ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 371 - 01/07/1999

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Guinée- Bissau

Au carrefour de la démocratie


by Pedro Antonio dos Santos, USA, juin 1999

THEME = DEMOCRATIE

INTRODUCTION

La mise à l'écart du président Joao Bernardo Vieira ("Nino")
a plongé la Guinée-Bissau dans une situation tout à fait inhabituelle

A l'intérieur du pays, la majorité de la population a montré sa joie et son soulagement. On assistait à la disparition politique d'un homme qui, pendant 19 ans, avait mené une politique désastreuse et s'était conduit comme si le pays était sa propriété personnelle. A l'extérieur, cependant, la communauté internationale a réagi de façons assez diverses. D'un côté, la Communauté des (sept) pays de langue portugaise (CPLP) saluait l'issue d'une crise politico-militaire longue de onze mois, mais insistait auprès des nouvelles autorités pour qu'elles agissent légalement et assurent la sauvegarde du président évincé. Par contre, des organisations internationales telles que l'Organisation des Nations unies (ONU ), l'Organisation de l'unité africaine (OUA ), l'Union européenne (UE ) et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO ), et des pays comme le Sénégal, la France et les Etats- Unis, ont condamné l'événement le qualifiant de "coup d'Etat".

Etait-ce bien un coup d'Etat?

A première vue, il semble que les événements de Guinée-Bissau aient toutes les caractéristiques d'un coup d'Etat. Une rébellion militaire a forcé un président élu à abandonner le pouvoir. Les organisations internationales citées plus haut tiennent à ce qu'un président "démocratiquement élu" ne soit pas contraint par les militaires de quitter le pouvoir: ce n'est pas le moyen de résoudre les différends politiques. Tout changement à la tête d'un pays devrait se passer pacifiquement et selon la Constitution.

Certains pays sont même allés plus loin et ont envisagé d'imposer des sanctions. Effectivement, le Sénégal a bloqué des tonnes de vivres et de médicaments destinés à la Guinée- Bissau.

Le 13 mai, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé aux nouvelles autorités d'assurer la sécurité de l'ex-président et a promis d'appuyer les efforts des forces d'interposition ouest-africaines (ECOMOG) en vue de "restaurer la légalité constitutionnelle" en Guinée-Bissau.

Il y a pourtant des cas où la façon normale de changer de dirigeants ne fonctionne pas, surtout lorsque le pouvoir lui-même est la source majeure des conflits, comme c'était le cas pour le président Vieira qui refusait d'écouter les avis, même quand les affaires allaient fort mal dans le pays.

Pourquoi Vieira a-t-il été évincé?

Le président Vieira a été évincé, tout d'abord parce qu'il a violé de façon répétée les accords d'Abuja qui garantissaient son maintien au pouvoir jusqu'aux élections générales (prévues à la fin de l'année). Ces accords stipulaient entre autres que le président et la junte militaire devaient agir de concert dans les affaires du gouvernement et limiter le nombre de gardes armés du président et d'Ansumane Mané, chef de la junte. Mais qu'en est-il advenu? Le président a violé ces accords en remplaçant l'ambassadeur de Guinée-Bissau au Portugal par un des ses amis proches. Il a refusé aussi de réduire la garde présidentielle. Au contraire, il a maintenu un rôle de 600 gardes, la plupart recrutés au cours des derniers mois du conflit parmi les jeunes gens de sa région d'origine.

Ces violations n'étaient pas des épisodes isolés, mais faisaient partie d'un tableau général, comme il ressort d'une étude plus approfondie de la réputation du président Vieira. Tout au long de ses 19 années au pouvoir, il a clairement violé les lois du pays et les droits de l'homme.

Ensuite, contrairement à ce que rapportent les médias français et sénégalais et à ce que craint la communauté internationale, la vie du président Vieira, pour autant que cela concerne la junte, n'a jamais été en danger. M. Vieira a été sauvé par la junte alors qu'il se trouvait au Centre culturel français et amené à l'ambassade du Portugal à Bissau. Les nouvelles autorités voulaient assurer sa sécurité pour que, le moment venu, il puisse répondre devant la justice des accusations dirigées contre lui et contre sa gestion.

En un sens, on peut comprendre l'indignation manifestée par la France et le Sénégal, car ils étaient les plus proches alliés de Vieira et leurs propriétés diplomatiques à Bissau ont été détruites durant la guerre civile. De même, la réaction négative de l'ECOMOG peut s'expliquer par le fait que les dirigeants de la CEDEAO sont des amis de M. Vieira et éprouvent eux-mêmes des difficultés politiques.

Trahir ses propres promesses

Il est cependant difficile de comprendre pourquoi l'ONU, l'OAU, l'UE et les EU insistent pour que le peuple de Guinée-Bissau oublie toutes les horreurs et tous les abus de pouvoir qui ont caractérisé le gouvernement de M. Vieira.

Avant d'être élu en 1994 lors d'élections fort controversées, M. Vieira était arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1980, en écartant le président Luis Cabral. Une fois au pouvoir, M. Vieira a promis la transparence de l'administration, la liberté de parole et de presse et la fin de la persécution et de l'exécution des soi-disant "ennemis de la révolution". En réalité, ses actes ont démenti ses paroles. Il a fait comprendre qu'il était le chef et s'est proclamé "père de la Guinée-Bissau", signifiant ainsi qu'il était le seul à pouvoir garantir l'unité du pays. Sa gestion a été caractérisée par la terreur, la corruption et le népotisme; la tension sociale était à son comble. L'atmosphère politique était insupportable et on sentait que la nervosité des citoyens pouvait exploser à tout moment...

Vieira doit répondre de ses actes

Maintenant que la guerre civile est terminée et qu'une nouvelle administration a repris les choses en main, une question se pose: un ancien président accusé d'infractions doit-il passer en justice ou faut-il le laisser partir en exil sans aucune sanction, comme certaines organisations et certains pays le suggèrent? Par ailleurs, comment un pays qui veut que ses dirigeants soient responsables de leurs actes, peut-il fermer les yeux et laisser partir impuni un président accusé de méfaits?

Les nouvelles autorités de la Guinée-Bissau doivent maintenant convaincre la communauté internationale de la situation réelle du pays. Comme l'information sur la situation actuelle en Guinée-Bissau a été présentée de manière déformée, le gouvernement veut clarifier les choses et a lancé une offensive diplomatique dans le but de démontrer au monde que la mise à l'écart par la force du président Vieira n'était pas un coup d'Etat mais le seul moyen de rétablir la paix et l'ordre dans le pays.

END

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