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by Ramasiarisolo Mathieu C., Madagascar, mars 1999
THEME = ECONOMIE
Après des années de dirigisme et la faillite des
nationalisations, Madagascar
doit réorienter sa politique économique, face à la mondialisation et la
libéralisation.
Les industries malgaches traversent actuellement des conjonctures difficiles face à la libéralisation et face, notamment, à l'importation massive presque illicite de produits de l'étranger. Bon nombre de dirigeants se plaignent de la politique du gouvernement, qui se fait au détriment des entreprises locales, sans aucune forme de protectionnisme.
«Les activités et les exploitations de notre industrie à l'heure actuelle ne couvrent plus nos différentes charges. Nous essayons depuis toujours d'améliorer la qualité de nos produits et la gestion de notre entreprise. Nous achetons 300 tonnes de cacao par an de nos paysans dans le nord et des sucres produits aussi sur place; nous employons en permanence 150 personnes. Bref, nous essayons de tenir le coup face à la conjoncture actuelle, et même nous sommes en règle sur le plan fiscal. Mais tout cela, l'Etat ne veut pas le savoir. L'Etat ne songe même pas à protéger les industries qui font des efforts pour donner une image de marque de notre pays. Le libéralisme est mal interprété chez nous. Contrairement à ce que pensent les autres, le protectionnisme ne va pas à l'encontre du système libéral. Essayez, par exemple, d'exporter en Afrique du Sud des marchandises que ce pays produit déjà sur place... Certes, les choses importées sont moins chères sur le marché, et les consommateurs en profitent; mais ne soyons pas dupes! Il faut voir d'abord la qualité de ces produits, "made in China", ou en Indonésie... Et combien gagnent-elles, les 2, 3 ou tout au plus les 5 personnes qui importent ces produits, tuant ainsi carrément nos industries? et combien versent-elles à l'Etat?», souligne Mr Rakotoasimbola, directeur commercial de la "Chocolaterie Robert".
Il faut dire que celle-ci est l'une des industries locales qui continuent encore à tourner, malgré tout. Mais, toujours selon ce dirigeant commercial, si on ne prend pas des mesures concrètes pour protéger nos industries, d'ici peu, celles-ci risquent de fermer leurs portes. On enregistre déjà deux à trois entreprises par semaine au chômage technique; d'autres sont en voie de disparition et quelque 10.000 emplois seraient menacés. Le PapMad (usine de fabrication de papier à Madagascar, la seule dans la région de l'océan Indien) risque de sombrer à plus ou moins long terme. Quand la concurrence sans limite frappe sérieusement les industries locales, l'Etat, qui est censé réglementer le marché, ne parle que de libéralisation.
Qui aurait pu croire que la banane provoquerait un jour une guerre commerciale entre les Etats-Unis et l'Union européenne en cette fin du 20e siècle? Et pourtant, elle est bien là, cette guerre. Ce qui démontre que les EtatsþUnis protègent leurs producteurs, aussi bien nationaux que multinationaux. Et qu'ils n'hésitent pas à faire du protectionnisme. Et dans le monde entier, les pays industrialisés agissent de même.
A Madagascar, par contre, dès que des industriels malgaches se plaignent de la libéralisation sauvage, d'aucuns crient au protectionnisme dépassé! C'est à se demander si les dirigeants actuels ne veulent pas qu'à Madagascar, un jour, tout soit importé de l'extérieur, même ce qui est déjà produit sur place, et même si la qualité de ce produit "made in Madagascar" est égale - sinon supérieure - à celle d'importation. C'est à se demander aussi s'ils ne veulent pas retrouver la situation d'avant 1939-1940, quand tout était importé. Pire, l'Etat adopte une politique incompréhensible dans l'imposition fiscale de ces entreprises.
Certes, les difficultés actuelles des entreprises ne sont pas forcément le corollaire de la politique fiscale en vigueur. Les motifs évoqués par les responsables de ces entreprises ne sont pas toujours les mêmes. Pourtant, certaines personnes au ministère du Travail simplifient la situation, qu'il s'agisse d'une sorte d'ajustement structurel au sein de ces entreprises ou d'une stratégie pour mieux répartir.
La loi des finances 1999 stipule, dans sa politique fiscale, l'amélioration de l'équité de l'imposition, soi-disant dans le but de développer le secteur privé. Or, les différentes mesures en matière d'imposition fiscale ne peuvent en aucun cas être interprétées comme des mesures incitatives pour les industries locales devant les importations sauvages.
Maintenant, l'Etat veut imposer aux industries locales une nouvelle formule, le fameux droit d'accises (20%), qui frappe non seulement les matières premières importées mais également les produits fabriqués sur place, en plus de la TVA qui est aussi de 20%. Dans ce cas, affirment certains opérateurs, mieux vaut tout importer! Mais cela signifierait la fin pure et simple de toutes les activités des usines locales. Et alors?
Industriels ou pas, tout le monde se pose la question sur ces droits d'accises. Pourquoi cette imposition touche-t-elle certains produits et pas d'autres (en l'occurrence les produits importés)? Est-ce que les décideurs ont calculé les conséquences qu'entraînent ces droits d'accises sur l'économie nationale?
De fait, la politique du gouvernement est tout à fait incompréhensible. Il dit vouloir diminuer les effets néfastes du secteur informel, une des principales causes de la faiblesse de nos rentrées fiscales. Mais l'application de ces droits d'accises va au contraire favoriser ce secteur informel. L'Etat risque donc de subir aussi des pertes sur la TVA. En 1998, l'ensemble des recettes fiscales se chiffrait à 1.688 milliards de francs malgaches; le manque à gagner sur le seul secteur informel atteindrait 64 % des impôts collectés. Si les recettes de ce secteur avaient été récupérées, les rentrées fiscales seraient passées de 9,3% à 15,3% du PIB.
Devant l'incompréhension des industriels, le ministre de l'Industrie et de l'Artisanat, Mamy Ratovomalala, a donné quelques explications au Conseil national de l'industrie. Le conseil du gouvernement a discuté en long et en large sur ce sujet. Cette année, le gouvernement veut atteindre un taux de pression fiscale de 11,4% du PIB, sans oublier les accords avec les bailleurs de fond, auxquels il faut bien se plier. L'extension des droits d'accises aux produits locaux constitue une des stratégies pour atteindre cet objectif. Ainsi, le gouvernement envisage pour cette année une recette de 200 milliards de droits d'accises, dont 82 milliards tirés des produits locaux. En avançant ces chiffres, le ministre n'exclut pas toutefois des points à négocier avec les industriels.
Il n'y a pas que les charges fiscales qui asphyxient les industries locales. Elles sont aussi victimes de concurrences déloyales au niveau des douanes. En fait, les produits importés sont largement avantageux, et l'octroi d'exonérations en faveur des importateurs, qu'ils soient étrangers ou malgaches, existe toujours.
Dans son édition du 4 mars 1999, l'Express de Madagascar dénonçait un certain opérateur économique qui avait importé d'Indonésie 200 tonnes de marchandises, en les déclarant comme "matières premières" nécessaires à la fabrication de savon. Or, tout le monde sait que ce monsieur importe exclusivement des produits finis. Ainsi, au lieu de payer une taxe de 25% pour des produits finis, il ne doit payer que 5% (en admettant qu'il paye!).
Combien d'opérateurs font des choses pareilles (fausses déclarations, sous-facturations douanières, etc.) au vu et au su des hauts responsables, voire même au niveau de la présidence? Un inspecteur de douane, qui préfère garder l'anonymat, nous a dit que les fraudes au niveau des douanes sont des sources de financement potentielles pour les partis politiques à Madagascar, et ce depuis les régimes successifs.
Cette perméabilité de l'administration douanière à Madagascar ne fait qu'aggraver la situation des entreprises locales. Ce qui explique clairement le bas prix des produits importés par rapport à ceux fabriqués sur place. En conséquence, pas mal d'usines doivent se mettre au chômage technique et comprimer leur personnel. Encore faut-il souligner que, les règles du jeu étant complètement faussées, cette faiblesse de l'Etat tue l'esprit d'entreprise et de compétitivité chez les opérateurs malgaches..
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