ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 367 - 01/05/1999

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Cameroun

Nouveaux atouts contre la pauvreté


by Sylvestre Tetchiada, Cameroun, mars 1999

THEME = DEVELOPPEMENT

INTRODUCTION

Après dix années de stabilisation, d'ajustement et de restructuration économique,
et au terme de sept années de transition démocratique,
le Cameroun retrouve une éclaircie économique et une stabilité politique
propices au développement durable. Dans ce nouveau contexte,
l'Etat a fait de la lutte contre la pauvreté son principal cheval de bataille.

On savait que le Cameroun était classé parmi les pays dits de faible développement humain, occupant le 132e rang dans le "Rapport mondial sur le développement humain 1998". Aujourd'hui, la situation est encore plus critique. Les données disponibles et les chiffres régulièrement avancés depuis 1998 font peur à presque tout le monde. Au bureau du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) de Yaoundé, on l'affirme de façon péremptoire: «un Camerounais sur deux est pauvre».

Sur une population estimée en 1999 à 14 millions d'individus, la moitié est donc frappée par la pauvreté. En 1998, l'indice de pauvreté était de 30,9%: cela veut dire que près d'un tiers de la population du Cameroun souffre de trois formes fondamentales de dénuement en: longévité, savoir, et conditions de vie. En 1996, rapportent les experts du PNUD, les ménages camerounais consacraient 47,7% de leur revenu aux voies "alimentation, boissons et tabac". Les pauvres y consacrent 53,3% de leur budget, contre 50,4% pour les ménages intermédiaires et 39,4% pour les riches.

La géographie de la pauvreté

L'essentiel de la consommation des ménages se résume à la satisfaction des besoins alimentaires, de logement et de santé, qui ensemble représentent un peu plus de 75% des 2.372 milliards de francs cfa de consommation totale de l'année 1996. L'enquête camerounaise auprès des ménages, qui alimente le Rapport sur le développement humain 1998 - La pauvreté au Cameroun (PNUD, Yaoundé, janvier 1999), indique qu'en 1996 41,5% des ménages pauvres avaient pour chef de famille un chômeur. Ce rapport souligne que les villes camerounaises hébergent 13,4% des pauvres, alors qu'elles comptent 30% de la population du pays. La partie rurale, avec 70% de la population, compte 86,6% des pauvres.

Depuis l'accélération de la crise économique, près de 1.040 entreprises ont fait banqueroute. Ce qui a accru le nombre de pauvres dans les villes. Dans le monde rural, le secteur agricole est la source principale des revenus des pauvres.

Dans les régions de l'ouest, 90% des ruraux ont des lopins de terre qu'ils cultivent, et un petit élevage porcin ou de volailles. Dans les régions de forêt ou de hauts plateaux, l'incidence de la pauvreté est moins forte pour les ménages dans lesquels on pratique exclusivement l'agriculture vivrière. Beaucoup de pauvres se rencontrent dans les régions où la terre arable est assez rare, les inondations et sécheresses assez courantes. La région septentrionale est de ce fait très vulnérable. Les régions richement dotées en ressources naturelles ne sont pas épargnées. La province de l'Est, par exemple est riche en bois et en or et autres minerais précieux. Pourtant elle manque cruellement d'infrastructures socio-économiques et de services sociaux.

Une nouvelle dynamique

Lors de son investiture à l'Assemblée nationale, le 3 novembre 1997, le chef de l'Etat déclarait: «Je l'ai dit en me présentant aux suffrages des Camerounais, la justice sociale et l'amélioration des conditions de vie seront les priorités de mon septennat». Par la suite, au cours d'un conseil de cabinet spécial du 9 décembre 1998, une "Déclaration de stratégie de lutte contre la pauvreté" est rendue publique. Elle avait fait auparavant l'objet d'une large consultation au sein des départements ministériels, et d'une concertation appropriée dans les services du Premier ministre, élargie au secteur privé, aux ONG et à la société civile.

Cette politique de lutte contre la pauvreté se confirme à la fin de l'année 1998. Le 30 décembre, les services du Premier ministre publient un important communiqué qui annonce un certain nombre de mesures, prises avec l'ensemble de son équipe, pour poursuivre l'offensive amorcée contre la pauvreté.

Dans cette perspective, les décideurs et les acteurs du développement veulent se baser sur les expériences riches et variées vécues dans le monde et sur le terrain au Cameroun, ainsi que sur des recherches sur le concept de "Développement dans l'équité".

De nouvelles pistes ont été ouvertes. Le gouvernement les axe sur quatre grands piliers: l'action sur le cadre macro-économique et celui institutionnel, des actions spécifiques et ciblées sur des groupes vulnérables et sur le plan sectoriel, et des principes forts pour soutenir leur mise en þuvre.

La mise en place, il y a un an, avec l'appui technique du PNUD, d'un "Programme national de gouvernance" (PNG) devrait servir de moteur à la lutte contre la pauvreté: «les plans d'actions sectoriels y afférents sont attendus au plus tard le 30 avril 1999», indique la déclaration du gouvernement.

Le PNG devrait: s'attaquer aux dysfonctionnements structurels de l'administration; organiser et rendre effective la décentralisation (contenue dans la nouvelle loi fondamentale promulguée par le chef de l'Etat le 18 janvier 1996, et non encore appliquée); et, enfin, s'ouvrir sur la promotion des institutions de contre-pouvoir et l'élargissement des espaces de liberté et les droits de l'homme. Comme pour donner du répondant à cette option gouvernementale, les experts du PNUD prêchent la création d'une administration de développement dont les réformes incluraient «des actions structurelles et verticales portant sur l'amélioration de la gestion des fonctions économiques prioritaires».

Décentraliser pour mieux juguler

Le Cameroun, à l'instar de la plupart des pays en voie de développement, a entrepris de rompre avec un passé dominé par la centralisation excessive des pouvoirs, et de progresser vers un contexte dans lequel ses populations aient véritablement une influence sur le développement socio-économique.

Lors de la session parlementaire du mois de mars 99, le gouvernement a pris l'engagement de faire des collectivités décentralisées des instruments utiles à la réalisation d'un développement humain durable. «Il est désormais reconnu, affirme Jean Jacques Ndoudoumou, coordonnateur du PNG, que la décentralisation du pouvoir est l'une des meilleures manières d'associer les citoyens à l'administration et d'accroître ainsi l'efficacité de conception et d'exécution des programmes de développement, avec des améliorations au niveau de l'équité et de la participation».

Quelques responsables d'ONG, participants à la réunion de concertation organisée par le gouvernement, ont plaidé pour que les interventions visant à lutter contre la pauvreté soient localisées au niveau le plus bas possible, pour garantir sa réussite; c'est-à-dire, au niveau des communautés de base. Celles-ci permettront de décloisonner les circuits administratifs, faits de lourdeurs bureaucratiques et improductives, à l'origine des échecs répétitifs de certains programmes de développement.

Au demeurant, l'option du gouvernement de bâtir des synergies nouvelles dans la croisade contre la pauvreté, est perçue par toutes les composantes de la société comme l'une des actions les plus positives que le gouvernement ait jamais entreprise depuis 1990, année du retour au multipartisme.

Pour gagner le combat de la pauvreté, «le gouvernement mise, sur la gouvernance et la décentralisation», a réaffirmé le Premier ministre Peter Mafany Musonge devant les députés. Par dessus tout, l'Etat camerounais, qui entend réussir son pari, veut consolider sa réforme politique et en faire un impératif. Ceci dans le but de créer un espace démocratique dans lequel les Camerounais puissent exprimer leurs revendications, agir collectivement, et lutter pour une distribution plus équitable du pouvoir.

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