ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 366 - 15/04/1999

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Ouganda

La pauvreté est-elle en baisse?


by Peter Bahemuka, Ouganda, février 1999

THEME = COND.SOC.

INTRODUCTION

Avec un produit national brut de 300 dollars par habitant,
l'Ouganda est considéré comme un des pays
au niveau de vie le plus bas, un des plus pauvres du monde

Bien que l'Ouganda soit un pays agricole bénéficiant d'un sol tropical fertile, la nourriture produite localement est chère, et certaines familles doivent se contenter d'un repas par jour. La plupart des gens sont habillés de vêtements de seconde main importés d'Europe et d'Amérique du Nord, et pourtant le pays cultive le coton. Parfois, les vêtements sont lavés tous les trente-six du mois par manque de savon et on les porte jusqu'à ce qu'ils soient en loques.

Les conditions d'habitation sont infectes au point que la plupart des citoyens vivent largement en dessous des conditions de vie admises internationalement. De grandes familles vivent inconfortablement dans des maisons d'une pièce. La plupart n'ont pas les moyens de se payer l'électricité produite localement et n'ont plus qu'une solution, le bois comme combustible, ce qui exerce une pression extrême sur les ressources forestières et entraîne un déséquilibre de l'environnement. Les femmes, en tant que mères et responsables de la famille, et les enfants sont les plus atteints par la réduction des dépenses sociales et le retrait des subsides à l'alimentation. Il y a aussi eu des restrictions dans les services de soins de santé. L'enseignement est un luxe qui se paie cher. Les décrochages dans les écoles supérieures sont nombreux. Les hôpitaux manquent de moyens et ne peuvent s'occuper de personnes qui n'ont pas l'argent nécessaire pour recourir à la médecine privée.

Autre problème: la maladie, qui se caractérise par un taux de mortalité infantile élevé et une malaria généralisée. La situation de tout ce secteur a encore empiré du fait de l'épidémie de sida qui anéantit la main- d'oeuvre productive âgée de 18 et 55 ans. Le gouvernement ougandais, par le Programme national élargi de vaccination va consacrer Ush 1,3 milliard (près de $1 million) en vaccins pour des projets de vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la rougeole au cours de l'exercice financier 1998/99. En 1995/96, le gouvernement avait acheté des vaccins contre la rougeole pour une somme de $360.000. En 1996/97, on avait dépensé $320.000 en vaccins.

La pauvreté en hausse ou en baisse? þ Les affirmations des hommes politiques, de la société civile et des gens ordinaires sont contradictoires. Les gens disent que la pauvreté généralisée augmente de façon alarmante, alors que le gouvernement avec ses économistes affirme que, actuellement, la pauvreté est en déclin. Selon Emmanuel Tumusiime Mutebile, secrétaire permanent du Trésor au ministère des Finances, le produit national brut par habitant ne donne pas une image vraie de l'actuel pouvoir d'achat du revenu de l'Ougandais moyen. Il cite une mesure alternative du revenu par habitant, le "dollar de parité du pouvoir d'achat" ($PPA), selon lequel le PNB par habitant est calculé pour tous les pays par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Ces calculs tiennent compte de la différence du prix des produits de consommation entre les pays. Le PNUD estime que le $PPA par personne en Ouganda est d'environ $1.370, ce qui fait près de $3,75 par jour.

Mutebile affirme que 2 millions d'Ougandais sont sortis de la pauvreté entre 1992 et 1995/96, suite à la politique économique du gouvernement sur les revenus. Il ajoute qu'entre 1992 et 1995/96 quatre enquêtes successives ont été faites au sujet du revenu des ménages. Elles ont été réalisées selon des méthodes internationales de collecte et d'analyse de données. Une ligne de la pauvreté a été établie d'après les principes appliqués dans le monde entier pour mesurer le nombre de personnes vivant dans la pauvreté. «Les résultats des quatre enquêtes sur les ménages montrent que la proportion de la population qui vit dans la pauvreté a diminué de 10 points, de 56% en 1992 à 46% en 1995/96. Alors que la pauvreté reste réelle, ces résultats montrent de façon concluante qu'entre 1992 et 1995/96 deux millions d'Ougandais ont franchi le seuil de la pauvreté, un nombre très significatif en si peu de temps».

Le gouvernement ougandais a publié ces résultats en août 1998 sous le titre "Tendances de la pauvreté en Ouganda 1992-1996".

Analyse des tendances de la pauvreté þ Le gouvernement ougandais, en collaboration avec le Centre de l'université d'Oxford pour l'Etude de l'économie africaine, a analysé cette année les tendances de la pauvreté en Ouganda entre 1992 et 1996 en se basant sur une ligne de pauvreté absolue, reflétant ce que cela coûte financièrement de répondre à certains besoins essentiels.

D'après les données de l'enquête de 1993/94 sur les ménages, une personne a besoin de Ush 11.500 (moins de $10) par mois pour répondre aux besoins alimentaires de 3.000 calories par jour. Prenant cette donnée comme ligne de pauvreté qui situe les plus pauvres des pauvres, 32,5% de la population de 1992 vivait dans une pauvreté extrême, mais en 1996 ce chiffre était descendu à 26,2%.

Selon les mêmes données, chaque personne avait besoin de Ush 16.400 (environ $12) par mois pour couvrir l'alimentation de base et les besoins non alimentaires. Utilisant ce chiffre comme ligne de pauvreté totale, il y a eu une diminution de la population pauvre de 55,6% en 1992 à 45,6% en 1996. Cela indique une diminution de 2,5% de la pauvreté absolue en Ouganda entre 1992 et 1996. Bien que la pauvreté soit en diminution partout, elle est plus présente dans les régions du nord et de l'est. En 1996, 65,1% de la population du nord et 53,3% de celle de l'est ne pouvaient pas encore satisfaire à leurs besoins élémentaires. La région centrale a connu la plus forte diminution de la pauvreté, de 45% à 28%.

La réduction de la pauvreté est surtout le résultat de la croissance de l'économie, car il y a eu peu de changements dans le degré d'inégalité dans le pays lui-même. La pauvreté a diminué dans presque tous les secteurs sauf le secteur minier et chez les chômeurs. Cette diminution s'est traduite par un modeste plus chez les cultivateurs de cultures vivrières (5,8%) si on les compare à ceux qui pratiquent la culture commerciale (19,1%) et à la production agricole non vivrière (10,7%). Les secteurs suivants ont connu de notables réductions de la pauvreté: les services publics (32,4%), les industries de transformation (18,4%) et les transports et communications (17,6%).

Favoriser une plus forte croissance þ Par son Plan de modernisation de l'agriculture, le gouvernement entend favoriser une plus forte croissance dans les secteurs où sont engagés la majorité des pauvres. Le gouvernement va aussi continuer à fournir un environnement permettant aux secteurs prospères de continuer à se développer et à créer des emplois. Dans son Plan d'action pour l'éradication de la pauvreté (PEAP), le gouvernement applique une stratégie double d'éradication de la pauvreté, consistant en des mesures destinées à augmenter les revenus et des mesures pour améliorer la qualité de vie des pauvres. On estime que si le PEAP réussit et si le taux de croissance économique annuel de plus de 7% est atteint, l'Ouganda pourrait éradiquer la pauvreté de masse dans les vingt prochaines années et réduire la pauvreté absolue à moins de 10% de la population.

La politique de libéralisation du café est une des actions les plus efficaces du gouvernement pour réduire la pauvreté. En 1986, un planteur de café n'obtenait que l'équivalent de $0,10 pour un kilo de café: en 1998, le planteur obtient $0,60 au taux de change actuel. Alors que le compte était de 18% pour l'ensemble du pays, la diminution de la pauvreté absolue était de 32% parmi les ménages engagés dans la culture commerciale.

Le poids de la dette de l'Ouganda þ Même si le gouvernement est conscient des souffrances de la population du fait de la pauvreté généralisée, il a pieds et poings liés par le fardeau d'une dette de $3,6 millions et continue à emprunter. Selon certaines affirmations, le pays est fortement dépendant de l'aide des donateurs et des emprunts étrangers pour assurer la majorité de ses besoins budgétaires; sans cela l'économie s'effondrerait et cela irait encore plus mal pour la population.

Pourtant, Mutebile affirme que, dans l'agriculture et dans toute une série d'industries, c'est le secteur privé qui est la force motrice et non l'aide étrangère. Il fait remarquer que l'Ouganda a enregistré une hausse de 19% des investissements privés en termes réels en 1997/98. Il souligne aussi que l'aide étrangère, en dehors des remboursements, a actuellement légèrement baissé en termes de dollars au cours des quatre dernières années.

Taux de croissance þ Durant la même période, dit Mutebile, la croissance réelle des industries a atteint environ 15,9% par an et la croissance réelle de l'agriculture industrielle environ 11,1% malgré la sécheresse et les pluies d'El Niño en 1997. Durant la même période encore, la croissance réelle dans la construction a atteint environ 17,8% par an, et pour les transports et communications elle s'est élevée à environ 13,2% par an. La pêche, le tourisme et le commerce ont aussi vu le rendement de leur secteur en forte augmentation, grâce à la libéralisation économique, au maintien d'une inflation minime et à la stabilité macro-économique.

Recettes þ Mutebile ajoute que, au cours de l'année fiscale 1997/98, les recettes fiscales et autres couvraient 65% des dépenses totales du gouvernement. Ces recettes ont été plus que suffisantes pour financer les dépenses courantes du gouvernement comme c'est le cas depuis 1994/95. L'aide des donateurs, dont une grande partie consiste en subventions ou en prêts à taux réduit, 80% étant des subventions, n'est actuellement nécessaire que pour financer certains projets de développement, tels que la construction de routes, à côté d'autres projets financés par les fonds propres du gouvernement. Le secrétaire du Trésor fait aussi remarquer que le gouvernement ougandais n'a cessé d'augmenter régulièrement la part des dépenses couvertes par ses propres ressources. En 1991/92, les recettes du gouvernement ne pouvaient couvrir que 62% des dépenses courantes. Pour l'année fiscale 1998/99, on prévoit que ces recettes s'élèveront à 114% des dépenses courantes.

La campagne du Jubilé 2000 þ Depuis des années, l'endettement de l'Ouganda a été un sujet de débats. En octobre 1998, le "Réseau des dettes de l'Ouganda" a lancé la section ougandaise de la campagne du Jubilé 2000. Ce Réseau est une coalition de soutien et de pression d'ONG, d'institutions et de personnalités ougandaises dont le but est de rendre le fardeau de la dette supportable. Sa campagne prône la prudence dans le recours aux prêts et aux dons, afin d'améliorer le développement social et économique du peuple ougandais.

Jubilé 2000 est une campagne mondiale qui plaide en faveur de la suppression totale des arriérés de la dette extérieure des pays pauvres afin qu'ils puissent s'engager sans dette dans le prochain millénaire. Cependant, bien qu'une grande partie de l'Ouganda soit extrêmement pauvre comme en témoigne le niveau de vie de sa population, des fonctionnaires gouvernementaux continuent à mal gérer les fonds publics. Les millions de shillings perdus en magouilles ne seront jamais récupérés. En conséquence, le peuple n'a aucune confiance dans le gouvernement et il se demande pourquoi finalement le pays doit emprunter de l'argent. Une des requêtes de la campagne du Jubilé 2000 est que, pour la conclusion d'emprunts, les gouvernements des pays lourdement endettés instaurent des systèmes ouverts, transparents et fiables, impliquant la société civile pour le contrôle. Cette mesure est impérative si l'on veut supprimer le fardeau de la dette qui pèse sur les citoyens pauvres des pays pauvres. La campagne du Jubilé 2000 a reçu l'appui de plus de 60 organisations ougandaises, principalement des ONG.

PPTE þ Mutebile est fier de signaler aussi que l'Ouganda a été le premier pays à bénéficier de l'initiative d'allégement de la dette des Pays pauvres très endettés (PPTE), grâce à sa stabilité macro-économique. Ainsi, $650 millions de la dette extérieure de l'Ouganda ont été "effacés". Il fait remarquer que cette réduction avait pour but d'éviter que la dette devienne une entrave à une croissance économique plus rapide, et devait libérer des ressources supplémentaires qui permettraient au gouvernement de financer des programmes-clés destinés à réduire la pauvreté, tel le Programme d'enseignement primaire généralisé. «Cela permet que le reste de la dette extérieure soit gérable et que son service soit assuré sur une base adéquate, en utilisant les recettes des exportations du pays sans mettre une pression exagérée ni sur le budget gouvernemental ni sur la balance des paiements».

Selon le ministre de l'Industrie et la Technologie, Vincent Nyanzi, le gouvernement ougandais s'est engagé à créer plus d'emplois assurant à la population du travail rémunéré. Il fait remarquer qu'avec une population, croissant à un taux de 2,8% par an, il est essentiel d'instaurer un mécanisme grâce auquel on crée de l'emploi rémunéré et productif.

Inquiet de la pauvreté qui sévit, le ministre Nyanzi prône la création d'un secteur industriel sain et durable, capable de moderniser la société et d'engendrer la croissance économique si nécessaire qui stimulera la création d'emplois, élèvera le niveau de vie de la population et éradiquera la pauvreté. Nyanzi dit que le gouvernement va continuer à créer un environnement favorable à l'investissement; il cite le développement produit par le secteur privé que le gouvernement favorise. «La politique macro-économique du gouvernement est de créer un secteur industriel fort, viable, durable, organisé par le secteur privé et orienté vers l'exportation».

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