ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 369 - 01/06/1999

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Afrique

Résurgence de la médecine traditionnelle


by Justin Mendy, Sénégal, mars 1999

THEME = SANTE

INTRODUCTION

Le premier Congrès international sur les médecines traditionnelles et le VIH/SIDA,
tenu à Dakar au mois de mars dernier,
a consacré la reconnaissance de cette pratique sur le continent, et ailleurs

"...Nous devons constater que la médecine classique, malgré ses nombreux succès et ses performances prodigieuses, reste encore impuissante devant certaines maladies. C'est le cas pour les maladies psychiques ou psychosomatiques qui concerneraient plus de 50% des populations des pays développés". A ce constat du ministre sénégalais de la Recherche scientifique et de la Technologie, M. Balla Moussa Daffé, s'ajoute cette autre remarque du président de l'Association pour la promotion de la médecine traditionnelle (PROMETRA), le Dr. Erick Gbodossou du Sénégal: "La médecine traditionnelle est un système de connaissances précieuses, une sagesse ancienne, un ensemble renouvelé de pratiques pour l'équilibre de l'être humain et l'harmonie avec son environnement. Elle a, dans de nombreux domaines, fait ses preuves, donné des résultats tangibles et dispose de possibilités énormes".

La médecine traditionnelle est aussi vieille que l'humanité qui, avant l'apparition de la médecine dite moderne, a toujours eu recours aux éléments de la nature pour soulager les affections diverses. Elle connaît de nos jours un regain d'intérêt au niveau mondial, et une forte recrudescence dans la pratique sur le continent africain, et ailleurs aussi sur la planète, compte tenu, d'une part, des limites de la médecine moderne face à certaines maladies comme le VIH/SIDA et, d'autre part, du coût prohibitif des consultations et des médicaments pour le citoyen moyen.

En effet, la médecine traditionnelle "constitue toujours un recours pour les populations en détresse, et surtout les populations pauvres qui n'arrivent pas à régler le problème élémentaire de l'accessibilité géographique et financière des services de santé primaires", reconnaît le directeur de cabinet du ministère de la Famille et de l'Action sociale, M. Cheikh Tidiane Diop.

C'est pour toutes ces raisons que l'ONG sénégalaise PROMETRA a pris l'initiative d'organiser à Dakar, au cours du mois de mars dernier, ce premier congrès international sur les médecines traditionnelles et le VIH/SIDA. Ils étaient plus de 500 médecins et guérisseurs d'Afrique et aussi des Amériques essentiellement à y prendre part et à débattre de tous les aspects de la médecine traditionnelle.

Une collaboration indispensable

La conclusion centrale de cette rencontre a été la nécessité de créer un véritable pont entre les deux médecines concernées. Les participants ont en effet recommandé, dans un document dit "Déclaration de Dakar", l'intégration des guérisseurs dans un processus devant conduire à une collaboration avec leurs collègues de la médecine moderne, leur implication dans les structures de recherche et la création de structures locales pour faciliter l'accès aux soins de santé des populations.

Cependant, les tradipraticiens exigent certaines garanties quant à la reconnaissance de l'authenticité de leurs recettes, avant qu'ils ne livrent celles-ci, car des cas de plagiat ont été signalés dans le passé. Aussi, les participants à la réunion de Dakar sont également d'avis qu'il faut établir un cadre juridique pour les guérisseurs. Le plus souvent un tel cadre fait défaut et les tradipraticiens pratiquent, la plupart du temps, sous un régime de simple tolérance, dans leurs pays respectifs mais aussi au niveau international, où il y a un vide juridique total. Cependant, une législation de la médecine traditionnelle ne devrait pas être conçue selon une hiérarchie à deux vitesses, déterminée en fonction de la médecine moderne.

La gestion de la protection des connaissances médicales traditionnelles et de leur promotion, à l'échelon régional et au niveau mondial, a été confiée à PROMETRA. Celle-ci aura également pour mission de "jouer le rôle d'interface de toutes les activités faisant intervenir les bailleurs de fonds et les structures de base oeuvrant dans la médecine traditionnelle". Elle doit aussi détecter les sources de ce savoir traditionnel et les mettre en valeur, favoriser la perpétuation de la tradition et assurer la conservation du patrimoine culturel dans ce domaine et du trésor de connaissances léguées par les ancêtres, en amenant les guérisseurs à s'entourer de disciples dignes de confiance, de peur de les voir disparaître, un à un, emportant avec eux leur savoir et leur savoir-faire. En effet, en Afrique surtout, il arrive que des détenteurs de tels savoirs meurent sans les avoir légués en totalité ou partiellement à leurs "héritiers".

Par ailleurs, les guérisseurs souhaitent qu'il leur soit accordé des moyens substantiels pour améliorer leur travail. Ils l'ont proclamé au regard des milliards dépensés pour la médecine moderne, dans les recherches certes, mais également dans des réunions, et qui n'ont pas toujours donné les résultats escomptés.

Une structure qualifiée

L'association PROMETRA se voit ainsi confier une mission importante. Elle semble être à la hauteur pour la mener à bien, compte tenu de son expérience, elle qui oeuvre depuis 1971, sur le terrain du département de Fatick, au Sénégal, avec pour objectif principal de promouvoir la médecine traditionnelle et de tisser des liens entre toutes les cultures à travers le monde. Ainsi, elle a pu identifier les guérisseurs de 264 villages que compte le dit département, en les distinguant des charlatans, et en les organisant, à partir de 1981, au sein de l'association.

Elle a participé, aux côtés de l'université Tulane de New Orleans et de l'Ecole de médecine de Morehouse à Atlanta, toutes deux aux Etats-Unis, à la réalisation d'une enquête portant sur les "Connaissances, attitudes et pratiques" des guérisseurs, du personnel médical et paramédical et de la population de la région de Fatick.

Le quotidien sénégalais "Le Soleil", sous la plume du journaliste Pape Mbdj, révèle ainsi les résultats de cette enquête: "90% de la population s'adressent aux guérisseurs; 87% des patients les ayant consultés sont satisfaits (guérison ou amélioration); 52% des guérisseurs collaborent avec leurs homologues de la médecine moderne [...]; 81% des guérisseurs ont des connaissances sur les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA, les maladies psychosomatiques, l'asthme, les dermatoses et certaines affections dites incurables, tels le diabète et l'hépatite virale...". De tels résultats ont permis de réaliser un projet de recherche opérationnelle utilisant les guérisseurs dans la dissémination de l'information sanitaire auprès des populations dans les domaines de la planification familiale naturelle et la lutte contre les maladies diarrhéiques chez l'enfant, conclut-il.

Dans cette association des deux médecines, le ministre Balla Daffé, pharmacien de profession, propose que l'on accorde davantage d'intérêt à l'exploitation des réserves de la biosphère et de la biodiversité. Une telle exploitation, estime t-il, "peut permettre la production de clones, de gènes et d'anticorps monoclonaux dont l'utilisation est sans effets secondaires".

Controverses sur le SIDA

M. Cheikh Tidiane Diop, de son côté, pense que cette collaboration peut permettre d'éradiquer plusieurs maladies et s'attaquer peut-être à l'inquiétante pandémie du sida.

Certains guérisseurs prétendent pouvoir soigner le sida, mais les expériences, dit-on du côté de la médecine moderne, se sont plutôt révélées négatives. Pourtant, au congrès de Dakar, certains guérisseurs ont encore soutenu que "les sidéens qui prennent les plantes médicinales, ont vu leur état de santé s'améliorer, contrairement aux autres". Et d'autres ont insisté sur le caractère mystique de leurs trouvailles qui permettent de soulager les personnes vivant avec le VIH.

En tout état de cause, le président du Comité national sénégalais de lutte contre le sida, le Dr. Ibra Ndoye, pense que "les guérisseurs devront accepter que les laboratoires de référence, dont dispose la médecine moderne, puissent faire des tests post- traitements, pour être sûr de la présence ou non de VIH chez leurs patients. Il faut qu'ils soient formés dans l'épidémiologie, la clinique et les critères de guérison de la maladie, et qu'ils connaissent la maladie dans ses manifestations et le danger que constitue, pour le malade, l'arrêt de certains traitements".

La nouvelle stratégie de lutte contre le sida, en Afrique en tout cas (où 21 millions d'adultes et d'enfants sont séropositifs et où un individu sur 14 en moyenne est contaminé par le virus), doit s'adapter et se fonder désormais sur le concret, le disponible, l'efficace et l'accessible, dit le Dr. Gbodossou. Aux côtés des spécialistes de la médecine moderne, des gouvernements et des associations, elle doit impliquer les tenants de la médecine traditionnelle qui doivent ainsi apporter leur contribution à la lutte contre ce fléau qui interpelle tout le monde.

END

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