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by Mathurin Momet, RCA, juin 1999
THEME = POLITIQUE
Conscient de n'avoir pas tenu ses promesses aux électeurs en
1993,
le président Patassé traîne le pas dans l'organisation des élections présidentielles
et cherche des prétextes
Les prochaines élections présidentielles en RCA , prévues pour le mois d'août, constituent un véritable casse-tête pour la MINURCA (Mission onusienne de maintien de la paix en RCA) et les bailleurs de fonds impliqués dans le processus électoral. D'une part, le parti au pouvoir et ses alliés multiplient les manoeuvres frauduleuses pour reconquérir le pouvoir; d'autre part, l'Union des forces acquises à la paix et au développement (UFAP, une coalition des partis politiques de l'opposition) veut que les consultations populaires se déroulent dans l'équité et la transparence, dans le délai prescrit par la Constitution du 14 janvier 1995.
Peu de temps après la publication des résultats officiels des élections législatives des 22 novembre et 13 décembre 1998, le leader du MLPC (Mouvement pour la libération du peuple centrafricain), Ange Félix Patassé, conscient du désaveu populaire, s'est rendu successivement au Cameroun et au Togo pour s'imprégner des stratégies utilisées par ses pairs Paul Biya et Eyadéma qui, bien que impopulaires, ont réussi à se faire réélire. De plus, il a nommé son cousin Timothée Ndilné comme ambassadeur au Cameroun, où des cartes d'identité nationales ont été largement distribuées aux ressortissants tchadiens qui s'y sont installés, pour qu'ils votent massivement pour le président en fonction. En RCA même, un vaste mouvement de préfets, sous- préfets et maires s'est développé pour les besoins de la cause.
L'évaluation du processus électoral, réalisé par la Commission électorale mixte indépendante (CEMI) et le National Democratic International Affairs (NDI), a révélé des carences dans le code électoral, et a souligné la nécessité d'impliquer tous les acteurs du processus électoral (gouvernement, partis politiques et société civile) dans l'organisation, la supervision et le contrôle des élections, afin de réduire les cas de fraude. Elle demande aussi l'allégement de l'effectif des membres du bureau de la coordination de la CEMI pour la rendre plus opérationnelle.
La résolution 1230 du Conseil de sécurité des Nations unies avait donné mandat à la MINURCA pour restructurer les Forces armées centrafricaines et préparer et contrôler les élections présidentielles. Le représentant spécial des Nations unies, Oweyemi Adeniji, a donc organisé une rencontre entre la majorité présidentielle et l'opposition pour instaurer une nouvelle CEMI . Le projet de texte consensuel issu de cette réunion interdit aux sous- préfets, voués au chef de l'Etat, d'être les présidents des comités locaux de la CEMI, et réduit le nombre des membres de 70 à 28, répartis de la manière suivante: 11 représentants de la majorité présidentielle, 11 de l'opposition, 2 des partis centristes, 2 des partis indépendants et 2 du gouvernement.
Or, Patassé a modifié unilatéralement ce projet de décret, soumis à sa signature, pour attribuer 9 postes à la majorité présidentielle, 9 à l'opposition, 2 aux partis centristes, 2 aux indépendants et 5 au gouvernement. L'opposition, convaincue que cette modification n'est profitable qu'au chef de l'Etat, a décidé de suspendre sa participation à l'organisation du scrutin présidentiel pour ne pas cautionner une parodie d'élection.
Les bailleurs de fonds et le Premier ministre Georges Anicet Dologuélé ont alors convoqué une réunion au cours de laquelle l'opposition a exigé et obtenu l'instauration des comités de contrôle des sous-préfets, comportant en partie égale des représentants de la majorité et de l'opposition, supervisés par des observateurs internationaux. Le décret nommant les membres du bureau de la coordination de la CEMI a finalement été rendu public et ceux-ci ont prêté serment le 20 mai 1999.
Bien que la campagne électorale ne soit pas encore ouverte, le candidat Patassé et le MLPC l'ont déjà lancée. Des fonctionnaires acquis au président utilisent des véhicules de fonction et arborent des casquettes et T-shirts portant les logos et slogans du parti au pouvoir pour sillonner tout le pays et convaincre les chefs des villages, les notables et les leaders charismatiques à voter pour Patassé. Et, alors que les fonctionnaires, les retraités et les boursiers cumulent leurs arriérés de salaires, pensions et bourses, le parti au pouvoir a acheté 10.000 bicyclettes, 3.500 motocyclettes et plus de 50 véhicules pour la campagne.
Malgré le démarrage tardif des préparatifs du scrutin, le peuple centrafricain se préoccupe du maintien de la MINURCA, dont le mandat prendra fin en novembre prochain, et de la nécessité d'éviter le vide au sommet de l'Etat en respectant la durée du mandat présidentiel, pour ne pas connaître la même situation que le Congo-Brazzaville avec Lissouba.
Depuis les trois insurrections armées qui ont secoué la RCA en 1996-1997, le président Patassé, qui accuse les Français d'être à l'origine de ces crises, a décidé de se rapprocher davantage de Kadhafi, Déby et Kabila.
Les relations franco-centrafricaines sont devenues tumultueuses avec l'anticipation, par Patassé, du départ des contingents français basés à Bouar (ouest du pays), au camp Béal et à l'Escadrille à Bangui. Récemment encore, le régime MLPC, par le canal de la sécurité présidentielle, a interdit à l'ambassadeur de France, M. Jean Marc Simon, de se rendre à Berberati en compagnie de M. Nakombo, député et administrateur de la CETAC (Compagnie de l'exploitation du tabac en Afrique centrale), pour y visiter les projets financés par l'agence française de développement. Les autorités y voyaient une manière de les déstabiliser et ont qualifié ce déplacement d'inamical.
D'autre part, le 11 mai dernier, l'abbé Yves Pesquieux, recteur du grand séminaire Saint-Marc de Bimbo, à son retour de France, a été arrêté à sa descente d'avion et gardé à vue à la gendarmerie. Selon des sources concordantes, Patassé et ses disciples, convaincus que ce religieux est un cousin du président Chirac, ont tenté de faire croire à l'opinion publique qu'il est un général reconverti et le cerveau d'un complot ourdi à l'Elysée pour écourter leur règne. L'archevêque de Bangui et le nonce apostolique ont dû exercer des pressions pour qu'il soit libéré.
Le chef de l'Etat caresse l'intention de s'éterniser au pouvoir par la force, au cas où il échouerait aux élections. Ainsi, après la seconde mutinerie, il a décidé d'importer des armes et des munitions, d'introduire des forces étrangères dans le pays, et de recruter et former des forces non conventionnelles malgré la présence de la MINURCA. Il refuse par ailleurs de satisfaire aux exigences requises pour le maintien de la mission onusienne, afin qu'elle rentre chez elle et lui donne la possibilité d'exécuter son plan machiavélique.
On s'inquiète en particulier des multiples voyages qu'il effectue en Libye pour solliciter et acheter des armes de guerre et des véhicules militaires. Il faut aussi se rappeler que Patassé a signé des accords militaires avec l'Egypte, le Sénégal, le Soudan, l'Ethiopie, le Tchad, le Congo-RDC et la Libye. Mais ces accords n'ont pas été ratifiés par l'Assemblée nationale, comme l'exige la Constitution de 1995.
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