rébellion à Bailundo et Andulo, au centre de l'Angola, mais fut repoussée. L'armée dut reconnaître s'être trompée sur la puissance de l'UNITA, qui dispose de chars et d'artillerie lourde. Celle-ci a même ouvert plusieurs fronts dans la plupart des provinces du pays. Le 29 janvier 1999, le président Dos Santos s'est attribué des "pouvoirs exceptionnels" pour conduire directement la guerre, et a nommé comme ministre de la Défense un général connu pour sa détermination. Il a même demandé que la MONUA quitte le pays à la fin de son mandat, fin février. L'objectif est clair: en finir une fois pour toutes avec l'UNITA et Savimbi.

Mais même si l'armée gouvernementale dispose d'une supériorité numérique et d'un armement de pointe, les troupes de Savimbi semblent plus déterminées et disciplinées, et surtout elles ont une meilleure connaissance du terrain avec des techniques de guérilla extrêmement efficaces. Malgré un certain nombre de revers, l'UNITA a toujours su rebondir.

Un pays exsangue

«Vingt ans de guerre permanente ont fait 40 milliards de dollars de dégâts et coûté 30 milliards de dollars en effort de guerre, sans compter les centaines de milliers de victimes, les dizaines de milliers de mutilés et les millions de déplacés», écrit C. Ouazani dans 'Jeune Afrique' (15 septembre 1998).

Le gouvernement tire la quasi-totalité de ses revenus de sa production pétrolière, mais les prix très bas du pétrole sont un réel handicap. D'autre part, les recettes diamantaires, la deuxième source de revenus de l'Etat, passent pour les deux tiers dans les caisses de l'UNITA, qui contrôle largement les zones diamantifères.

La production agricole a connu une chute inexorable. L'introduction de fermes d'Etat, sur le modèle soviétique, n'y est sans doute pas étrangère. Mais la cause principale reste la guerre. Bien des régions se sont vidées de leur main-d'oeuvre, les champs sont minés et abandonnés. La guerre a également détruit 75% du réseau routier et déstructuré les circuits commerciaux. L'<+>Angola doit importer les quatre cinquièmes de sa consommation.

«C'est au niveau psychologique que les conséquences de la guerre sont les plus graves», écrit encore M. Ouazani. «Le moral des Angolais est plus qu'entamé par ce conflit dont ils ne voient pas l'issue. Tout Angolais a été déplacé au moins une fois dans sa vie. Le plus souvent aigri, pour ne pas dire détruit, il a du mal à garder espoir».

NOTA - * Source principale: New African Yearbook, 1997-98, IC Publications Ltd

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