ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 368 - 15/05/1999

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Ouganda

L'effondrement d'une banque


by Crespo Sebunya, Ouganda, avril 1999

THEME = ECONOMIE

INTRODUCTION

La Banque Greenland est un imposant immeuble de onze étages,
en face de la Banque centrale ougandaise à Kampala.
Mais en décembre 1998, son fondateur et directeur général
, le Dr Sulaimani Kiggundu, a été révoqué

Après avoir été révoqué sans cérémonie du poste de gouverneur de la Banque centrale ougandaise, le Dr Sulaimani Kiggundu bâtit, avec des grandes entreprises et autres ressources financières, l'empire Greenland. Au temps de sa splendeur, Greenland comptait des hôtels, des intérêts dans une université, des usines agro-alimentaires et, bien entendu, la Banque Greenland, son fleuron. La banque a connu un succès fou, tous les investisseurs possibles étant désireux de confier leur argent, durement gagné, aux tendres soins de cette banque.

Mais en décembre 1998, tout a commencé à aller mal þ du moins pour autant que le public ait pu s'en rendre compte. Kiggundu fut révoqué sur ordre du gouvernement, et on pense que son comptable principal s'est enfui en Californie.

La Banque centrale, dit Kiggundu, a commis une faute en autorisant d'énormes transferts d'argent de la Banque commerciale ougandaise (UCB ) vers certains directeurs de la Banque Greenland. UCB et Greenland étaient d'étranges partenaires, et leur relation n'était pas très claire.

Selon un article paru dans New Vision, journal du gouvernement, la Banque Greenland avait acheté l'UCB par une transaction malhonnête. Plus tard, une enquête parlementaire révélait que le général Salim Saleh, parent du président Yoweri Museveni, avait utilisé la Westmont Company, de Malaisie, comme couverture pour acheter l'UCB.

Le 1er avril 1999, la Banque Greenland a été finalement fermée et Kiggundu a été poursuivi pour avoir causé de sévères pertes financières aux investisseurs.

Prêts non remboursés

La saga UCB-Greenland n'est qu'un épisode de la triste histoire financière de l'Ouganda. Ce secteur de l'économie était censé faciliter l'investissement et permettre le développement de banques locales, auxquelles les Ougandais auraient plus facilement accès. Mais le souhait de Kiggundu de voir les Noirs représentés dans les banques commerciales ougandaises semble n'avoir été qu'un rêve. En 1992, neuf des quinze banques étaient locales; mais en 1998 il n'y en avait plus que deux sur vingt-deux qui méritaient le titre de "Banques ougandaises".

Une raison de cette tendance à la baisse est qu'en Ouganda, on n'a pas suffisamment développé le sens du prêt. Mark Ellyne, autrefois représentant du FMI en Ouganda, prétend que les Ougandais sont parmi les plus mauvais débiteurs du monde parce que "ils empruntent sans avoir l'intention de rembourser. Ils considèrent un prêt non comme une somme à rembourser mais comme un geste d'amitié". Pas étonnant que les banques locales se retrouvent avec des prêts non remboursés!

Ce qui est aussi regrettable, c'est que les directeurs de banques ne répondent pas à ce qu'on attend d'eux. Le problème est que ces banques ougandaises sont des affaires familiales, et leurs responsables ne distinguent pas affaires et plaisir. Néanmoins, malgré leur inefficacité, les banques attirent encore des clients. La Banque Greenland avait 120.000 déposants au moment de la fermeture.

Banque de crédit international

La Banque Greenland n'est pas le seul désastre bancaire de l'Ouganda. L'affaire la plus mémorable concerne la Banque de crédit international (ICB ) et ses transactions avec le gouvernement rwandais. Les Rwandais avaient avancé $3 millions à l'ICB pour l'achat d'hélicoptères. Les hélicoptères ne répondaient pas au modèle exigé et, de plus, leur nombre était inférieur à ce qui avait été commandé et payé. Le gouvernement rwandais s'est senti floué. Mais qu'a trouvé à dire le directeur général de l'ICB, Patrick Katto, fils de Thomas Katto? "Pour autant que nous le sachions, la marchandise a été livrée et reçue par le ministre rwandais de la Défense". Le gouvernement rwandais espère évidemment récupérer son argent, mais cela risque de durer. La Banque centrale ougandaise a déjà fait savoir au Rwanda qu'elle est occupée à liquider l'ICB et que, pour les remboursements, les Ougandais ont la priorité.

Dans les cercles financiers d'Ouganda, on a de plus en plus le sentiment que la Banque centrale a manqué à sa responsabilité de surveillance des banques commerciales ougandaises. Mais maintenant elle a pris conscience de ses devoirs. Son département de supervision a été renforcé, et on a fait des contrôles sur place aux banques soupçonnées de faiblesse. Gold Trust et Crane ont toutes deux été inspectées et leurs activités été rationalisées. Une autre réponse énergique a été de s'occuper avec détermination des débiteurs qui ne payaient pas leurs dettes.

Le gouvernement a encore pris d'autres mesures pour renforcer l'industrie bancaire. L'ICB a été "fermée aux affaires" et on lui a accordé six mois pour recapitaliser, sinon elle sera mise en vente. Les six mois ont pris cours en septembre 1998 et sont venus à échéance en mars 1999; mais l'ICB ne montre aucun signe de recapitalisation. Les dirigeants de l'ICB avaient mis leurs espoirs dans des investisseurs chinois ou sud-africains, espoirs qui ne se sont jamais matérialisés.

La liquidation de banques n'est pas très populaire auprès du citoyen moyen. Récemment, un groupe de pression nommé "Citizens Concerns" a fait savoir qu'il résisterait aux efforts du gouvernement pour liquider des banques, et qu'il est bien possible que la Banque centrale agisse avec malveillance.

De fait, on a entendu dans les couloirs du Parlement des voix parlant en faveur de l'ICB et réclamant que la Banque centrale émette un ordre de "suspension d'exécution".

END

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