ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 368 - 15/05/1999

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Bénin

L'alternance de nouveau à l'horizon


by Michel Tchanou, Bénin, avril 1999

THEME = ELECTIONS

INTRODUCTION

Les résultats du dernier scrutin législatif au Bénin
consacrent le retour en force de l'ancien président Nicéphore Soglo
sur la scène politique nationale.

Miné par des crises internes, avec pour conséquence des démissions en cascades, le parti Renaissance du Bénin (RB) de Nicéphore Soglo était au creux de la vague à la veille du scrutin législatif. "La rivière s'est tarie, les biches doivent se chercher un autre point d'eau", disaient avec une pointe d'ironie les adversaires de M. Soglo, faisant ainsi allusion à une des déclarations de ce dernier quand il était chef de l'Etat: "La biche ne se fâche pas contre la rivière". Les biches, c'étaient les partis politiques soutenant son action. La rivière, c'était le pouvoir que lui, le chef de l'Etat, incarnait. Depuis, l'expression est passée dans le langage courant. Voilà que, le 30 mars dernier, l'eau s'est remise à couler dans la rivière, au grand bonheur des biches restées fidèles.

Revanche

Avec 27 sièges remportés sur les 83 en compétition, la RB a surpris l'ensemble de la classe politique, y compris ses propres militants et dirigeants. Sa percée à Cotonou, capitale économique, en est l'illustration éloquente. Elle y a raflé 8 sièges sur 9. Le dernier est revenu à son allié de l'opposition, le Parti du renouveau démocratique (PRD) de Me Adrien Houngbédji. Cotonou, ville siège du gouvernement, passe ainsi dans les mains de l'opposition, à l'instar de Porto-Novo, capitale administrative. Avec 27 sièges pour la RB et 11 pour le PRD, l'opposition n'a besoin que des 4 sièges de l'Alliance- Etoile, un parti que se dit centriste, pour obtenir la majorité absolue de 42 députés à l'hémicycle.

Pour l'instant, Nicéphore Soglo, qui a pris une part très active aux campagnes électorales, savoure sa victoire. Les Béninois qui, en 1996, ne lui ont pas renouvelé leur confiance, semblent soudain réaliser leur erreur. Face à la gestion plutôt chaotique du pouvoir en place, soutenu par une coalition hétéroclite de partis politiques, les Béninois se rendent compte qu'ils avaient misé sur le mauvais cheval. C'est vrai que les Béninois mettent à l'actif de Mathieu Kérékou, qui a déjà dirigé le pays durant tant d'années, son respect des libertés fondamentales et les acquis de la conférence nationale. Mais, au plan de la gestion économique du pays, le gouvernement Kérékou a montré toutes ses limites.

Déçus, les Béninois viennent d'envoyer un signal fort à leurs dirigeants. Et, bien entendu, la remise sur orbite de Nicéphore Soglo doit troubler le sommeil de l'équipe en place, comme l'a reconnu le président de la Coalition des forces démocratiques (CFD), qui soutient l'action du chef de l'Etat.

Echec

Les premières victimes du mécontentement des populations furent d'abord les ministres et proches de Kérékou. Profitant généralement des attributs de l'Etat et de l'effet pouvoir, les ministres candidats à la députation se font aisément élire sous nos cieux. Ce constat a été battu en brèche par les résultats du dernier scrutin. Sur douze ministres candidats, seule la moitié a pu se tirer d'affaire, et à quel prix! L'échec de quelques-uns d'entre eux a valeur de symbole.

C'est par exemple le cas à Cotonou de Séverin Adjovi, directeur de campagne du candidat Kérékou, lors des élections présidentielles de mars 1996. Alors qu'il était dans l'opposition, il réussissait chaque fois à tirer son épingle du jeu. Cette fois-ci, il a été laminé, et même ridiculisé, par la RB.

Echec aussi pour le jeune ministre Christian Lagnidé, patron d'une chaîne de télévision privée à très forte audience, LC2. Candidat d'un parti que se veut des "jeunes", Christian Lagnidé a échoué à Cotonou, malgré une campagne électorale tonitruante sur sa chaîne de télévision. Depuis, on s'interroge sur le destin politique de cet homme d'affaires, véritable self-made- man qui, pour nombre de Béninois, a été invité au gouvernement par le chef de l'Etat surtout à cause de sa chaîne de télévision, histoire de le neutraliser.

Echec enfin pour Damien Zinsou Alahassa, sur lequel misait l'ensemble des partisans de Kérékou, pour réduire l'influence de M. Soglo dans sa région d'origine.

Cap sur 2001

Après les législatives, tous les regards sont aujourd'hui tournés vers 2001, qui marque la fin du quinquennat de Mathieu Kérékou. Pour mémoire, rappelons que c'est au terme d'une année de transition que Nicéphore Soglo, Premier ministre désigné par la conférence nationale des forces vives, avait été élu à la tête de l'Etat en mars 1991. Son adversaire à ces élections présidentielles avait pour nom Mathieu Kérékou, candidat à sa propre succession après dix-sept années de pouvoir sans partage.

Cinq années plus tard, en mars 1996, soutenu par une coalition de partis politiques dont la seule plate-forme commune était l'alternance au sommet de l'Etat, Mathieu Kérékou avait été réélu contre le même Nicéphore Soglo. A ce dernier, on ne reprochait pas son bilan, mais plutôt son arrogance, sa suffisance, sa gestion clanique du pouvoir. Mathieu Kérékou, selon la formule choc d'un de ses chauds partisans, avait été rappelé "pour une nouvelle transition". Trois ans après, son ancien "tombeur" frappe de nouveau.

L'opinion cependant reste très partagée: il y a ceux qui prônent le retour de Nicéphore Soglo et il y a ceux qui veulent sortir une fois pour toutes de la logique de Kérékou-Soglo / Soglo-Kérékou. Pour ces derniers, chacun de ces deux hommes a déjà fait ses preuves. Et, disent-ils, le retour de Soglo pourrait ouvrir la porte à des règlements de comptes. Ni Kérékou, ni Soglo, proclament-ils. Mais qui alors? Adrien Houngbédji, classé troisième? Ou son rival Bruno Amoussou, président sortant de l'Assemblée nationale?

Ils ne sont pas nombreux à être capables de répondre à cette question. Cependant, même si ses actions le laissent supposer, Kérékou n'a pas encore ouvertement déclaré sa candidature aux présidentielles de 2001, contrairement à Soglo.

Les deux dernières années du quinquennat Kérékou seront riches en rebondissements.

END

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