ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 371 - 01/07/1999

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Congo (RDC)

La presse congolaise face à son destin


by Tshibambe Lubowa, Kinshasa, 28 mai 1999

THEME = MEDIAS

INTRODUCTION

Bilan inquiétant d'un colloque sur le fonctionnement de la presse privée

Journalistes en danger, une ONG congolaise de défense et de promotion de la liberté de la presse, partenaire de Reporters sans frontières, est la dernière association professionnelle à se pencher au chevet de la presse congolaise moribonde. Du 30 au 31 mars 1999, elle a organisé au Centre culturel américain à Kinshasa un colloque sur le financement de la presse privée en RDC qui a réuni des responsables de la presse privée, tant audio-visuelle qu'écrite.

Le diagnostic est inquiétant. "Le financement des médias est devenu difficile. Le pouvoir d'achat des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs traditionnels (médecins, enseignants, magistrats, fonctionnaires, étudiants, etc.) s'est tellement amenuisé que rares sont encore les personnes qui sont à même de consommer le discours de la presse. Une des conséquences: le plus grand tirage à Kinshasa est de 2.000 exemplaires et le taux d'invendus est de l'ordre de 60 à 70%".

En plus, le financement par voie de publicité est quasi inexistant. La plupart des sociétés privées, qui étaient des partenaires privilégiés de la presse en ce domaine, ont fermé les portes ou tournent autour de 30 ou 40% de leur capacité. Celles qui tentent de tenir encore le coup, relativisent leurs besoins en publicité dans un pays où la crise économique prend des proportions inquiétantes. Les créances des maisons de presse sur les entreprises et les institutions (principalement du secteur public, et même de la présidence) s'accumulent sans espoir d'être payées. Et la presse n'a plus accès au crédit, à cause notamment de la crise bancaire.

Cette situation fait que beaucoup de maisons de presse ont fermé, ou bien qu'elles ne paraissent plus que sporadiquement sans tenir compte de leur périodicité. Si le coût de production pour une édition de 1.000 exemplaires est d'environ 300 dollars, et que les recettes qu'on en retire (sans publicité) atteignent difficilement les 80 dollars, on ne peut que mettre le cadenas sur la porte! Selon une étude effectuée début avril 1999 pour l'Association des journalistes de développement, sur 60 journaux répertoriés paraissant à Kinshasa au mois de mai 1998, 20 seulement continuent à paraître; les 40 autres ont, selon leurs éditeurs, momentanément suspendu leurs activités. De ces 20 journaux encore en activité, 10 respectent jusqu'ici leur périodicité, les 10 autres paraissant irrégulièrement. A ces derniers on peut ajouter 4 ou 5 autres, disparus de la circulation, mais qui paraissent parfois au hasard d'une commande expresse.

Le rôle de la presse

Cette situation est contraire au rôle que la presse aurait à jouer comme important garde-fou contre les dérives du pouvoir politique. En l'absence d'organes directeurs dûment élus et de partis politiques en activité, seule la presse peut donner de la voix pour dénoncer les violations des libertés, la mauvaise gouvernance et les entraves à la démocratie. Rempart du peuple, la presse est aussi un important instrument de développement.

D'autre part, il faut reconnaître que les conditions difficiles dans lesquelles évoluent les médias congolais ont poussé la plupart des journaux encore présents à pécher contre les règles de la déontologie journalistique, ce qui hypothèque l'indépendance et l'objectivité dans le traitement de l'information. Que ne lit-on pas dans la presse locale? Des grands titres sans contenu consistant, des articles visiblement commandés et dictés par certains milieux politico-financiers avec l'intention de nuire ou d'encenser le pouvoir en place. Des titres de propagande politique ou sur la guerre, qui sont souvent contredits par l'évidence quelques instants après, renflouent les journaux qui ont fait allégeance au pouvoir, au prix d'un million de francs congolais, décaissé par la Banque centrale le 24 juin 1998. Cet argent divise même la profession, amenant certains patrons de la presse à des voies de fait.

Le président de Journalistes en danger, Donatien Mbaya Tshimanga, a relevé ce fait: "Mal attribué et mal géré, cet argent a divisé la presse en deux camps: ceux qui ont profité de ce "don" présidentiel, et ceux qui ont été "oubliés" lors du partage. Les lignes éditoriales des journaux ont connu la même bipolarisation, avec ceci de grave que les critères classiques de sélection et de traitement de l'information sont souvent ignorés. Plus remarquable encore est le fait que le "don en argent" du chef de l'Etat n'a pas amélioré la qualité des journaux, ni les conditions de vie et de travail des journalistes". Il a plutôt permis aux heureux bénéficiaires de s'acheter des villas ou des grosses cylindrées, ou pour certains d'aller en villégiature en Europe, et à un autre même de s'installer au Canada...

Conclusions du colloque

Les participants au colloque ont convenu qu'il fallait d'abord réorganiser la profession, minée par les appétits de grandeur, la haine, la jalousie, la délation caractérisée. Ce comportement a poussé certains confrères à lancer dans la presse des appels au meurtre contre des collègues, ou à exprimer dans leurs écrits la joie d'en voir d'autres mis aux arrêts. Aussi, pour remettre de l'ordre au sein de la corporation, les participants ont fait appel au comité de suivi des Etats généraux de la communication, venu à Kinshasa en 1995, pour qu'il prenne contact avec les instances du pouvoir afin de mettre sur pied un Haut conseil de la communication.

Les participants ont également demandé à l'Etat de ne pas se soustraire à ses responsabilités face à la presse, conformément aux dispositions de la loi 96/002 du 22 juin 1996, fixant les modalités de l'exercice de la liberté de la presse en RDC. Ils ont encore demandé au gouvernement d'aider la presse dans son ensemble par une aide conséquente, directe et indirecte.

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